Ne lisez pas la presse défaitiste, retrouvez le message d'espoir authentiquement patriotique délivré par notre dense compte-rendu de Chypre-France. Une victoire qui se révèle à l'examen comme la meilleure possible...
Le match
L'entame des Bleus fut tout simplement excellente, avec une volonté évidente de percuter et de faire les différences en vitesse et en technique. Dès la première minute, Thuram, en relais avec Marlet, débordait et centrait en retrait sans trouver de client. Passées ces cinq-dix minutes agrémentées de quelques centres dangereux et d'une passe dans le dos des défenseurs de Makelele pour Marlet dont le centre butait sur le gardien (10e), le flottement s'installa au gré de percées chypriotes curieusement dangereuses. dès la 6e minute, peu de temps après avoir failli chaparder la passe en retrait presque fatale de Christanval à Coupet, Okkas avait grillé Desailly sur l'aile gauche, s'infiltrant puis s'empêtrant ensuite à l'entrée de la surface. Et après un quart d'heure, c'est un but d'école qui semblait renvoyer les Bleus à leur nouvelle malédiction. Une sortie à perte de Desailly devant Okkas (dans le rond central) est suivie d'un tacle lebovin de Christanval au travers de Rauffmann qui vient de recevoir le ballon de son meneur de jeu (cela nous rappela Diouf avant le but de Bouba Diop). Le Germano-chypriote adresse un long centre qui lobe Makelele, et Okkas ne se rate pas en mettant d'abord dans le vent le Madrilène puis en ajustant un lob parfait qui cloue Coupet au sol plus efficacement qu'un scaphandre.
Le jeu des Bleus ne se délite pas vraiment, mais Larqué commence à se lamenter et nos défenseurs centraux stimulent son goût de la catastrophe en se montrant guère plus rassurants ("Oh la la - oh lala - oh la la la la!). L'équipe ne parvient pas à retrouver sa fluidité du tout début de rencontre, d'autant que les bleus d'en face ne perdent plus facilement les ballons, mais elle s'applique à bien gérer le problème. En revoyant le match, on se rend compte que si les occasions nettes ont manqué (beaucoup de tirs ont été détournés), les actions offensives intéressantes ont été nombreuses avant la pause, à l'image de Marlet mettant Panayiotou à contribution sur une frappe en pivot.
Les données du problèmes sont figées lorsque Zidane, combinant avec Wiltord à l'angle gauche de la surface, parvint à centrer. Après une remise instantanée de Marlet, Cissé contrôle, est accroché par son vis-à-vis mais arrive à décocher un pointu entre ses jambes après un tir contré. Premier but en bleu pour l'Auxerrois (39e). A une minute de la mi-temps, une excellente relance de Silvestre relayée sans contrôle par Zidane semble envoyer Marlet au but, mais l'attaquant de Fulham manque d'un peu de vitesse et sa passe est trop courte pour Cissé. Dommage.
La seconde période commença un peu comme la première, avec notamment un débordement et un centre de Wiltord que Marlet, dos au but ne réussit pas à exploiter. Mais on n'attendra pas longtemps pour voir les Bleus prendre l'avantage. Décalé aux 40 mètres par Makelele, Wiltord prend l'axe et s'avance pour armer une frappe terrible qui prend la lucarne des cages chypriotes.
Sans changer complètement de physionomie, la rencontre voit les Français retrouver plus d'assurance à défaut d'accélérer vraiment, et leurs occasions deviennent plus tranchantes. Cissé deux fois lancé manquera de creuser l'écart autour de l'heure de jeu, sa deuxième tentative repoussée par la gardien échappant de peu à Wiltord, qui n'avait pas assez suivi (61e). Comme les Chypriotes commencaient à être émoussés et qu'ils commettent plus de fautes, il restait surtout aux joueurs de Santini à assurer le résultat, comme toute grande équipe (et oui) doit savoir le faire en pareilles circonstances. Les entrées de Govou et Kapo permirent de maintenir l'intensité et de provoquer de nouveaux mouvements d'attaque, avant que l'on s'achemine plutôt sereinement vers la conclusion des débats.
Le match de TF1
Après avoir stigmatisé la
"première demi-heure très inquiétante de l'équipe de France" (6 tirs dont 5 cadrés dans cette période, ce n'est pourtant pas si nul), voici les paroles tenues par Jean-Michel Larqué dans la minute précédant le but de Cissé.
