Lusitanos-Bordeaux en vrai
La queue pour se garer, la queue pour acheter sa place, la queue pour rentrer dans le stade… Créteil n’a pas dû souvent connaître une telle effervescence footballistique, et c’est aux Lusitanos de Saint-Maur qu’elle le doit. Profitant de cette belle affiche, les dirigeants ont d’ailleurs décidé de renflouer les caisses du club. Certaines places se vendent ainsi à 25 euros (soit près de 164 francs), pas loin des tarifs de ce qui est pratiqué habituellement pour un match de D1. Niveau sécurité, c’est plutôt à un match de Coupe du monde qu’on a l’impression d’assister. Un triple barrage est ainsi nécessaire pour accéder aux tribunes. Et comme les équipes chargées de la fouille ont été composées de deux jeunes femmes pour un homme –chacun s’occupant d’un spectateur du même sexe-, l’attente est parfois bien longue pour nous autres mâles avant d'accéder aux travées (le contraire de la queue pour les toilettes en fait).
Ça attaque fort…
Quoi qu’il en soit, à l’approche de 18h, le stade Duvauchelle* résonne des chants portugais d’un public tout acquis au club de National. Au micro, le speaker annonce le nom des joueurs bordelais: ceux de Basto et Pauleta sont salués par des applaudissements. Dugarry n’a pas droit à ces égards: il est copieusement sifflé, alors qu'il n'a encore rien fait. Le speaker connaît le même sort quand il se hasarde à lancer un très fair-play "Allez Bordeaux", et les joueurs rentrent sur le terrain. Le spectacle peut commencer. Et il commence fort. Sur le coup d’envoi, une longue balle en profondeur est adressée à l’attaquant des Lusitanos. Il s’échappe, mais pousse un peu trop sa balle: Ramé parvient à capter le ballon. A peine sept minutes se sont écoulées, et Dugarry a droit à sa première ovation. Sur un bon dribble, il subit une vilaine faute d’un défenseur adverse: à terre, il entend une bordée de sifflets descendre des tribunes. La suite du match voit les Girondins imposer leur jeu en passes courtes. Au quart d’heure de jeu, un beau mouvement entre Dugarry et Dhorasoo met Pauleta en position favorable, mais l’attaquant est hors-jeu. Les supporters portugais peuvent être rassurés: les "Miseria" qu’ils prononcent comme une incantation à chaque fois que l’International lusitanien touche le cuir semblent faire effet… Deux minutes plus tard, Dugarry envoie à nouveau son goleador maison en face à face avec Gaby Oliveira, mais il lui manque quelques centimètres pour pousser le ballon au fond des cages.
La claque
Et c’est encore Duga, décidément en grande forme après deux mois d’abstinence, qui s’illustre. Suite à une feinte de corps à l’entrée de la surface il arme une frappe un peu écrasée, bien captée par le portier. La domination des marines et blancs est outrageuse mais, à la surprise générale, c’est les Lusitanos qui ouvrent la marque. Les banlieusards parisiens jouent une touche suite à un ratage total d’Ulrich Ramé sur un dégagement au pied. Une passe en retrait de Pierre Planus dans la surface s’achève par un petit lobe de Doudou Kamada qui finit dans la lucarne. 1-0, c’est tout de même un petit miracle, au vu des premières minutes de ce match. Les Girondins poursuivent d’ailleurs sur leur bonne lancée. Deux coups francs consécutifs pour deux nouvelles fautes sur Dugarry — toujours copieusement hué — permettent à Costa et Sommeil de placer une tête décroisée, trop décroisée pour permettre aux bordelais de revenir au score. 25 minutes viennent de s’écouler, et le public a mangé son pain blanc, du moins en termes de qualité de jeu.
Dugarry, Duga pleure
La suite de la première mi-temps voit les Portugais jouer à l’italienne: le match est entaché d’une pluie de fautes sur Dugarry, décidément intenable (mais dégoûté), ou Dhorasoo, dont le jeu rapide est bien souvent interrompu par des irrégularités. Le match est haché, les Girondins peinent à mener à bien leurs mouvements collectifs, d’autant que Meriem n’a pas la même influence que lors de sa première partie sous ses nouvelles couleurs face à Lyon. A la 40e, ce sont même les Lusitanos qui frappent un coup franc des 30 mètres en force que Ramé détourne avec difficulté. La seconde mi-temps calque son rythme sur la première: les défenseurs banlieusards balancent de longues relances hasardeuses et continuent leur travail de sape en empêchant les Bordelais d’exprimer leur technique. Dhorasso parvient cependant, au prix d’une remarquable percée, à adresser un centre en retrait qui ne trouve personne. Le public portugais se met alors à chambrer en lançant des "Allez Calais" aux joueurs girondins. Une ola fait se lever tout le stade hormis… le kop bordelais, qui subit l’ire des supporters locaux. A quelques minutes de la fin du match, un supporter des Lusitanos croit même faire un arrêt cardiaque quand il voit annoncer 10 minutes de temps additionnel par le quatrième arbitre: c’est en fait le meneur de jeu des Lusitanos qui cède sa place à l’un de ses partenaires. Les cinq dernières minutes sont marquées par les assauts répétés de Girondins vexés qui placent quelques têtes cadrées ou non qui ne parviennent jamais au fond des filets. Les Lusitanos inscrivent même le but de la victoire par Pimenta à la dernière minute, sur un contre rondement mené. Le stade explose. La sortie de l’enceinte est ponctuée d’un concert de klaxons. C'est Créteil-Soleil.
* Dominique Duvauchelle était un journaliste de stade 2, prématurément disparu au début des années 80.
Bréviaire
chambreur ?
Le speaker à la fin du match : "Bonne chance aux Girondins pour le championnat et la Coupe de l’UEFA".
coaching
Basto arrière-gauche, c’est sympa pour lui, mais c’est pas très efficace pour le club.
jeu d’enfants
Avoir un Doudou, c’est quand même vachement rassurant.
sans commentaire
Christian Jeanpierre (TF1): "Belle passe de Carlos Meriem".