Pourquoi MU a fini par lâcher Ronaldo
Les propriétaires de clubs préfèrent-ils désormais le profit aux résultats sportifs?
Auteur : Danio Rerio
le 17 Juin 2009
[Article extrait du #43 des Cahiers du football – titre original: "Pourquoi MU finira par lâcher Ronaldo"]
Le modèle américain d’organisation du sport, bien que "communiste" dans la répartition du talent ("draft", limitation de la masse salariale…) et des ressources (partage égalitaire des droits de retransmission télévisée…), n’empêche pas les propriétaires de clubs de poursuivre des objectifs hautement capitalistes: l’accumulation des richesses et la recherche du profit.
Traditionnellement, les franchises américaines visent une maximisation des résultats économiques dans un contexte sportif, au contraire des clubs européens, dont l’ambition est la maximisation des résultats sportifs sous contrainte de budget. Mais la donne n’est-elle pas en trait de changer?

Glazer, le trait d’union
L’exemple, une nouvelle fois, vient d’Angleterre. Et plus précisément de Manchester United, auréolé de son doublé Premier League - Ligue des champions, qui a amorcé un début de comportement estampillé US. Son propriétaire américain, Malcolm Glazer, sert en cela de trait d’union entre les cultures. Depuis son arrivée, le président de First Allied Corporation n’a eu de cesse de rationaliser le modèle économique du club mancunien pour en accroître sa rentabilité: fin de la trop aléatoire cotation boursière, faisant de lui le propriétaire unique du club, maximisation des recettes "jour de match" via l’augmentation du prix des places, politique d’hospitalité lucrative (43% des recettes match day sont réalisées avec les 9% de places VIP), diversification de la marque Manchester United.
Ne reste que l’activité "transfert de joueurs". Si le club mancunien est habituellement un acheteur de talents, les tergiversations autour du transfert de Cristiano Ronaldo laissent à penser que Glazer ne restera pas longtemps insensible aux offres mirobolantes. Pourquoi devrait-il en effet s’asseoir sur plusieurs dizaines de millions d’euros, qui arrivent dans sa poche d’unique propriétaire, alors que le club a déjà atteint les objectifs sportifs les plus élevés? Et ce, quoi qu’en pense Ferguson.
Et les clubs français?
Glazer est pour l’instant un cas isolé. L’immense majorité des clubs sont dirigés selon le schéma traditionnel, spécialement dans les pays méditerranéens. Quelques autres connaissent cependant des investissements "atypiques". L’exemple d’Abramovitch à Chelsea a inspiré d’autres sociétés énergétiques à investir – autrement dit, recycler – leur argent dans le football, sans volonté de retour sur investissement visible. Gazprom, au Zenit Saint-Pétersbourg et Schalke04, a devancé l’Abu Dhabi United Group, qui a récemment pris les commandes de Manchester City.
Quid des clubs français? Quasiment pas de capitaux étrangers sont investis dans les équipes hexagonales, dont les marques restent, à l’exception du triptyque PSG-OM-OL, confidentielles hors de nos frontières. La vétusté des stades, inadaptés à une exploitation économique profitable, n’arrange rien. Le dernier résultat net des clubs de L1 a atteint, pour sa part, 42,8millions d’euros, soit environ un Robinho.
Toutefois, l’exemple de Colony Capital à Paris, qui ne cherche rien d’autre qu’une plus-value à la revente d’un club acheté "à peine" 41millions, pourrait avoir ouvert une brèche. Les clubs allemands et anglais ne sont pas en quantité infinie, l’argent du pétrole, si. Tant pis si la case "résultat sportif" est sautée. De ce côté-là, rien ne change.