L'Europe dans ses stades
Infographie interactive – Les affluences moyennes des matches de football de première division en Europe depuis 1980, et comment les interpréter...
S’il est un élément constitutif de l’ADN du football depuis sa création, c’est bien l’attractivité que ce sport génère auprès du public, et l’affluence au stade qu’il a su développer progressivement auprès des différentes couches de la population. Dans un travail de compilation des affluences depuis 1980, le site european-football-statistics.co.uk mène un travail d’archiviste monomaniaque, en comparant l’affluence des premières divisions de vingt-et-un championnats européens. Statistiques dynamisées dans le graphique ci-dessous.
Si un comparatif attentif des affluences permet certes de confirmer certaines tendances, il souligne aussi que des idées véhiculées par de nombreux dirigeants de football ne sont pas empiriquement validées... Infographie créée par @matamix, texte Danio Rerio.
[CLIQUEZ SUR L'IMAGE POUR ACCÉDER À L'INFOGRAPHIE
CHOISISSEZ LES PAYS À COMPARER DANS LA COLONNE DE DROITE]
Le leadership allemand
Les pays désignés pour organiser l’Euro ou la Coupe du monde depuis le milieu des années 90 (chronologiquement l’Angleterre, la France, la Belgique/les Pays-Bas, le Portugal, l’Allemagne, la Suisse/l'Autriche, l’Ukraine/la Pologne) ont profité de ces compétitions pour renouveler leur parc de stades. Les affluences s’en sont alors ressenties (le duo Ukraine-Pologne mis à part en raison du faible retour d’expérience), puisque ces pays ont augmenté le nombre moyen de spectateurs par match grâce à l’amélioration du confort, de la visibilité ou de la sécurité des enceintes. Toutefois, passé l’effet de découverte ou de mode (la France post-98…), des disparités existent désormais entre les pays qui ont su fidéliser leur public (essentiellement dans le Nord de l’Europe) et ceux se heurtant à des démographies trop faibles pour se développer ou ayant manqué d’ambitions dans leur rénovation (France 98, Belgique 2000).
L’Allemagne, qui confirme son leadership européen même en matière d’affluence, mérite une analyse spécifique. Évoluant dans le pays le plus peuplé d’Europe, il semblerait normal que le puissant et performant football germanique occupe la première place. Toutefois, si les clubs allemands ont toujours disposé de stades de fortes capacités (offrant notamment des dizaines de milliers de places debout, souvent sans toit, et une piste d’athlétisme autour du terrain), la principale évolution est sa désormais capacité à remplir ses enceintes. Alors que ce pays semblait dépourvu d'une culture du supportariat aussi développée qu'en Angleterre, en Italie ou en Espagne, ses affluences ont doublé dans les années 90, et il a profité à plein des nouveaux stades construits pour le Mondial 2006, pour atteindre désormais 43.000 spectateurs par match.
Compétitivité sportive et attractivité aux guichets
L’Angleterre des hooligans dans les années 80, malgré la "fan-culture" de ses spectateurs et l’ultra-domination de ses clubs à l’échelle européenne, peinait à attirer les supporters dans les stades. L’Italie, qui a repris le flambeau de leader européen post-Heysel, et qui déplaçait autant de spectateurs au milieu des années 80 qu’Allemagne et Angleterre réunies, subit désormais une dégringolade quasi sans fin, malgré quelques spasmes ces dernières saisons. Les raisons principales sont la vétusté des enceintes et les problèmes de violence chronique des supporters, sans parler de la baisse du pouvoir d’achat.
Lorsque les clubs français faisaient partie du gotha européen dans les années 90, il y avait pratiquement 50% de spectateurs en moins dans les stades que la saison dernière. Passé l’effet de mode pour le football post 98, qui a marqué le sommet de l’affluence aux guichets, le football français peine à augmenter son public, concurrencé qu’il est en plus par l’émergence du rugby, seul autre sport de plein air attractif en Europe.
Enfin, il est étonnant de constater que l’actuel chatoyant football espagnol, célébré pour la qualité de son jeu, n’attire qu’un peu moins de 30.000 spectateurs par match, chiffre stable depuis dix saisons. Les deux locomotives que sont le FC Barcelone et le Real Madrid, remplissant à chaque rencontre à domicile le Nou Camp (99.000) et Santiago-Bernabeu (81.000 places), semblent les arbres qui cachent la clairière...
Quelques éléments plus rafraîchissants...
Il est préférable que les clubs populaires disputent la compétition d’élite, à en croire les affluences du Calcio en l’absence de la Juventus de Turin pendant une saison à la suite de l’affaire des paris truqués, ou de la ligue écossaise depuis la banqueroute des Glasgow Rangers. La France connaît bien la tendance, puisque l’OM, l’AS Saint-Etienne, le FC Nantes, le RC Lens et même l’AS Monaco (lorsqu’elle joue à l’extérieur) s’acharne chroniquement à faire augmenter les affluences de… Ligue 2.
À chaque pays son effet Mondial 98 : la République tchèque lors de la saison 1996/97, postérieure à l’épopée de l’équipe nationale finaliste de l’Euro 96, avec un pic d’affluence à 7.145 spectateurs par match ; la Turquie au cours des deux saisons suivant sa demi-finale de la Coupe du monde 2002.
Bug de l’an 2000 : il s’agissait du croisement des courbes italiennes (à la baisse) et germano-anglaise (à la hausse).
Le football était plus populaire en URSS qu’en Russie, puisque l’Union soviétique présentait la deuxième affluence européenne au milieu des années 80 (affluences certifiées conformes par le Soviet suprême).
Le prix "encéphalogramme plat" revient à la Roumanie, courbe la plus linéaire à l’échelle européenne depuis quinze ans.
Lors de la saison 2011/12, il y avaient quasiment autant de spectateurs en moyenne dans chacun des trois pays scandinaves (Danemark, Suède, Norvège), mais combien de spectatrices?
Précisions méthodologiques. Le site european-football-statistics.co.uk récupère les informations sur l'ensemble des championnats européens (55 au total), mais les plus petits d'entre eux sont renseignés sur uniquement quelques saisons. Nous avons donc agrégé les infos sur les 21 championnats majeurs, sur lesquels on pouvait visualiser une tendance depuis 1980 (ou depuis les années 90 uniquement pour certains, et excepté le championnat turc pour lequel les chiffres ne sont disponibles que sur quatre saisons: les chiffres ont été extrapolés entre celles-ci). Pour l'Allemagne, la moyenne avant la réunification est celle du championnat de RFA.