"Jacques Santini doit se faire du souci, et je pense qu'il a raison parce qu'on ne voit pas pour l'instant comment l'équipe de France peut au moins revenir à hauteur de Chypre (…). Pris, on est pris, il n'y a jamais de décalage de fait, jamais de surnombre apporté".
La nalyse technico-tactique
Un seul secteur de jeu a véritablement montré des signes de faiblesse, mais pas le moindre. La défense centrale a en effet mise très souvent en difficulté, multipliant les sorties sur le porteur du ballon à mauvais escient, pêchant à la fois par son placement et sa vivacité. Sa responsabilité est directement engagée sur le but et sur quelques offensives rendues inutilement dangereuses, elle a de plus concédé des coups francs dangereux en seconde mi-temps. A elle seule, elle a gravement compromis le bon démarrage des Bleus, et fait prendre au match une tournure dramatique.
Le fait du match est le dispositif tactique adopté par Santini, qui n'est autre que le 4-2-3-1 cher à Lemerre… Après tant de polémiques, il est amusant que ce schéma s'avère finalement le plus naturel dès lors que Zidane joue, et compte tenu des absences en attaque — Vincent Duluc a beau maugréer dans L'Equipe, on ne voit pas pourquoi cette option devrait par principe être reléguée aux oubliettes. Le trident Wiltord-Cissé-Marlet présentait une variante particulièrement offensive — et logique face à un tel adversaire — et c'est justement quand les "ailiers" ont pris plus de liberté avec leur positionnement qu'ils ont été les plus dangereux (il serait d'ailleurs plus juste de parler d'un 4-2-1-3). Il est cependant douteux qu'à l'avenir Santini s'accroche à ce système. Il reviendra plus probablement vers une attaque à deux pointes, et envisagera certainement d'accorder à Zidane une meilleure assistance au milieu.
L'animation globale a été aussi bonne que possible, les Bleus évitant de venir buter sur une défense regroupée. C'était le genre de match à faire chouiner Jean-Michel Larqué, et tout le monde le qualifiera de laborieux, mais les joueurs ne se sont pas affolés, s'appliquant à donner du rythme et à construire, à alterner et à écarter le jeu, à rester disponibles. Le timing a certes été un peu déficient dans les transmissions, notamment pour trouver les attaquants, mais cette équipe a besoin de trouver les bons réglages, d'abaisser son taux de fautes techniques et d'acquérir une vitesse d'exécution qui lui fait défaut (le manque de prise de risque souligne également son besoin de confiance). Un tel match est productif sur ce plan, il va permettre à Santini de faire avancer les chantiers avec l'acquis d'une victoire.
Parmi ceux-ci, l'exploitation des coups de pieds arrêtes n'est pas le moindre, les corners ayant été particulièrement mal tirés, privant l'équipe d'une évidente solution de déblocage.
Les gars
Desailly a paru inhabituellement nerveux et s'est rendu coupable de fautes inutiles. Alors que son Mondial a été irréprochable sur le terrain, les polémiques sur son rôle de capitaine l'ont-elles affecté?
Christanval, qui avait réalisé une bonne performance d'ensemble contre la Tunisie est passé au travers. Il s'est mis d'entrée en difficulté avec une première bourde (ballon trop faible remis de la tête vers Coupet), suivie d'un tacle dans le vide sur le débordement qui amène le but d'Okkas. Seule sa relance a été satisfaisante, mais c'est bien loin de suffire. Les allusions de Santini à son statut de remplaçant à Barcelone laissent penser qu'il pourrait disparaître du groupe. Comme Mexès nous semble très supérieur à lui, nous prendrons cela pour une bonne nouvelle.
Retrouvant le flanc gauche qu'il occupe à Manchester,
Silvestre a été moins en vue que contre la Tunisie. Il a peu remonté le couloir, celui-ci étant pris le plus souvent par Wiltord, et il s'est parfois gêné avec Desailly, commettant en outre quelques erreurs techniques (il a lui aussi été passif sur le but chypriote, ne fermant pas la porte au buteur). On a par contre retrouvé un bon
Thuram, une nouvelle fois recalé à droite, alors que l'on craignait le pire pour son mental. Très disponible, il contribué à porter le danger sur le côté droit et a bien combiné dans sa zone.
