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La prime en direct

Arrêt sur images d'une scène de la vie des vestiaires. Faut-il regarder les footballeurs palper le flouze, ou détourner pudiquement le regard?
Auteur : Victor Hugo Leal le 28 Oct 2003

 

Les joueurs se sont habitués à voir pénétrer les caméras dans les vestiaires, cette intrusion étant devenue une figure imposée de la retransmission télévisée des rencontres. Ils "jouent" ce troisième acte, se livrant au rituel bruyant de la célébration de la victoire, ou au contraire affectant des mines de circonstance en cas de défaite. Ils restent assis sur les bancs, un peu empruntés, attendant peut-être l'interview dans la buée. On les sent se contenir, retenir les manifestations plus spontanées qu'ils doivent exprimer d'ordinaire, tout comme ils font attention à se ceindre les reins d'une pudique serviette. Les spectateurs de Nantes-Lyon sur Canal+, s'ils sont restés devant leur écran après le coup de sifflet final, ont assisté en direct une représentation un peu plus originale: l'intervention du président Aulas dans les vestiaires de son équipe. Ils l'ont vu prendre la parole pour s'adresser à ses salariés et annoncer en direct qu'il doublait la prime de match, déclenchant des hourrahs et des "tchikatchikatchik" enthousiastes.

L'instant où tout bascule.
Dhorasoo reste stoïque Un scène ordinaire dans les clubs professionnels, que l'on a déjà aperçue ici ou là — quoique la séance préliminaire des joueurs réclamant la prime en scandant "président, président" est plus fréquente. Celle-ci a de particulier le fait qu'elle a été assez délibérément mise en scène et qu'elle est totalement assumée: en revoyant l'action, on entend d'abord Jean-Michel Aulas annoncer "en voix off" le doublement de la prime tandis qu'Edmilson est interviewé, puis recommencer l'annonce après que la caméra se fut tournée vers lui. Le véritable effet comique de la scène résulte de l'expression sur le visage de Dhorasoo juste après : tandis que ces collègues hurlent leur satisfaction, il reste immobile, la bouche bée et le regard incrédule tourné vers son patron. Faut-il comprendre qu'il est déçu parce que n'étant pas entré en jeu, il ne touchera rien, ou alors qu'il est tout bonnement consterné? Patrons à l'ancienne et joueurs contemporains Surtout, cette instructive saynète suscite quelques réflexions. D'abord, on peut voir que même les présidents "modernes" (rationnels, gestionnaires etc.) sont bien loin de s'être départis d'un vieux fond de paternalisme : je débarque dans le vestiaire, et j'annonce à mes "ouvriers" dans un geste magnanime que je double leurs émoluments du soir — même s'il ne s'agit finalement que de donner à l'âne la carotte qui l'a fait avancer jusqu'au but. Dans un tel moment, on doit vraiment avoir un sentiment de pouvoir, du moins d'un pouvoir sans rapport avec celui qu'exerce JMA au sein de la CEGID, son austère société de logiciels de gestion où il y a des procédures à respecter. Ensuite, aussi bien au travers de cette annonce que de son effet sur les joueurs, on peut sentir — pour peu que l'on soit un peu délicat — un parfum d'indécence au milieu de l'odeur de saine sueur, autour de ces sportifs dont les salaires mensuels se calculent en multiples du salaire moyen national et qui se réjouissent assez grossièrement d'un bonus dont le montant doit avoisiner le prix d'une voiture (pas d'une voiture de footballeur évidemment). Le spectacle, quoi qu'on en pense, avait un côté trivial, d'une trivialité assez différente de l'habituelle vision furtive d'un cul nu se dirigeant vers la douche. Voilà le genre le "secret de vestiaire" que les caméras divulguent depuis qu'elles ont repoussé les frontières de leur territoire. Faut-il jouer les pudibonds et souhaiter que tout cela reste entre les acteurs concernés, s'offusquer bruyamment de ces footballeurs-surpayés-dans-un-monde-devenu-fou, ou bien s'accommoder de ce spectacle avec un certain fatalisme? Quoi qu'il en soit, spectateurs nous en sommes. Scrupules over Évidemment, il faut se payer de moralisme et de naïveté pour demander de la décence à un milieu qui en manque tant. Mais curieusement, on connaît les pudeurs des footballeurs professionnels quand il s'agit évoquer leurs émoluments. David Trezeguet avait déclaré, il y a quelques mois, que la question la plus bête qu'on lui eut posée était "Combien tu gagnes?" Une brève des Cahiers lui fit alors remarquer qu'il avait pourtant déjà dû se la poser lui-même… Comme les salaires des patrons, ceux des footballeurs se tiennent entre l'ostentation et le tabou, mais tout de même plus près du tabou. Inversement, c'est un Charles-Édouard Coridon décomplexé qui a récemment défrayé la chronique en réclamant à son président la prime de qualification du RC Lens en Coupe de l'UEFA. Une qualification qui n'a pas été acquise grâce au classement des Lensois dans le championnat (ils ont fini 8e), mais par le biais du classement du fair-play, en bénéficiant à la fois d'un tirage au sort (de la France par l'UEFA) et du fait que les trois équipes mieux classées que le Racing (au fair-play) s'étaient qualifiées par ailleurs… Cette requête — fondée en droit mais moins légitime sur le fond — a provoqué l'ire de Gervais Martel, qui n'a pas hésité à faire référence à la modestie des supporters lensois ("En agissant ainsi, Charles-Edouard risque de se mettre à dos les supporters de Bollaert qui doivent souvent serrer la ceinture à la fin du mois" — Est républicain, 15/10). Mais, sourde à l'indignation du président artésien, la Ligue a donné raison au joueur en première instance. Encore une fable que l'on jugera amusante ou bien consternante, mais à coup sûr édifiante. Cette chronique s'achèvera sans tirer de conclusion des observations qu'elle s'est amusée à faire, laissant le lecteur se débrouiller avec ses propres interprétations. Une chose est sûre cependant: le spectacle du football et de ses acteurs reste fascinant au-delà des limites étroites de la pelouse et du temps de jeu réglementaire…

