Sauver la partie, pas la patrie
Une Balle dans le pied – À l\'heure du bilan (définitif) de Blanc, son successeur devra faire des Bleus une équipe de football.
De toutes les raisons qui seront avancées pour expliquer le départ de Laurent Blanc, il sera difficile de reconnaître les plus authentiques. Il est probable que plusieurs ont contribué à cette décision, à divers degrés, et on aura plus tendance à poser la question du bilan (cette fois définitif) du sélectionneur en se demandant si ce départ est une bonne chose ou pas. Au-delà, c'est la sélection française qu'il faudrait refonder, pour faire en sorte qu'elle redevienne une équipe de football. Et seulement une équipe de football.
MANAGER DES EGO
Sur le premier point, le paradoxe est que l'équipe de France est arrivée à l'Euro avec un crédit rechargé sur la foi de ses amicaux de 2012, et qu'elle l'a dilapidé en Ukraine. Sportivement, l'équipe s'est désintégrée lors de ses deux dernières rencontres, perdues de piètre manière. Médiatiquement, elle avait basculé dès la première avec la célébration de but de Nasri. Sur les deux plans, la sélection semble n'avoir pas énormément progressé depuis Knysna, et Blanc s'être trompé sur le terrain tactique comme sur le terrain humain – ce qui ne le distingue plus beaucoup de Raymond Domenech. Tous deux ont échoué avec des castings différents, et on en est aujourd'hui revenu au sempiternel stade de la "reconstruction" (lire "De quoi l'équipe de France est-elle le nom").
Pour autant, Blanc restait probablement le meilleur candidat à sa succession. Son bilan sportif, en dépit de l'irrégularité des Bleus et de leur crash en compétition finale, a dégagé quelques bases et indiqué des pistes de progression. Il est légitime de dire qu'un groupe et une équipe se construisent sur quatre saisons, comme de croire en la capacité d'un homme à apprendre de son expérience. Pour ce qui est des problèmes de mentalité individuelle, il en a été instruit de l'intérieur (et a payé pour savoir), et se trouvait donc assez bien placé pour les gérer à l'avenir. Il est cependant possible que Laurent Blanc ne dispose pas des qualités de "manager des ego" que requiert désormais le poste, dans toutes les sélections majeures, qu'il n'y trouve pas son compte humainement et ne se sent pas en mesure de s'atteler à cette tâche.
Celle de son successeur sera complexe, puisqu'il devra à la fois gérer la recomposition d'un groupe en subissant la pression immédiate des éliminatoires pour la Coupe du monde, et assurer une énième opération de restauration de "l'image" de la sélection, voire de redressement moral.
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