Weah 1994, un frisson automnal
Un jour, un but – Il y a deux décennies en Ligue des champions, un éclair de Mister George foudroyait la défense du Bayern au Stade olympique de Munich.
Lama, Cobos, Dieng, Roche, Colleter, Llacer, Séchet, Guérin, Bravo, Nouma, Ginola. Voici l’équipe que décide d’aligner Luis Fernandez lors de cette cinquième journée de la phase de poules de la C1 1994/95. Nous sommes le 23 novembre 1994 plus précisément, à Munich, et le Paris Saint-Germain est déjà qualifié après ses quatre victoires initiales.
L'entraînor fait donc un peu tourner son effectif et ne titularise pas notamment son attaquant vedette, George Weah. Le Libérien demande tout de même à être sur le banc et fait son entrée en jeu à la 65e minute, en lieu et place de David Ginola. Sur une action d’anthologie, il va faire basculer la rencontre, et lancer le PSG vers la première place du groupe.
Le collectif et l'individu
Un crochet du droit a éliminé Thomas Helmer, le tacle de Jorginho a été vain, Mehmet Scholl a mordu dans la feinte de dribble intérieur, Kahn n'a pas pu toucher le ballon qui s'est logé dans sa lucarne droite, malgré son extension. En cette 78e minute, George Weah a tout effacé sur son passage après un une-deux avec Pascal Nouma, voulu seulement par le lui et rendu possible par un mauvais contrôle de son coéquipier.
L'action dégage une telle maîtrise, un tel impact qu'elle semble inéluctable malgré l'encombrement stérique devant la surface bavaroise. C'est comme si Weah avait décidé qu'il en serait ainsi, que ce score vierge avait assez duré. Une action qui donne des frissons de la tête aux pieds, en passant bien par l'épine dorsale.
La mémoire collective retient surtout le final grandiose individuel de Weah, mais ce but exceptionnel est également sublimé par sa construction. À l’entrée de sa surface, Francis Llacer renvoie de la tête une longue ouverture de Lothar Matthäus. Paul Le Guen récupère au milieu et donne sur sa gauche à Patrick Colleter qui, du plat du pied, lance George Weah en profondeur. L’attaquant parisien résiste à Matthäus et efface Jorginho, avant de donner en retrait le long de la ligne de touche à Le Guen.
Le Breton réinitialise le trio en transmettant devant à Colleter qui trouve rapidement Weah dans l’axe. Le numéro 14 du soir demande alors le une-deux avec Nouma à partir duquel il va enclencher la machine de destruction, avec notamment un démarrage fulgurant et un délicat crochet intérieur sur Helmer.
Un parcours en or
À ce but magnifique, le principal intéressé proposera une réaction zidanesque: “C'est superbe. Je suis content.” Sur le terrain, sa joie est plus communicative. Franz Beckenbauer va plus loin: “Le but de Weah est évidemment une action de classe mondiale”, tandis que Michel Denisot parle d’un joueur ”sur un tapis volant”. En plein rêve bleu, Weah et le PSG parachèveront leur grand chelem dans ce groupe B en disposant ensuite (4-1) du Spartak Moscou au Parc.
L’avant-centre parisien inscrira un doublé, qui fait de lui le buteur décisif de quatre matches sur six dans cette C1 1994/95. L'aventure du PSG s'achève en demi-finales face au Milan AC de Boban et Savicevic. Weah s'était montré décisif en quart en marquant le but égalisateur en Camp Nou face au Barça, mais il est insignifiant contre les Rossoneri. Future recrue du club lombard, il crée la polémique avec ces deux prestations sans relief. On dit de lui qu'il ne se donne pas assez, en commun accord avec le Milan AC.
Qu'importe ces conjectures qui, surtout, ne justifient en rien les adieux malodorants que certains spectateurs du Parc des Princes lui réservèrent. Au bout de l'année 1995, Weah remporte le premier Ballon d’Or ouvert à tous les joueurs évoluant en Europe, sans distinction de nationalité. Il est champion d’Italie avec le Milan AC en 1996, mais la plus glorieuse partie de sa carrière en club est derrière lui.
C’est avec son pays, le Libéria, qu’il se distingue le plus. Il le qualifie pour la CAN deux fois (1996 et 2002) et aura été au final sa star, son pionnier, son capitaine, son coach et même un candidat finaliste à la présidentielle de 2005. Parce qu’un but comme celui inscrit face à Vérone le 8 septembre 1996 (son préféré), et celui du 23 novembre 1994 (le nôtre), ne peuvent être que l'œuvre d’un joueur ayant largement dépassé sa simple condition de footballeur.