Réactions

  • Gilliatt le malin le 28/10/2003 à 14h00
    Juste deux réflexions, comme ça, en passant, entre la crème caramel et le café :

    1) Vu les positions très libéro-libérales du sieur Martel, notamment sur la redistribution des droits télé*, personne ne s’est dit que "peut-être que" son argumentaire faisant référence au supporter relevait AUSSI – j’ai pas dit "entièrement", hein! – d’une certaine démagogie ?
    Je reconnais là que je fais dans le mauvais esprit + le procès d’intention, et en plus, le gentil Gervais, il a créé une bourse du travail à Bollaert. Tout cela, du coup, fait assez paternaliste, non ? Perso, j’avoue que ce style de paternalisme ne me choque pas trop, mais ça relativise tout de même la portée de la fable à mes yeux.

    2) Tiens, c’est marrant, j’ai l’impression que le débat « angélisme crétin » / « cynisme fataliste » reprend, mais sur un tout autre domaine…De là à dire qu’il est plus facile de s’indigner face à la – grotesque, je veux bien l’admettre - mise en scène d’une distribution de primes que vis-à-vis de sifflets contre l’hymne israélien…

    ----
    *En revanche, j’avoue avoir oublié ce qu’il pensait de l’introduction des clubs français en bourse, si quelqu’un pouvait rafraîchir ma mémoire…

  • ouais.super le 28/10/2003 à 14h11
    Moi je pense que tout ça, c'est beaucoup de bruit pour rien, et en tout cas exactement ce que souhaitait Aulas en le faisant : que les gens en parlent.

  • K14 le 28/10/2003 à 17h14
    J'avais vu la scéne en direct mais je ne l'ai pas magnétoscopée (chic un néologsimes bien horrrrible).
    Il me semble cependant avoir entendu un bout de phrase bien poujado-con du sieur Aulas justifiant aussi la prime par "toutes les copnneries qu'on a raconté dans la presse ces derneirs temps". Je cite de mémoire. Ai-je halluciné de l'ouie où quelqu'un a-t-il aussi entendu cela ? Je crois qu'on va en entendre pas mal des rumeurs de vestiaire à Lyon si à chaque fois qu'il y a un article qui ne lui plait pas, JMA verse une prime à ses joueurs. C'est peut-être à cela que pensait le petit Vikash. Il devait commencer à se faire un business plan...

  • ouais.super le 28/10/2003 à 17h17
    K14, dans mon souvenir il ne me semble pas qu'il évoque la presse. De quelles choses fausses pourrait-il s'agir ? Et quel rapport avec Poujade ?

