Points de salut
Bel exercice de "harcèlement journalistique" à la mi-temps de Saint-Étienne-Auxerre, qui voit le commentateur de France 2 demander à Alain Bompard non pas de s'expliquer sur l'affaire des faux passeports, mais de l'expliquer. Le président stéphanois se voit offrir quatre minutes chrono de libre parole sans la moindre interruption. Sans la moindre question. On comprend que les professionnels du football pètent les plombs dès qu'un journaliste leur oppose l'ombre d'une contradiction.
Le même espace de libre expression est au passage offert à Gérard Bourgoin, pour commenter la décision de Commission d'appel sur le match Strasbourg-Metz, en ironisant au passage sur les arbitres, cette corporation autocratique qui lui casse les noix. C'était en direct de la Coupe de la Ligue.
Monaco : two points. Monaco : deux points
Voilà qui nous sert d'introduction pour commenter les deux événements de ce mardi. À commencer par cette sanction très attendue de la Commission juridique, qui statuait sur le cas de Contreras: Le Chilien écope de quatre mois de suspension dont deux ferme, l'ASM se voyant retirer deux points.
Les commentaires vont aller bon train, et le débat sur l'équité des mesures reste tout aussi problématique (voir Faux passeports et vrais procès et Sanctions : les Verts en enfer ou au purgatoire?). On note que la logique de la jurisprudence stéphanoise semble s'appliquer, ce qui était effectivement souhaitable: même sanction pour le joueur, et "proratisation" de la faute au nombre de fausses identités. Pour trois faux passeports, sept points, pour un seul, on arrondit à deux points… Sur la clémence ou la sévérité de ce barème, sur sa logique, les avis s'affronteront à nouveau, mais au moins peut-on trouver quelque cohérence entre les deux décisions. Les questions restent: la faute étant techniquement la même, faut-il que la sanction soit proportionnelle au nombre de joueurs concernés, et non relative à l'infraction elle-même? Comment la Commission a-t-elle établi et distingué les responsabilités différentes des dirigeants des deux clubs?
Quels que soient les doutes, comparées à l'impact ridicule de certaines autres sanctions, celles-ci devraient suffire à dissuader toute velléité d'encourager ou de tolérer désormais ce genre de tricherie. Il y a tout à parier que ces pratiques, placées dans la lumière, ne se reproduiront pas de sitôt.
Mais cette tardive reprise en main, n'exonère en rien la Ligue de ses lourdes responsabilités. Car lorsqu'elle condamne explicitement Monaco pour négligence, elle dénonce un laxisme qui est exactement le sien. La LNF n'a pas pris plus de précautions que les clubs… Qui va lui retirer des points?
Le calendrier de l'affaire annonce Mondragon devant la Commission juridique le 6 février, et devant le tribunal correctionnel le 14 mars, mais le gardien colombien doit d'abord obtenir un visa en bonne et due forme pour revenir en France. Sachant que le FC Metz n'a pas dépassé les quotas de joueurs non-communautaires, la Commission de Jean-Pierre Camus sera devant un nouveau dilemme.
Jusque là, tout va bien, donc. Les "victimes" font appel, mais si les sanctions étaient confirmées, la face et le championnat seraient presque sauvés. Mais le chaos ne tient qu'à la révélation éventuelle de multiples autres cas, qui entraîneraient le bouleversement du classement. Les investigations se poursuivent, elles n'ont à ce jour pas identifié de nouvelles falsifications.
Strasbourg-Metz a disparu
S'il arrive à la Commission d'appel de prendre des décisions légitimes, celles-ci sont de toute façon décrédibilisées par la somme de celles qui n'ont aucun sens. Notre jury a inversé les rôles avec la commission de discipline, alourdissant les sanctions de cette dernière, qui avaient soulevé un tollé et renforcé le mouvement des arbitres. Ce mouvement n'est d'ailleurs pas étranger à un tel revirement, qui montre à quel point on navigue à vue, sans ligne politique ni continuité, en prêtant le flanc à toutes les accusations.
Le problème est que ce retournement va sembler d'autant plus dur aux Messins que la première décision n'était déjà pas en leur faveur. La désignation subite des supporters lorrains à la Meinau comme co-responsables des troubles est probablement fondée, mais elle arrive bien tard. Car sur le fond, nous ne réclamons pas autre chose que plus de sévérité sur la sécurité dans les stades, afin s'assainir durablement leur atmosphère. La gravité de "l'incident" justifiait dès le début une annulation pure et simple du match, sauf à considérer qu'il faisait partie de l'ordinaire barbarie du football. Aujourd'hui les deux clubs crient à l'injustice, plaidant toujours leur "irresponsabilité" pour les exactions commises dans les enceintes, et veulent porter l'affaire devant le Conseil fédéral. Il n'est pas sûr que cette Cour suprême (rattachée à la Fédération, encore plus sensible aux problèmes rencontrés par le corps arbitral) cautionne l'amnistie réclamée implicitement.
Les commissions de discipline et d'appel devraient essayer de prendre des décisions cohérentes du premier coup, elles sèmeraient moins le bordel.
L'incohérence de la politique disciplinaire de la Ligue nuit gravement à la crédibilité des sanctions prises, alors qu'elles devraient être totalement prévisibles et incontestables, régies par des principes clairs et connus de tous. Cette règle du jeu est encore à écrire.