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L'apnée du football

Il y a des moments de football qui suspendent le temps et nous coupent le souffle aussi bien qu'à leur acteurs. En attendant que la pesanteur nous ramène au sol.

Auteur : Arno P-E le 19 Sept 2013

 


Trois instantanés entre mille. Lui est assis, dans l'herbe. Fraîche. C'est un cliché, à chaque fois qu'on est assis dans l'herbe, il faut qu'elle soit fraîche. Là où il est assis, elle l'est. Vraiment. Il faut dire que c'est la nuit. Une nuit américaine, sous le feu des projecteurs. Il est assis dans l'herbe, et bien qu'on soit en mai l'herbe est fraîche. Lui, il ne bouge plus. Il ne respire plus. Il attend.
 

L'autre est très loin. Pas la même époque, ni le même pays. Ni les mêmes costumes, parce qu'on pouvait alors jouer avec un short trop court et des chaussettes trop basses. L'autre est debout, extérieur jour, il a chaud. Il ne respire pas non plus. Il attend, lui aussi. Immobile. Ambiance western.
 

Le troisième vole. C'est une étoile. Il vole comme il a déjà volé, il brille comme il a déjà brillé et c'est ce qu'il voulait. Plus que tout. Alors il aimerait rester là, suspendu. Sans un souffle. Sur l'écran.
 

Le premier ne peut se relever. Parce qu'il a peur, depuis des semaines, parce que c'est le dernier soir, parce qu'il en a raté tant, parce que la honte serait insupportable. Il regarde. Le second a un pied bien ancré au sol. Il est lourd. Il a toujours été lourd: dans ses bottes, dans ses mots, dans son jeu... Mais là, après deux heures de duels, en plein désert mexicain, ses jambes sont de bois, et sa tête lui pèse plus que tout. Il regarde, pourtant. Le dernier retombe un peu, déjà. Un drame à la Pasolini. Personne ne le sait encore mais le sol sera plus fort. C'est le scénario qui veut ça. Les ans aussi. Il l'a si bien caché. Même là, en vol, lui le sent déjà. Même après les mensonges glorieux des derniers jours, les plus beaux peut-être, là, il le sent. Comédien génial, il trompe le monde une dernière fois, sur un ultime coup de dés. Magie du cinéma. Il n'est plus si haut. Il regarde. Comme eux deux.
 

 

Fernandez France-Brésil 1986 penalty Zidane tête France-Italie 2006 Buffon

 

Nous, nous sommes de l'autre côté de la toile. Assis, comme lui? Pas d'herbe. Ce serait sur un siège, un canapé, un strapontin pour les plus chanceux. Debout, comme l'autre? Pourquoi pas... Les mains sur la tête, les doigts en peigne. En l'air comme le dernier? Non, ne rêvons pas. Nous jouons par procuration. Mais ça n'empêche pas de regarder. Comme eux. Ça, on peut. Regarder la même chose qu'eux. Attendre la même chose qu'eux. Et partager leur souffle coupé. Ici, ailleurs, qu'importe. En apnée.
 

Alors repart la bobine. Les images s'animent. La balle du premier roule dans la nuit sochalienne. Difficilement. Cahotante, après une frappe chaotique. La balle boitille... Le reste de la scène demeure figé. Tout le monde voit qu'elle bouge, depuis une éternité, mais personne n'ose respirer. Amara, assis dans l'herbe moins que personne. Figé.
 

Le cow-boy est au point de penalty. Son tir n'est pas aussi puissant qu'il l'aurait souhaité, mais c'est trop tard. La balle vole vers la cible. En face, l'adversaire a bondi. Luis porte un prénom de Mexicain et le numéro 9. Absurde, il n'est ni l'un ni l'autre. Il ne bouge plus. L'épuisement. Seuls le ballon et le gardien se déplacent, tellement vite désormais. Le duel est déjà joué. Mais Luis a les poumons vides et pour le moment, il ne peut reprendre d'air.
 

Zinédine n'est pas monté si haut que ça. Oui il a repris le ballon de la tête, oui il vole encore, oui il a déjà marqué, comme il y a huit ans, mais ça n'a pas suffi. Alors il accompagne cette balle qui semble se diriger sous la barre. Parce qu'il en a besoin plus que jamais. Pour l'histoire. Il serre les dents et son ventre brûle et ses jambes brûlent et sa tête brûle.
 

