Saint-Étienne marche sur une mine
La chute de la Maison Bompard-Soler?
Aujourd'hui au cœur de la tourmente judiciaire qui s'abat sur le foot français, l'AS Saint-Étienne connaît une saison 2000/01 dramatique, que nul ne se serait amusé à prédire aussi noire l'été dernier. L'essentiel de l'effectif ayant terminé le précédent championnat à la 6e place avait été préservé, et en dehors de l'habituel remue-ménage autour d'Alex et Mettomo et de la valse-hésitation avec Berezowski, tout se présentait bien. Après les premiers matches, on voyait même les Verts figurer comme un très sérieux outsider. La situation actuelle contraste d'autant plus avec l'assurance et les ambitions affichées au début d'une saison qui devait voir l'ASSE viser l'Europe et retrouver son rang "historique" parmi les cadors du championnat. Comment l'empire vert renaissant a-t-il pu s'écrouler sur ses fondations à peine reconstruites? Quel extraordinaire retournement a mené Bompard et Soler d'un avenir radieux à une lutte incertaine pour sauver leur club?
Comme un symbole de ce rêve brisé, la rupture avec Nouzaret renvoie Soler et Bompard à leur image d'hommes seuls, vers lesquels les regards se tournent. C'est peut-être elle qui a déclenché l'affaire, si l'on veut croire que Nouzaret était au courant et a incité Toulouse à porter les réserves qui ont mis le feu aux poudres. Même dans l'hypothèse arrangeante où les dirigeants ne seraient pas à l'origine des malversations, ils ont commis de lourdes fautes, dont on doute qu'elles se limitent à de simples négligences. Le prix qu'ils paieront n'est pas encore clairement défini (cela dépendra d'abord du combat politico-juridique qu'ils devront mener pour sauver leur club des sanctions), mais ils ont gravement compromis cette trop belle success-story.
Remontée en D1 avec un an d'avance sur le plan de reprise, l'ASSE nouvelle a-t-elle été grisée par son spectaculaire retour au premier plan sportif et médiatique? Emportés par l'ambition, ses dirigeants ont-ils perdu les sens des réalités, voire des responsabilités, et se sont-ils laissé tenter par quelques arrangements? La petite histoire de cette grosse affaire le dira sans doute.
Sur le fil du rasoir
Sur le plan sportif, juste avant l'orage, l'éviction de Nouzaret semblait avoir été digérée: le travail de Toshack avait d'abord consisté à renouer avec une certaine solidité défensive, avant de redonner à son équipe une identité et une capacité à faire du jeu dont ont témoigné les dernières rencontre avant la trêve. Las, le Gallois a senti le vent tourner et s'est carapaté, pour suivre un chemin moins embrumé et plus proche de ses châteaux en Espagne.
Aujourd'hui Mettomo a imité Aloisio (qui fera l'objet des mêmes procédures qu'Alex) avec une blessure mettant fin à sa saison. Alex est au Brésil, peu pressé de passer en garde à vue, et il sera de toute façon suspendu. Levytsky a rejoint le Spartak plus vite que sa lettre de sortie de la Ligue, mais, probablement mis en examen, il est promis à quelques séjours en France. Panov est toujours virtuellement prêté à Lausanne. Malgré ces absences et une attaque presque totalement démunie, l'effectif reste surchargé (avec un excédent de milieux de terrain de qualité) et de nombreux départs sont dans l'air (Guel, Boudarène, Hernandez, Sarr…). Si à l'inverse des renforts devaient être envisagés, les dirigeants s'accorderaient-ils une marge financière par les temps qui courent et surtout, quels joueurs seraient disposés à rejoindre une équipe au destin si aléatoire?
Sachant que l'hypothèse d'un retrait de points reste de vigueur (malgré l'extrême prudence des dirigeants de la Ligue, qui ne s'y résoudront qu'en dernière extrémité), et sachant que cette compétition resserrée ne pardonne pas les faiblesses, l'objectif sportif semble n'être plus que le maintien en première division, en priant que pour que des sanctions administratives ne viennent pas ruiner les efforts consentis sur le terrain.
Les joueurs pour sauver le club
La gestion psychologique du groupe ne sera donc pas chose facile, d'autant que certains joueurs vont être tentés de penser à mener leur carrière loin du Forez. La "solution interne" prônée par le groupe a donc porté un duo Wallemme-Garcia aux commandes du Charles-de-Gaulle stéphanois. Le premier des postulats, déjà risqué, est que les deux hommes puissent travailler en toute concorde. Il faut aussi que l'effectif adhère au discours du duo, et les premiers signes vont dans ce sens. D'ailleurs, l'"autogestion" s'imposerait presque comme la solution naturelle à l'incurie actuelle des dirigeants, pour des joueurs qui voudraient justement reprendre leur destin en main.
Alors pourquoi ne pas imaginer que les Stéphanois, ceux qui ont des crampons (avec le soutien de ceux qui donnent de la voix), parviennent à créer cette solidarité et cette volonté que ce championnat, très moral cette saison, semble vouloir récompenser au classement? Le groupe reste de qualité et il a un vécu commun —qui a comporté d'excellents moments dans un passé pas si lointain— il pourrait donc conjurer la menace d'une descente aux enfers, l'enchaînement fatal du doute et de la résignation. Il faudra de toute façon aux supporters une bonne dose d'optimisme et de zen pour traverser la période mouvementée qui s'annonce. En vert et contre tout…