  • CHR$ le 28/10/2003 à 17h34
    De fait, il évoque la presse ("des choses inexactes ont été dites cette semaine", ou un truc dans le genre) juste avant d'annoncer le doublement de la prime.

  • ravio le 28/10/2003 à 17h37
    Tout ça me fait penser qu'hier soir y'avait "Coup de tête" sur Paris Première. Difficile de faire plus visionnaire...

  • cardetti le 28/10/2003 à 17h54
    Pour être exact, je crois que la phrase d'Aulas est "il s'est dit un certain nombre de choses erronées cette semaine", ça correspond d'ailleurs plus au langage de sa classe.
    Ceci dit j'étais absorbé dans la contemplation du visage de notre ami Vikash, donc je ne jure de rien.

    Autre chose marrante : quand Juninho est entré dans le vestiaire et qu'OLass l'a pris à part pour lui dire la bonne nouvelle, le joueur n'a marqué aucune réaction, ce qui a grandement surpris le chef, qui lui a rétorqué : "t'as compris ce que je viens de dire ?". Juninho a acquiescé, puis est allé s'assoir.

    Juninho, Vikash : ça fait donc deux subversifs dans l'effectif géré par le chiraquien Paul "j'ai une maitrise d'économie" Le Guen.
    Qui a parlé de canuts ?? ;-))

  • ouais.super le 28/10/2003 à 19h48
    Au secours...

  • Tom Bombadil le 28/10/2003 à 20h34
    J'aimerais juste saluer l'auteur de cet article, et le féliciter pour la teneur de celui-ci.

    L'analyse qui est développée me rappelle quelques très bonnes pages des CdF, et ce papier vient relever le niveau un peu en berne des articles de ce dernier mois (baisse de niveau compréhensible du fait de l'intervention de plus en plus fréquente et forcément inégale des lecteurs, associée à l'absobtion probable de la rédac dans les évènements liés au lancement de la version papier).

    De cette analyse, je retire un avis mitigé sur la question, sans savoir si je dois m'indigner en suivant mon instinct contre ce déballage indécent de fric qu'aucune serviette ne cherche à masquer...
    ... ou au contraire, si je dois relativiser la chose, en remarquant de toutes les manières, il ne s'agit que d'annecdotiques pratiques, en usage non seulement dans le foot, mais dans bien d'autres endroits, quelque soit l'échelle de leur pratique, et passer mon chemin, en me disant qu'en regardant, je fais exactement ce qu'attendent de moi les Aulas, Martel et consorts.

  • deufr le 28/10/2003 à 20h38
    Pour JM Hélas, ce nouvel épisode ne le grandit pas, mais n'a-t-il pas prouvé depuis longtemps que sa démagogie de bas étage n'avait aucune limite connue ? pour Coridon et sa pri-prime, on pense ce qu'on veut de son attitude qui fera forcément des émules parmi les lensois "à clause" (Vairelles - à Rennes en cet instant t - s'est déjà manifesté depuis le jugement), mais sur la nature de la réponse légale, j'aurai trouvé extrêmement inquiétant qu'elle soit autre. Ils en sont restés à une lecture totalement dépassionnée du débat, se cantonnant à un strict point de vue juridique porté sur des éléments noir sur blanc, ça tombe bien, c'est exactement leur rôle. Toute autre réponse aurait été un signe que l'irrationnel qui gangrène la quasi-totalité des dirigeants de ce sport (par ailleurs forts rationnels dans leurs autres activités) avait désormais gagné la sphère juridique, ce qui est déjà en partie vrai pour d'autres secteurs mais pas encore trop dans le sport. Car en avalisant Martel, qui pourrait par la suite empêcher les présidents de revenir à leur guise sur des arrangements pris par écrit, sous pretexte de leur mauvaise appréciation toute personnelle des moyens mis en oeuvre ? au fait, Martel, il avait un pistolet sur la tempe quand il a signé le contrat de Coridon ? il avait pas vu la clause ? quelqu'un l'a obligé à ne pas la détaillée ? ce qu'il a signé, c'est "tel résultat, telle prime", le résultat est là, le joueur veut l'argent, légalement imparable. Sur ce coup, Martel a juste le droit de se les bouffer en salade, mais requérir un soutien juridique en poussant des cris d'orfraie, ça me dépasse.

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