Sors de ton corps, Jean-Michel
Jean-Michel Aulas a conclu la saison et lancé l'intersaison en lançant des malédictions contre ses ennemis réels ou imaginaires. Faut-il l'exorciser?
Auteur : Pierre Martini
le 24 Mai 2010
Peut-on accomplir de grandes choses sans parvenir à en sortir soi-même grandi? Jean-Michel Aulas donne au moins raison à l'adage selon lequel l'œuvre est toujours plus grande que l'artiste. L'ultime sortie du président lyonnais, dans le temps additionnel d'une saison qui l'a vu réoccuper les devants de la scène médiatique, a été à la hauteur d'une carrière entière frappée du sceau de ses acrimonies. "Comme il y a une équité, [les journalistes] sauront remettre les choses dans le bon ordre et cela va être très dur pour les Bordelais et Laurent Blanc. Lille était devenu un peu hautain, les Lillois nous ont snobés, et ce soir, j'ai appelé le président de Lorient, pour le féliciter..." (OL TV, cité par L'Équipe).
Le reflux gastrique plutôt que l'élan du cœur
Comme d'habitude, le dirigeant rapporte tout à son ego éternellement blessé, et les compliments sont des règlements de compte sur tierce personne. Jusque dans la victoire, c'est l'esprit de revanche (sur des ennemis très largement imaginaires) qui l'emporte. Même lorsque son club sauve avec autorité une saison difficile en dépit d'une place dans le dernier carré de la Ligue des champions (lire "Ne déposez pas le bilan de l'OL à sa place"), JMA est moins enclin à savourer son bonheur qu'à ruminer ses rancunes, comme s'il devait absolument peaufiner son image de mauvais gagnant.
Prompt à ériger en modèle (économique) les grandes écuries européennes, le président lyonnais devrait s'inspirer de leurs dirigeants, loin d'être tous exemplaires, mais qui donnent généralement une tout autre idée de la grandeur de leur club.
Grosse bouderie
Mais les affaires courantes reprennent, et avec elle les campagnes d'intoxication dont est coutumier le négociateur en chef. Se posant en acquéreur potentiel de Yoann Gourcuff au terme de l'avant-dernière journée, Jean-Michel Aulas a vite ouvert les hostilités. Hélas, les dirigeants girondins se sont rebiffés, priant leur confrère de ne pas faire une Chamakh 2005. Voilà le prétendant éconduit annonçant qu'il ne veut plus "alimenter le marché français": "On l'a fait sans forcément avoir le retour escompté puisque l'on nous ferme la porte au nez" (Le Progrès). "C'est malheureux à dire, mais on va démontrer un peu par l'absurde (sic) tout ce que Lyon apporte au football français en montrant que si on n'investit pas en France, on va investir à l'extérieur et que indirectement, en période de crise, les clubs français ne vont pas en bénéficier. Tout le monde va s'en mordre les doigts". Nananère. (1)...
Non sans quelque désespérance pour la nature humaine, on se demande ce que JMA a bien pu apprendre de sa propre expérience, pourtant si riche et si gratifiante, et de sa remarquable réussite, pour en être encore aujourd'hui à régler des comptes qui relèvent de réflexes puérils dont à soixante ans passés il n'est toujours pas débarrassé. C'est vrai, on aimerait le voir, de temps en temps, léger et sans arrière-pensée, sincèrement heureux (sans besoin de dire, comme après son émotion de Real-OL, qu'on allait le trouver sympathique), le voir s'oublier. Sors de ton corps, Jean-Michel.
Avertissement. Il n'y aura pas de trêve olympique pour Jean-Michel Aulas durant le Mondial: "Je serai en Afrique du Sud à partir du 8 juin et je serai très fier d'y être avec quatre Lyonnais".
(1) Jean-Michel Aulas présente l'acquisition des meilleurs joueurs d'équipes rivales comme de la charité (ce refrain avait déjà été entonné l'an passé). Ne venez pas lui parler de l'intérêt économique de garder ces joueurs pour obtenir de meilleurs résultats et des ressources supplémentaires.