12 heures dans la vie d'Olivier Rouyer
Attachez vos ceintures et embarquez dans la tête du consultant vedette de Canal+.
Auteur : Sylvain Zorzin
le 26 Juil 2009
11 h 01
Réveil. Aïe. Et la gueule de bois. Faut dire, on a fêté toute la nuit le match nul de Nancy contre le Havre, Pablo Correa a même dédié cette victoire à Laszlo Bölöni, c’est dire. Moi, on m'a renversé du vin sur la chemise, on aurait dit que je portais les couleurs du FC Metz. Brrr. Sinon, la journée s’annonce plutôt tranquille. Le soir, je commente au côté de Jean-Charles Sabatier. Je l’aime bien, moi, Jean-Charles Sabatier. Il me fait penser à l’AS Nancy Lorraine: capable de faire illusion durant une ou deux saisons, tout en suscitant une étrange compassion pour les clubs d’ex-RDA.
12 h 03
Tiens, Michel Platini passe à la maison. On recause de nos années en équipe de France. Lui, depuis qu’il a commencé sa croisade pour un foot plus équitable, on l’a surnommé "la tentative de gauche". On dirait qu’on parle d’un tir de Maoulida… Madou… Malouda. Et voilà, ça commence. C’est insupportable, ces bafouilles, depuis le CP que ça dure. Heureusement, Michel est un ami, il ne s’offusque pas pour si peu. Lui-même, quand il était joueur, il suffisait qu’on lui dise "Je suis démarqué, fais une passe au millimètre!" pour qu’il comprenne "Tu peux marquer, tente donc de quarante mètres".
14 h 22
Interview pour une petite radio locale. Ah, je n’aime pas ces journalistes survoltés, qui vous reçoivent comme si vous étiez un être exceptionnel, sous prétexte que vous habitez dans une ville de plus de quatre cents habitants. Ils ont l’air gentils, comme ça, mais c’est pour mieux vous balancer des vacheries sur vos bafouillages et vos hésitations. Tenez, rien que la dernière fois, leur Stéphane Guillon local, il explique que c’est à la suite de mes analyses sur le recrutement énigmatique de Kamil Oziemczuk à Auxerre qu’on a donné à Canal+ le surnom de "chaîne cryptée". Bon, d’accord, des gens ont rapporté leur décodeur après que j’ai tenté de dire "Djordjevic" à trois reprises. N’empêche, le premier samedi du mois, j’en connais qui ont pris mes rires brouillés pour une séquence du Journal du Hard, ç’a relancé les abonnements.
14 h 28
On m’installe dans un petit studio. Il paraît que Luis Fernandez est déjà venu ici. En même temps, les analyses bas de plafond et les invités étroits d’esprit doivent se sentir à l’aise dans ce cagibi. Faut faire attention à pas s’assommer, c’est tout. Fernandez, lui au moins, il a l’habitude: la dernière fois qu’il a heurté quelqu’un avec ses raisonnements, c’était un Schtroumpf.
14 h 29
Ils ne m’auront pas avec leurs questions à la con. J’écoute M, je lis le magazine Q, et mes meilleurs souvenirs de Canal, c’est H et les films X. Ils peuvent toujours s’accrocher pour récolter des réponses de plus de deux syllabes.
16 h 43
"Et puis Metz, ce n'est pas la France, C'est vraiment un pays de cons, Qu'on leur rende leur indépendance, Qu'ils arrêtent de nous péter le fion." Ah, ça, c’est la sonnerie de mon portable. Un coup de fil du fils de Grégoire Margotton.
"Eh, salut Dylan. Que puis-je faire pour toi?
― Salut Olivier. Dis, là, j’ai les x et les y qui s’affrontent pendant l’Algébrico. Tu ne pourrais pas me donner un coup de main? Je ne comprends pas ce que c’est, un entier algébrique.
― Un nombre algébrique est dit entier algébrique s'il est racine d'un polynôme unitaire (c'est-à-dire que le coefficient de son monôme dominant est égal à un) à coefficients dans les entiers relatifs.
― Ah, ok, super, merci.
― A ton service. Tu salueras ton frère Brandon pour moi.
― Pas de souci. Hé, Olivier, tu sais pourquoi le FC Metz remontera pas en Ligue1?
― Non.
― Eh beh t’es le seul (rires)."
Sont mignons, ces mômes. Quelle idée quand même de les appeler Dylan et Brandon. Sacré Margotton. Le seul journaliste sportif qui croit que l’Américano n’est pas un apéritif mais un sommet du championnat US de foot.
Hum, bon, d’accord, je reconnais. Lorsque je suis tout seul, je suis capable de livrer des analyses fines, percutantes et limpides. C’est quand je suis en public, avec des gens importants, je perds mes moyens. Tout seul, les chaussettes de l’archiduchesse n’ont aucun secret pour moi, pas plus que les slips kangourous de Luyindula. Mais c’est ainsi. C’est une malédiction. Des années que ça dure.
23 h 01
Jean-Charles Sabatier abuse de la bière allemande dans son maillot Energie Cottbus, mais la seule chose qu’il rend c’est l’antenne. Mon téléphone vibre à nouveau.
"Allô?
― Salut, c’est Pape Diouf. Nonobstant les années écoulées, pareilles à des gouttes d’eau gonflant l’océan de ma honte, je demeure contrit et ne puis me pardonner de t’avoir volé le rôle d’Antoni Wodziński dans la pièce de Jarosław Iwaszkiewicz lorsque nous étions ensemble au CP. Je tenais à le formuler en des sentences non lapidaires ni compendieuses.
― D’accord, merci."
Je raccroche. Jean-Charles se tourne vers moi.
"Quelque chose qui cloche?
― Non, c’était Pape Diouf. A propos d’exquises mais inexplicables excuses. Va comprendre".
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