Personne ne respire. Nulle part. À cause de la peur et de l'espoir et de l'attente. Il y aura des cris. Un chaos, ou une clameur de frustration. Ces instantanés ont un avenir mais pour le moment il n'y a rien que du silence, et l'apnée du football. Partout. Parce que oui, les poteaux sont carrés, mais ça n'importe pas encore. Parce que Basile n'a pas marqué. Parce que le PSG risque de descendre en L2 et la France pourrait jouer une autre demi-finale de Coupe du monde. Parce que Buffon ne peut pas la rattraper et que Maradona vient de traverser la moitié du terrain avant de placer une tête ou presque, parce que l'Angleterre joue la finale de sa Coupe du monde, parce que Cantona pourrait s'immobiliser et tourner sur lui-même, parce que Roberto Carlos est trop loin des cages de Barthez pour la tenter direct.
 

Là, pas un souffle. Tous égaux. Des fils d'or se tissent, d'autres se coupent. La magie du football, c'est l'apnée des possibles.

 

Réactions

  • Josip R.O.G. le 20/09/2013 à 11h35
    NDNM, prends n'importe quel texte et lis le avec les intonations des journalistes de France 2, et c'est sûr que ça devient immédiatement pompeux sinon pompier.
    Lis le, comme il se doit, sans intonation et tu verras que ça devient tout de suite plus agréable.
    Et en même temps, si on avait Jean Echenoz comme contributeur ça se saurait.

  • Luis Caroll le 20/09/2013 à 11h46
    Avec ou sans intonations, difficile de rendre agréables des phrases comme "Parce qu'il en a besoin plus que jamais." ou "Parce que oui, les poteaux sont carrés, mais ça n'importe pas encore."

    Ça peut paraître bizarre de sortir un commentaire composé sur le texte mais comme il y a une prétention littéraire dedans ça a du sens d'en discuter.

  • Josip R.O.G. le 20/09/2013 à 12h04
    Dire qu'une c'est phrase est "désagréable à lire", c'est donc ça un commentaire composé?
    Plus je le lis et plus je trouve agréable à lire...
    Parce que oui, je l'ai relu.

  • Cris The Light le 20/09/2013 à 12h06
    @la rédac.

    le +1 je reconnais que c'est pas d'une grande utilité mais je suis pas sur que ce soit bien méchant. Surtout que pour ma part c'est sur le forum des cdf que j'ai découvert puis adopté cette pratique. Pas sur que ça vaille la condescendance d'une demi-phrase.

    En revanche, les réactions "épidermiques" aux critiques (même constructives, on le voit) d'une publication officielle, c'est tout aussi redondant et à mon avis plus problématique. Et que la rédac réagisse en lieu et place de la personne concernée par ma remarque, c'est pas anodin.

  • Luis Caroll le 20/09/2013 à 12h13
    Josip R.O.G.
    aujourd'hui à 12h04
    ---
    La juxtaposition surprenante d'un langage parlé avec des effets de styles vus et revus sans qu'on distingue en quoi ils servent le propos.
    Maladroit si tu préfères.

  • Kireg le 20/09/2013 à 12h14
    Cris The Light
    aujourd'hui à 10h28

    J'ajouterai que la réaction de Kireg est dans la lignées des "prout" évoqués par la rédac.
    ----------------

    C'est l'apnée du football, ça m'a filé de l'aérophagie. D'où l'explication de mes vents qui, visiblement, font tourner ton moulin.

  • LMD le 20/09/2013 à 12h15
    Je trouve pour ma part le style télégraphique artificiel et heurté. Les répétitions trop nombreuses, quand bien même c'est volontaire (quatre fois "herbe" & "assis" dans le premier paragraphe, trois "fraîche"). L'ensemble fait forcé, pas du tout poétique.

    Sans aller à demander du Echenoz (ou du Drieu ou du insère ton styliste de la langue française) on peut tout de même émettre un avis sur le style, non ?

  • la rédaction le 20/09/2013 à 12h22
    @Cris
    On ne répond en lieu et place de personne. Initialement, on voulait dire la légitimité des critiques quand elles sont argumentées – celle de NDNM en l'occurrence. Il faudrait aussi saluer la réaction de l'auteur. Ensuite, c'est un peu parti sur autre chose, d'un peu moins bienveillant.

    Cela étant, il est permis ici de réagir en mode Facebook, de n'avoir pas de mansuétude particulière pour les auteurs, de verser dans la critique littéraire... Mais le droit à la critique appelle le droit à la réplique. Il est un peu vain, par la suite, de sortir le condescendomètre.

