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Expertise : la parole au public ?

Le point commun entre la supercherie d'un gamin de dix-sept ans qui se fait passer pour un journaliste sur Twitter et les expériences "participatives" des chaînes de télé, ce pourrait être l'émergence de nouvelles formes d'expertise.

Auteur : Nicolas Docao le 23 Mars 2014

 


Sam Gardiner a dix-sept ans, habite dans le nord de Londres et supporte Arsenal. Comme beaucoup d’amateurs de football, il voit dans Twitter un canal d’expression et un moyen de prolonger le débat. Or, il se retrouve confronté à une barrière de taille: à cause de son âge, nul ne considère sérieusement ses propos sur le réseau social, où son compteur de followers reste bloqué à 300 unités. Piqué au vif, l’adolescent n’en démord pas et crée un personnage numérique apte à être entendu par le plus grand nombre.
 

 


 


Le sens de la supercherie

Tout d’abord, il conçoit le profil Twitter de Dominic Jones, ancien recruteur et journaliste à Goal qui, bien entendu, n’existe pas. Une fois l’imposture notifiée à Twitter par un vrai journaliste de Goal, Gardiner réitère en inventant Samuel Rhodes, journaliste pigiste pour le Daily Telegraph et le Financial Times. En janvier 2014, le profil de Samuel Rhodes est suivi par plus de 20.000 personnes. Afin de s’assurer l’audience la plus large, Gardiner spécialise son personnage Samuel Rhodes dans les rumeurs de transfert, capharnaüm langagier où les individus les plus entendus sur Twitter sont les journalistes. À partir de son expérience de passionné et de consommateur de football, Gardiner/Rhodes relaie les rumeurs qui lui semblent le plus crédibles. Et le succès arrive, parfois à grand renfort d’affabulation, comme lorsqu’il affirme s’être entretenu avec un membre de Chelsea pour affirmer en novembre 2012 le licenciement prochain de Roberto di Matteo. Par chance pour Gardiner-Rhodes, la prophétie devint réalité.
 

Aujourd’hui, le compte Twitter de Samuel Rhodes n’existe plus. Kate Day, directrice des contenus digitaux du Telegraph, a dénoncé la supercherie au réseau social. L’histoire de Sam Gardiner ressemble à celle de Christophe Rocancourt, appliquée à la twittosphère foot – les détournements d’argent en moins – ou de Rob Beal, "source" du Times pour le projet de la fameuse Dream Football League. Au-delà, il a décodé avec profit les usages gouvernant l’économie du commentaire footballistique sur Twitter.
 


Twitter, une course de relais

Dans La condition postmoderne (1979), Jean-François Lyotard définissait la postmodernité comme "la fin des grands récits" dans la sphère intellectuelle et l’avènement d’un "nuage d’éléments langagiers narratifs" spécifique à l’informatisation de la société. Si la crise de la presse écrite et du format de l’article dans sa consommation individuelle peut s’approcher de la fin des "grands récits", le succès de Twitter comme canal prioritaire d’information à chaud ressemble à ce "nuage d’éléments langagiers narratifs", où le journaliste n’est plus consommé pour l’information qu’il intègre dans un article, mais pour l’information qu’il relaie dans un tweet.
 

Sur Twitter, n’importe qui peut écrire n’importe quoi, la seule contrainte étant celle des 140 caractères. Ainsi, la validité d’une information délivrée sur Twitter, de surcroît une rumeur de transfert, ne peut provenir que de la légitimité de son énonciateur. Sam Gardiner a construit un personnage de journaliste contribuant à de grands titres de presse, afin de légitimer ses propos. Entre le personnage de Samuel Rhodes (20.000 followers) et le profil personnel de Sam Gardiner (300 followers), l’opinion footballistique est la même. Seul le statut diffère, présent dans la petite bio du profil Twitter. L’histoire de Sam Gardiner montre que l’écoute d’une opinion footballistique sur Twitter ne repose pas sur sa pertinence, mais sur le statut de celui qui l’émet, ce statut pouvant être la vérité comme une construction de toutes pièces.
 


