Partout ailleurs malheureusement
Nous allons encore vous parler télé. La vision du NPA d’hier avec Bernard Tapie comme invité nous a donné la nausée. L’émission de Canal+ a depuis de longues années pour fonction de promouvoir tout ce qui lui passe dans le ventre. Tout simili événement culturel y est annoncé avec fracas comme relevant du plus pur génie. À force, ça énerve mais après tout, chacun dispose d’un esprit critique à exercer à convenance, et d'une télécommande. Les problèmes arrivent quand l’émission sort du cadre habituel pour aborder des rivages où elle est beaucoup moins à son aise. Exemple, le sport.
Depuis sa sortie de prison, on recommence à voir Tapie un peu partout. Lancement de site Internet, émission de télé hebdomadaire, théâtre, l’homme est actif et multiplie des projets qui sont autant d’occasions de montrer sa bobine sur le petit écran. Comme de surcroît, son côté hâbleur et grande gueule est toujours là, il constitue un bon client pour les animateurs en panne d’audience.
Il s’est donc passé hier ce qui se passe un peu partout actuellement avec lui. L’animateur a commencé par servir la soupe en abordant l'actualité promotionnelle de son invité (pièce de théâtre) puis a rapidement enchaîné sur le football et sur l’OM en particulier. Le cirage de pompes pouvait commencer. Tapie parla et tout le monde acquiesça.
Soyons clairs, le propos ici n’est pas de revenir sur le passé sulfureux du personnage. Il a commis des erreurs, il a payé. Dont acte. Mais de là à en refaire une dignité omnisciente et crédible du monde du football, il y a une limite que nous nous refusons à franchir. Cet homme a mené l’OM à la victoire en championnat et en Coupe d’Europe. Mais à quel prix ? Corruption, compromission, mensonge, irresponsabilité ont été les termes génériques de ses années de pouvoir. Ils ont fini par envoyer le club en D2. Tout ça pour la gloire. Non pas des Marseillais mais de celui qui leur a menti. D’ailleurs le lieu importe peu. Cela aurait pu être n’importe où du moment que l’exposition médiatique se révèle suffisamment importante.
Or de tout cela maintenant nulle trace. La consigne qui prime sur les plateaux est dorénavant: "pas de scandale". Interdiction de se fâcher avec l’invité. Nous en arrivons ainsi aux shows surréalistes de Darmon à Téléfoot ou de Tapie à NPA. Et allons-y gaiement pour la réécriture de l’histoire. Pas un pour les contredire, pas un pour rappeler le simple énoncé des faits. Faits établis par la justice pour le cas qui nous intéresse ici. Monsieur bouc émissaire aux mains de plus en plus propres n’a plus eu, une fois sa légitimité autorétablie, qu’à donner des leçons au premier Robert Louis-Dreyfus qui passe. Un RLD que nous ne portons pas spécialement dans nos cœurs mais qui jusqu’à preuve du contraire conduit son club légalement.
Qu’un autre soit au pouvoir à Marseille, Tapie semble avoir du mal à le digérer. Que de plus cet autre refuse ses appels du pied, voilà qui en est trop. Saint Bernard se présente aussitôt comme le messie capable de sauver le club de l’incompétent notoire à la virilité insuffisante. Comment, avec quels moyens ? Des investisseurs susceptibles de le suivre? Faites donc confiance à Nanard, les investisseurs, il les ramasse à la Cour d’appel.
Merci donc à Canal pour avoir un peu plus contribué à remettre à flot (sur le plan footballistique) un personnage dont notre sport préféré n’a vraiment pas besoin. Que Tapie se reconvertisse en acteur à succès, très bien. Qu’on l’aide à renouer avec le football professionnel alors qu’il n’a jamais reconnu ses dérives, hors de question. À la vision de l’émission d’hier, il est toutefois permis de s’effrayer quant à la suite qui sera donnée à son traitement médiatique sur les chaînes généralistes. Quand on connaît la démagogie qui y a cours...