Derrière ce petit monde,
Coupet n'a pas eu grand chose à faire (ce qui relativise le danger réel porté par les îliens), à part regarder passer le lob d'Okkas. Mais on aurait tort d'oublier qu'il a été absolument décisif devant ce même Okkas, rattrapant une grosse erreur de Christanval qui aurait pu coûter beaucoup plus cher (5e).
Makelele semble avoir l'occasion d'affirmer un droit de préemption sur une place de milieu défensif, aux dépens d'Emmanuel Petit, mais il n'a pas suffisamment servi sa cause, son louable activisme ne compensant pas un nombre conséquent de mauvaises transmissions. À ses côtés,
Vieira a retrouvé du rythme, et nous avons revu ces phases de jeu où il crée le décalage, s'infiltre et délivre de bons ballons en profondeur. Une autre bonne nouvelle.
Zidane a été très loin du niveau montré avec le Real pour la reprise de la Liga, et il a progressivement décliné, restant quasiment statique dans les dernières minutes. Le déchet invraisemblable qu'il a eu en tirant les corners et cette façon dugarrienne de baisser les bras après les pertes de balle ajoutent au malaise. Mais même dans cet état il est indispensable, comme l'indique son implication indirecte sur la plupart des actions dangereuses.
Les deux buteurs ont confirmé leur forme respectives dans leurs clubs.
Wiltord s'est comme'habitude, éprouvant beaucoup la défense adverse, et il a trouvé l'ouverture de bien belle façon.
Cissé était privé des grands espaces dont il raffole (il s'en est toutefois fallu de peu que des ouvertures en profondeur ne l'envoient en duel face à Panayiotou), mais il a montré une belle volonté, exemplaire sur son but. Il peut aussi marquer des buts à la Trezeguet…
Marlet a été plus discret, il a bien animé le flanc droit, mais s'est montré moins tranchant dans un registre de pur attaquant.
Enfin, il serait injuste de ne pas saluer la prestation d'Okkas, dont le ticket était valable dans tous les compartiments du jeu. L'attaquant de Salonique a empoisonné la vie des Tricolores avec sa vivacité et sa qualité de dribble, il a aussi obtenu beaucoup de coups francs et galvanisé ses partenaires de la voix. Auteur d'un joli but et d'actions de classe, il n'a pas perdu son match samedi soir.
Ce n'est pas Mamie en train de regarder Les feux de l'amour,
c'est Djibril Cissé qui visionne son but. |
La synthèse
Alors que foudres, sarcasmes et péroraisons se seraient abattus sans merci sur l'équipe de France en cas de nul ou de défaite, il ne faut pas se tromper sur le sens du 2-1 "arraché" à Nicosie. C'est tout simplement un excellent résultat, au terme d'une rencontre rendue encore plus périlleuse par l'ouverture du score des locaux, qui sembla enfoncer les Bleus dans une certaine malédiction, comme s'ils devaient payer de mille tourments leurs heures de gloire.
Compte tenu des circonstances (Pires toujours absent, défections d'Henry, Trezeguet et Lizarazu, Zidane très moyen, erreurs individuelles sus-mentionnées, "traumatisme" seriné aux joueurs, scénario-catastrophe annoncé et amorcé par la rencontre…), ayons la lucidité de dire que ce Chypre-France a été le meilleur match possible pour les Bleus. On a vu des victoires moins brillantes marquer le renouveau de certaines équipes. Comme nous en sommes exactement à ce point, ce serait faire de faux procès à la sélection que de lui reprocher l'absence de brillance dans son jeu. Que tous ceux qui espéraient un nouveau crash ne se montrent pas trop déçus, et tiennent bien compte des trois points pris dans un match finalement maîtrisé…
Dans le mois qui vient avant la réception de la Slovénie et le déplacement à Malte, les joueurs devraient progresser individuellement et Santini apporter quelques solutions aux problèmes les plus manifestes. Si l'équipe de France y gagne un peu de confiance, on devrait pouvoir rapidement relativiser la difficulté à se qualifier dans ce groupe 1, et quitter le registre de la catastrophe pour assister à la constitution d'une équipe remodelée, mais qui pourra conserver les acquis de ses triomphes passés (voir
La formation continue), afin de se consacrer à son véritable objectif, celui de l'Euro 2004.