Promotion du participatif

Pour autant, envisager une inversion du rapport entre la pertinence et le statut quant à la parole footballistique n’est pas insensé. Nombre d’artifices télévisuels font la part belle à Twitter, à l’instar de MyTelefoot (TF1), misant sur l’interactivité, ou la pastille "Twittofoot" de J+1 (Canal+ Sport) qui privilégie l’humour. beIN Sport fait également de la prise de parole alternative un atout de fidélisation de son public. Le dispositif #PureLive invite le téléspectateur à commenter un match grâce à ses tweets, ces derniers étant diffusés à l’antenne, alors que seul le son du stade est perceptible lors de la retransmission. L’explication de ce dispositif participatif de commentaire du match dans son spot de présentation est par ailleurs éloquente [1]. Cette description convoque ainsi l’analyse et l’expertise du public afin de la mettre en visibilité par l’intermédiaire de Twitter, et le dispositif légitime la parole du public.
 

À la rentrée 2013-2014, beIN Sport a accentué cette prise de parole alternative en mettant en place une plateforme collaborative sur Internet: YourZone. À l’instar du Plus du Nouvel Observateur ou d’Express Yourself, son but est de publier des billets écrits par des internautes (après validation), quelle que soit leur notoriété ex ante, et son slogan est transparent: "Partagez votre passion et votre expertise du sport". Au-delà de convoquer "l’expertise" des internautes, beIN Sport souligne que "les meilleures contributions seront relayées sur www.beinsport.fr, [les] applications mobiles et tablettes, et même sur [les] chaînes", laissant entrevoir à ses contributeurs la possibilité d'endosser le rôle d’expert, donc de consultant [2].
 


L'expertise du public

La chaîne met ainsi sur un pied d’égalité les journalistes, les consultants et les contributeurs, jusqu’à rendre poreuse la barrière entre la contribution sur Internet et la présence sur un plateau de télévision en tant que consultant. Par ce dispositif, beIN Sport renverse les prérequis déterminant la figure de consultant sportif, en privilégiant la pertinence des propos aux dépens de la notoriété établie. Toutefois, en dépit de ces promesses, au vu des émissions quotidiennes du Club, rares sont les contributeurs de YourZone à intervenir également à la télévision.
 

Néanmoins, certains commentateurs du football sur Twitter commencent à faire le grand pas entre Internet et la télévision. Par exemple, Sébastien Chapuis (@SeBlueLion), étudiant en géographie et éducateur de football révélé sur Twitter, a réussi avec brio à convertir sa pertinence numérique en pertinence télévisuelle, en occupant chaque semaine un fauteuil de consultant dans The Specialists (Canal+ Sport). En Grande-Bretagne, l’auteur du blog Zonal Marking Michael Cox signe des chroniques pour le Guardian, ESPN et FourFourTwo. À chaque fois, la recette du succès est identique: Twitter pour se faire repérer, un blog de qualité pour être validé.
 


Vers un Studio Bagel du foot ?

Dans le domaine de l’humour, les médias télévisuels sont demandeurs des "jeunes talents du web", selon l’expression consacrée. Le Studio Bagel, boîte de production et collectif de "YouTubers", vient d’être acquise à 60% par Canal+, et fournit des contenus pour le Before et Le Grand Journal. La preuve qu’un succès online peut ouvrir les portes du grand public, au sein duquel la recherche des talents se fait via les réseaux sociaux: "On repère souvent des auteurs sur Twitter, des personnes qui ont des bonnes plumes", soulignait Lorenzo Benedetti, producteur du Studio Bagel, sur le plateau de Médias le Mag (France 5), le 23 mars dernier.
 

Il n’existe pas, aujourd’hui en France, d’équivalent au Studio Bagel dans le commentaire du football sur Internet. Sur Twitter, des individualités autres que journalistes trouvent une audience, qu’elles entretiennent parfois via un blog où elles expriment leur pertinence. Des affinités se créent, des liens se font et se défont. L’absence d’unité traduit ainsi la créativité plurielle de ces nouveaux commentateurs de la chose footballistique.
 

Alors, afin de renouveler l’opinion footballistique offerte au grand public, inutile d’adopter la stratégie de Sam Gardiner et œuvrer à l’imposture ou à la mise en scène de la vie numérique: faire le pari de la pertinence sera bien plus efficace.