  • Coach Potato le 20/09/2013 à 13h13
    Jean Echenoz n'était pas dispo mais j'ai pu trouver un fond de catalogue des éditions de minuit. (il doit me rester du Butor sur un coin de disque dur)

    India songe,
    d'à peu près Marguerite Duraille, épisodiquement accompagné d'une musique imaginaire de Carlos d'Alessio vaguement retro-lounge au downtempo délicieusement suranné.
    Sous-titrage pour gourds et mal-comprenants disponible sur certains réseaux par la touche télétexte de votre télécommande.



    Savanakêêêêêêêêt!

    Le bruit? La mousson.
    Et l'odeur? Le Gange. Et la poussière en suspension dans l'air moite qui se mêlait aux senteurs du parc de la résidence de l'ambassadeur de France à Calcutta.
    Calcutta? Oui, Calcutta.

    Elle venait de l'est. Anne-Marie Stretter. Arrivée près du Gange, s'était arrêtée. Avait trouvé le chemin indiqué pour se perdre. Comme l'équipe.
    L'équipe ? Oui, l'équipe. De France. Restés sous une tombe, la-bas, aux îles.

    - Vous savez, il tombent en poussière, comme les lépreux du lien ne souffrent pas.

    Ne supportait pas. Déjà, ne supportait pas.
    Elle les avait rencontrés au bal de la FFF. Que de pression dans ce bal. Avait suivi l'équipe jusqu'au fleuve. Était restée.

    Le vice consul de France en poste à Lahore. Pierre D'Alun. Il ne supportait pas les odeurs du fleuve, se battait contre la chaleur moite de la mousson. En souffrance à Calcutta.

    - Il aurait trouvé l'équipe indisponible à Lahore.
    - Pourquoi reste-t'il?
    - Il attend une réaffectation.
    - Les incidents de l'équipe à Lahore seront oubliés. Vous devez les chasser de votre mémoire.
    - Je ne peux pas les oublier. Lahore fait partie de moi. C'est ma volonté.
    - Impossible de les réaffecter pour le moment.
    - Je ne demande rien, l'administration consulaire de la FFF connaît mon dossier.
    - Allez ailleurs, en attendant que tout rentre dans l'ordre. Des membres de l'équipe seront réaffectés.
    - Dans ce cas, je préfère rester à Calcutta.

    Il avait pris l'habitude de passer le soir près des tennis et des aires de Jokari désertes le temps de la mousson. Restait des heures à fixer la bicyclette rouge d'Anne-Marie Stretter. Ne se souciait pas du scandale. Non, ne se souciait pas.

    Savanakêêêêêêêêt!

    Le chant de la mendiante montait du parc. Elle était venue de l'est. Comme l'autre. Elle avait abandonné son équipe. Avait quitté le fleuve, celui de son enfance. Avait marché longtemps jusqu'au Gange. Était restée, comme l'autre.

    - C'est Anne-Marie Stretter. Elle parle avec le vice-consul à Lahore.
    - Il reste là pour elle depuis le début.
    - Il attend d'être chassé.
    - Vous comprenez ce chant.
    - Oui. Il vient de Cochinchine. Cela parle de l'équipe; ça s'en va et ça revient. Des petits riens. On la chante aux enfants de son pays.
    - Comme une chanson populaire.
    - Je n'ai jamais supporté ceux qui s'habituaient aux équipes disparues.
    - Ni à la mousson. J'attends un geste de vous.
    - Et pour l'équipe disparue. Je peux intervenir auprès de l'Ambassadeur. C'est mon chéri, après tout.
    - Vous et moi sommes au-dessus de ça.
    - Vous ne serez pas compris.
    - Peu importe. Ce moment ne peut nous être enlevé. Il nous appartient déjà. Je vais provoquer un scandale. Crier. Tuer un chat avec un Jokari. Comme une libération.
    - Les joueurs de Jokari sont sublimes. Forcément sublimes.


    Anne-Marie Stretteeeer!

    Le chant de la mendiante s'était tu pour laisser place aux plaintes douloureuses du vice-consul de France à Lahore. Pour s'assurer d'être entendu de tous, couvrait le bruit de la mousson.
    La mousson?
    Oui, errait dans le parc, sous la mousson, une raquette de Jokari à l'épaule.
    De Jokari?
    Oui. De Jokari.

    Au matin, elle a rejoint le parc. S'est allongée. A posé sa tête sur son bras. Le vice-consul à Lahore est resté longtemps, à dix mètres d'elle. Longtemps?
    Oui, longtemps. Ne se sont pas parlé, de l'équipe. A dû prendre l'allée, après.

    La bicyclette rouge d'Anne-Marie Stretter a été trouvée près du Gange le lendemain.

  • la rédaction le 20/09/2013 à 13h17
    +1

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