Le coeur battu
En ne passant pas l'obstacle du PSV, l'OL a reporté le rendez-vous avec sa propre légende européenne...
Auteur : Pierre Martini
le 14 Avr 2005
Il était écrit que ce ne serait pas ce mercredi soir que l'OL inscrirait enfin dans le cœur de la France du foot un exploit mémorable, de la trempe de ceux qui entrent dans notre petit mais précieux Panthéon national. Car même s'il s'était sorti de cette rencontre non moins étouffante que la séance de penalties qui l'a conclue, ce PSV-OL ne s'était de toute façon pas élevé à l'altitude de tels sommets. Il restait donc l'enjeu, la porte ouverte à un rendez-vous autrement plus scintillant contre le Milan AC... Et de ce point de vue, la déception ne sera pas facilement atténuée. On pourra certes épiloguer — en perpétuant le vieux chœur des lamentations françaises — sur ce penalty oublié très injustement par M. Nielsen et son assistant. Mais ce serait oublier que le sort de ce quart de finale ne s'est pas joué sur ce seul fait de jeu. Le pétrole, pas les idées Car auparavant, les Lyonnais n'ont pas fait parler leurs points forts, du moins ceux qui devaient faire la décision. Le secteur défensif, à l'image d'un Chris presque parfait ou d'un Réveillère brillant, n'a certes cédé que sur "l'accident" d'un coup franc vite tiré et mal renvoyé, mais on est frappé par le faible rendement des attaquants, à l'exception désormais habituelle de Wiltord. Malouda et surtout Govou ont peiné, contribuant à la pénurie d'actions véritablement dangereuses — au point que ce n'est pas tant l'efficacité qui a fait défaut, faute d'occasions en nombre significatif, que la capacité à préparer, en amont, les situations d'attaque. Le Philips Stadion n'était de toute façon pas la scène idéale pour de grandes envolées, et s'est plutôt prêté à un combat infernal au milieu de terrain, où l'impact physique a prédominé sur tout autre considération. Sur ce ring, ni Juninho, ni Essien n'ont vraiment évolué au niveau attendu, le Brésilien étant même d'une discrétion étonnante, tandis que Diarra, omniprésent, avait un peu grevé son match en commentant trop de fautes d'emblée. Si le trio n'a pas démérité face aux ogres d'en face (quelle équipe ne rêverait pas d'avoir un Van Bommel dans son effectif?), il n'a pas donné d'impulsion suffisante pour produire du jeu vers l'avant, notamment parce l'entrejeu lyonnais a dû plus souvent reculer que son homologue. Eindhoven représente bien sûr une terrible machine tactique, mais il s'agissait justement de la dérégler en créant des différences individuelles qui sont restées trop rares (cruellement, on comptabilisera toutefois dans cette catégorie la course de Nilmar interrompue par Gomes). Juninho, sur une telle prestation, va relancer des détracteurs placés sous l'étouffoir de ses statistiques sur coups francs. Depuis son arrivée en France, il reste une sorte d'énigme tant son influence semble parfois se réduire à cette efficacité spécifique, alors que l'on pourrait attendre de lui plus de présence, sinon dans la récupération, du moins dans l'animation. Partie remise Au bilan, l'OL peut effectivement nourrir d'amers regrets, mais avant tout envers un match aller insuffisamment maîtrisé, envers un manque d'audace et d'assurance lors des trois dernières mi-temps de cette confrontation — même si beaucoup préfèreront pointer l'absence d'un pur buteur de classe européenne. L'équipe lyonnaise peut également mesurer son déficit relatif d'expérience à ce niveau, surtout face à des Bataves particulièrement roués et dirigés par un tacticien de premier ordre. Pour voir le positif, on retiendra que ce genre de désillusion est de nature à renforcer la détermination olympienne pour les saisons à venir, à alimenter le désir de revanche. D'autres clubs sont passés par là avant de trouver la lumière. N'oublions pas que l'Olympique lyonnais est un club freudien qui pratique le report de jouissance: il s'est jusqu'à présent construit de manière progressive, à un rythme qui n'a jamais été effréné — il suffit de se souvenir des sarcasmes qui accompagnaient, il y a quatre ans à peine, ses échecs au seuil des titres nationaux... Dans cette perspective, l'élimination d'hier serait presque une bonne chose.