[1] "Vous préférez un match sans commentaires? Vous aimeriez apporter votre propre analyse?#PureLive. #PureLive, c’est une nouvelle façon de regarder le football: vivez cette nouvelle expérience. Grâce aux réseaux sociaux, le commentateur du match de 20h45, c’est vous. Il vous suffit de vous connecter durant le Live à Twitter, hashtag #PureLive, de rédiger un tweet et de l’envoyer, afin d’apporter au téléspectateur votre expertise, votre humour, votre humeur." (source:beIN Sport: "Vivez l’expérience #PureLive"). 
[2] Le présentateur Alexandre Ruiz, confirme cette récompense ultime pour les internautes, lors de l’émission "Le Club" du 2 septembre 2013 : "Si vous avez envie d’être un confrère, à nos côtés, vous avez ce site: beinsport.fr, et vous avez un onglet spécifique 'Espace YourZone'. Vous allez dessus et vous postez, tout simplement, vos articles, vos photos et vos vidéos, sur toute l’actualité du football international. Ces articles, vidéos et photos sont sélectionnées et animent ce site, et on vous retrouvera, pourquoi pas, dans nos émissions avec nos experts, afin de partager votre avis sur l’actualité du football international."

 

Réactions

  • Lucho Gonzealaise le 24/03/2014 à 07h22
    Il aurait été intéressant aussi d'aborder l'émergence progressive de sites comme Sportdub, qui offrent la possibilité aux internautes de commenter en direct audio les retransmissions sportives de leur choix.

  • et alors le 24/03/2014 à 11h02
    Ca flatte sûrement l'ego de citer Lyotard, mais à ce point tiré par les cheveux, ça fait surtout préciosité mal comprise.

  • Jamel Attal le 24/03/2014 à 11h31
    @et alors
    Super constructive la remarque de bienvenue, et en matière de flatterie de l'égo, elle excède très largement ce que tu prêtes à l'auteur de l'article – lequel, lui, a construit une argumentation qui mériterait autre chose que cette remarque aussi lapidaire que stérile.

    À part ça, Lyotard c'est intéressant, et les éléments cités dans le texte sont à mon avis tout à fait raccord avec le propos.

  • et alors le 24/03/2014 à 12h18
    Jamel, sur le fond du sujet j'ai déjà dit ce que j'en pensais quand il y a eu une polémique autour des démanagers. Je peux dire aussi que je ne tiens pas plus à me faire emboucaner par un twittos que par Christian Jeanpierre quand je regarde un match, que de toute façon je coupe systématiquement le son des retransmissions et que je ne regarde aucun talk-show.

    J'ai quand même lu l'article par curiosité, j'ai tiqué sur la citation de Lyotard (je maintiens, elle est utilisée à tort et à travers), et je ne vois pas pourquoi je me serais privé de le dire. Mais bienvenue quand même @N_Docao du Plus, s'il a des choses pertinentes à dire.

  • JihaiR le 24/03/2014 à 12h24
    [meta commentaire critique d'un ex petit contributeur]

    A ce compte là, il y a aussi un article à faire sur la société du grand déballage, ou, faute d'expert(s) médiatique(s) crédible(s), une certaine attitude consiste à capitaliser sur son audience en la mettant à la Une - la crowdfunding version éditoriale. Ça marche avec Le Plus, ex-Le Post, Express Yourself, le truc de Bein que je découvre, mais également ici depuis des années - (j'en suis une des preuves). C'est aussi le fond de commerce de RMC, ça donne des trucs ultra bancaux (sic) comme Agoravox, et les blogs hébergés par des médias plus ou moins statutaires. De toute façon, lister les médias contributifs serait désormais fastidieux.

    Il n'y a matière ni à être pour, ni à être contre, cela dépends de comme cela est fait et présenté. A titre personnel, je regrette que tes nouveaux contributeurs, qui ont su prendre un espace parfaitement vacant faute d'anciens combattants, en fassent - à ce point - un plan de carrière et d'émergence médiatique. A revendiquer sur Twitter (je l'ai lu dans des bios !), à linker et relinker pour se créer une media-existence de toute pièce. Précisément pour justifier l'enviable statut qui permet que sa voix participe au débat, décrit dans cet article.

    C'est une nouvelle façon d'aborder le contributif, alors pourquoi pas. Je ne juge pas le fond, et rien n'a jamais été mieux avant.

    A vrai dire, sur la forme, le seul truc qui était forcément mieux avant, c'est que les contributeurs essayaient toujours un peu d'être drôle, et pas seule d'écrire leur CV en direct.

