À Tottenham, l'inflation des billets atteint un nouveau stade
When Saturday Comes – Alors qu'ils s'apprêtent à remplir le successeur de White Hart Lane, les supporters de Tottenham déchantent en découvrant les tarifs des abonnements.
Extrait du numéro 375 de When Saturday Comes. Titre original : "High risers", traduction Toto le zéro.
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Pour les supporters de Tottenham, le nouveau stade surgi des ruines de White Hart Lane est source de fierté et d'attentes. Achevée pour le début de la prochaine saison, l'enceinte de 62.000 places offrira un beau compromis entre ses magnifiques installations – ses tribunes dressées au plus près de la pelouse offrant une visibilité idéale – et la perspective de générer les recettes nécessaires aux ambitions du club. Ultramoderne, elle n'en est pas moins un véritable stade de football.
Plus grand, plus cher
L'attente a pourtant laissé la place à la consternation et au désarroi dès lors que les tarifs d'abonnement ont été annoncés par le club. Ils s'élèveront au minimum à 900 euros, soit une hausse de 20 à 50% pour des montants qui étaient déjà parmi les plus élevés d'Angleterre. Ces places meilleur marché se situent par ailleurs dans la zone familles et sont conditionnées à l'achat d'un abonnement enfant. En définitive, seuls 8% environ des abonnements coûteront 995 euros ou moins.
Pour sa défense, le club souligne que plus de 23.000 abonnements sont disponibles à 1.100 euros – ce qui représente néanmoins une somme conséquente pour assister aux dix-neuf rencontres de championnat (les matches de coupe ne sont pas compris) derrière le but ou dans les quarts de virage. Cela signifie que 30.000 places coûtent encore plus cher… En outre, les loges business forcent certains supporters de longue date à s'exiler vers les tribunes Ouest et Sud. Pour ne rien arranger, le prix des billets individuels n'ayant pas encore été annoncé, il est impossible d'évaluer l'intérêt d'un abonnement.
Le système de réservation prioritaire en huit étapes a suscité encore plus de mécontentement. Il ne tient pas compte des abonnements antérieurs à 2006/07 car la base de données du club ne remonte pas avant, ce qui pénalise les milliers de fans des années précédentes, dont certains depuis plusieurs décennies. De plus, des supporters souhaitant se regrouper ne peuvent acheter un ticket que lorsque tous relèvent de la même étape: ceux qui sont éligibles à l'étape un, mais ont de la famille ou des proches à l'étape huit, par exemple, devront attendre – alors que le choix sera extrêmement limité et les places les moins chères vendues depuis longtemps.
Fidélité mal récompensée
Accessoirement, des réductions pour les enfants, les personnes âgées et – une première – les jeunes adultes de moins de vingt-deux ans sont comprises, bien que ces places risquent de n'être plus disponibles lors de la dernière phase. La tribune Sud est aménagée pour de futures zones debout sécurisées et les personnes handicapées seront placées en tribunes, et non plus assignées à des espaces à la visibilité exécrable.
Tout le monde s'attendait à des augmentations, mais pas à cette échelle. Le choix final revient à chacun mais il est difficile d'arrêter une vie de supporter mais beaucoup s’y résoudront car l'addition est trop salée. Le Supporters' Trust fait pression pour obtenir des réductions avant la date d'échéance pour les abonnements, à la mi-mai. Un gel des prix, la réintégration des matches de coupe et des réductions dès que le stade aura été financé lui semblent aussi des options raisonnables. Toutefois, l'association n'ayant été informée qu'au tout dernier moment des nouveaux tarifs par le club, malgré cinq années de dialogue, tout changement paraît peu probable.
La nouvelle enceinte est parfaite pour regarder du football et sera sans aucun doute pleine, au moins pour les quelques saisons à venir. Mais si les fans ont conscience des réalités économiques inhérentes au jeu moderne, cette démarche peut susciter une colère sourde tant la fidélité au club est peu prise en compte. Leur acceptation de tarifs si prohibitifs sera éphémère si l'équipe n'a pas d'aussi bons résultats que celle de Mauricio Pochettino – dont le respect envers les supporters a contribué à leur rapprochement avec le club.
"Welcome home" ?
L'affaire illustre parfaitement la vision qu'a le club de ses supporters. Le hall agrémenté d'acier bruni, de chêne et de quartz, l'aire de restauration, le bar de soixante-cinq mètres ou la microbrasserie ne pourront faire oublier le prix des billets ou, plus fondamentalement, le morcellement des groupes d'amis ou familiaux formés depuis des décennies. Quant à la fameuse tribune Sud à un niveau – enfin un virage digne de ce nom –, elle est parsemée de blocs de loges du style Club Wembley, à 2.500 euros la place.
Près de 44.000 personnes possèdent actuellement un abonnement. Mus par la fidélité et la ferveur plutôt que par l'accumulation de trophées, les inconditionnels des Spurs remplissaient White Hart Lane et les parcages visiteurs alors que les premiers rôles revenaient aux clubs rivaux. Bien loin du "Welcome home" clamé par les brochures sur papier glacé, ils sont nombreux à éprouver un sentiment de découragement et d'exclusion.
Pour avoir une idée de la véritable vision du club, il faut lire un mail imprudemment envoyé à un fan de la tribune inférieure Est (dernier vestige du Shelf, la zone debout traditionnelle datant de 1934), qui justifie la hausse de 50% des prix par l'amélioration des installations, et conclut que cela "changera également le type de supporteur qui s'y assoit". En plus des tickets, il faudrait donc venir en avance, rester après la rencontre et dépenser de l'argent… Bienvenue aux nouveaux consommateurs. Il est temps que la fidélité, la passion, les sentiments de camaraderie et de communion que le football peut procurer soient appréciés à leur juste valeur. Chez les Spurs, il semblerait que cette possibilité se soit déjà évanouie.
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