  • osvaldo piazzolla le 24/03/2014 à 23h39
    Je ne connais pas bien Lyotard donc je suis curieux d'en savoir plus, à la fois de la part N_Docao et de et alors. Doit on comprendre la presse "institutionnelle" comme porteuse des "métarécits de la modernité", et les nouvelles formes collaboratives comme "postmodernes"? Dans le sens d'une disparition de l'autorité d'un discours "moderne" qui serait porté par la presse? Comme en science, l'expert, représentant d'une science "moderne" (vérité, nature, positivisme...) face au savoirs profanes?

  • et alors le 25/03/2014 à 10h05
    C'est justement en ça que la citation m'a parue tirée par les cheveux : Lyotard fait tout de même un usage précis de ses expressions, on ne peut pas mettre n'importe quel truc-qu'était-mieux-avant (ou pas mieux, si on considère que twitter est un progrès) sous l'étiquette "grand récit de la modernité". Ca me paraît encore plus déplacé que de dire d'un match qu'il s'agit d'une épopée ou d'une tragédie.

    Donc si on laisse les métarécits tranquilles, oui on peut se demander ce qui change entre la presse traditionnelle et sa version "participative". Mais comme je disais, l'expertise de l'une ne m'intéresse pas plus que celle de l'autre en matière footballistique.

  • et alors le 25/03/2014 à 10h08
    Et merci Jihair.

  • liquido le 26/03/2014 à 09h12
    Oui, merci Ji. L’agressivité carriériste des nouveaux contributeurs est quand même un pur produit de l’état des médias, non? Il me parait logique que les espaces contributifs soient sur-investis par les wannabes précaires que cet univers engendre par palettes, pour, in fine, se transformer en espace semi-professionnalisé: qualité professionnelle mais pas les thunes qui vont avec. On ne saurait blâmer ceux qui y voient l’opportunité de mettre un pied dans la porte, lesquels sont aussi d'ailleurs, j'imagine, authentiquement passionnés par leur sujet. Après, la logique de showcase propre à l'exercice donne des trucs effectivement un peu pédants / scolaires / pas drôles. Et la mise en abyme vertigineuse induite par les médias sociaux produit du commentaire de commentaire de commentaire de commentaire ad lib. Et on en a parfois un peu rien à foutre. Ce qui me permet d’évoquer un modèle que des amis journalistes freelance testent en ce moment, et qui redonne un peu à la démarche journalistique strictement empirique ses lettres de noblesse. Genre ça: lien. Aucune idée de si c'est viable cependant.

  • Radek Bejbl le 26/03/2014 à 18h26
    Je m'étais abstenu de réagir parce que j'en ai un peu marre de créer des discussions, je le fais très rapidement parce que la frustration me gagne et que je suis quand même au coeur de ces idées préconçues qui visent à côté : les nouveaux contributeurs sont soit des gens qui ont un boulot à côté, soit des gens qui bossent dans le journalisme depuis des années. Que ça puisse offrir une visibilité pourquoi pas, mais c'est très loin d'être le but.

    Si les bios twitter sont "standardisées" et qu'il y a un relais des articles, c'est une démarche en accord (voire voulue) avec ce qu'on appellera la rédaction. Le seul but est de pouvoir identifier un cercle de contributeurs et que les cahiers aient de l'audience. Ce n'est absolument pas une démarche spontanée pour se faire mousser. Et dans une logique de promotion personnelle, tout ce qui est fait en dehors serait relayé (sujets télés, articles papiers, chroniques...), pas seulement la petite part que représente l'investissement ici.

    On ne donne peut-être pas l'impression d'être drôles, dommage c'était sans doute mieux avant. Et peut-être qu'on a l'air prétentieux, ce qui est malheureusement une question de point de vue qui divise (selon l'interrogé, ce sera soit les anciens blasés soit les jeunes affamés, dans tous les cas l'image colle au site). Mais c'est quand même compliqué d'être rabaissés à une condition de post-étudiants au chômage qui profitent fièrement de leur première tribune et le clament partout. Ca donne envie de rappeler tout ce qu'on fait à côté pour prouver que non, attitude qui serait vue comme de la vantardise/justification. Donc on est coincés. Alors que la seule raison pour laquelle on s'investit dans le truc, en écrivant et en relayant, c'est l'envie de voir le site perdurer.

La revue des Cahiers du football