Le Stade rennais est-il un club régional?
Invité : Stade rennais online – En étudiant les origines géographiques de l\'effectif du SRFC, c\'est le tableau de la \"préférence régionale\" des clubs de L1 que l\'on dresse...
Stade rennais online est un site web créé en 2004, qui suit quotidiennement l'actualité du Stade rennais (grand amateur de désillusions et bête noire de lui-même - Nicolas Fauvergues likes this) animé par des supporters, tous bénévoles, qui se sont constitués en association pour produire une information indépendante, complète et de qualité autour du club sous tous ses aspects... Article initialement publié sur SRO.
Souvent critiqué pour la faible place qu’il laisse aux joueurs locaux, le Stade rennais est-il aussi loin de son ancrage régional que ce qui peut se dire? Avec trois joueurs bretons et pléthore de joueurs étrangers dans son effectif, est-il plus éloigné de sa base que les autres clubs de Ligue 1? Pas si simple...
La perspective de voir une équipe titulaire composée quasi exclusivement de joueurs bretons est un vieux serpent de mer au Stade rennais. Nombreux sont les dirigeants qui ont fait ce vœu, qu’il s’agisse des présidents Louis Girard en 1955, Joseph Dault en 1973, ou de François Pinault à son arrivée à la tête du club en 1998. Aujourd’hui, avec trois joueurs nés en Bretagne dans son onze-type (Danzé, Féret, Théophile-Catherine), le Stade rennais en est assez loin.
Cependant, avant de tirer des conclusions sur cet état de fait, plusieurs facteurs méritent d’être observés. D’abord sur le niveau du football breton actuel, et d’autre part en comparaison des autres clubs de l’élite, qu’ils soient Bretons ou non. C’est ce sur quoi cette étude statistique portera. Pour cela, ont été recensés l’ensemble des joueurs qui évoluent régulièrement en Ligue 1 depuis le début de la saison 2011-2012, ainsi que leurs lieux de naissance [1] [2], avec l’objectif d’obtenir un bon panorama de la Ligue 1.
La Bretagne, terre de football
Incontestablement, la région Bretagne est l’une des plus vivantes de France concernant le football. Quatrième de l’Hexagone au nombre de licenciés, elle est – en proportion – l’une des régions où le football est le plus pratiqué [3]. De fait, elle abrite, ainsi que le Grand Ouest en général, un grand nombre de clubs professionnels, alors que deux formations se partagent par exemple tout le Sud-Ouest, en l’occurrence Bordeaux et Toulouse.
Au vu de cet engouement, et de la force de l’identité culturelle bretonne, il est logique que l’attente soit grande, notamment autour de la présence dans les équipes locales de joueurs originaires de la région. Mais justement, sont-ils si nombreux, ces joueurs de Ligue 1 à être nés en Bretagne?
La part des licenciés FFF dans la population, par département
Nombre de licenciés pour 10.000 habitants. Source données: INSEE ; réalisé avec GéoClip
Globalement, la Bretagne obtient un bon score dans ce domaine. Moins peuplée que le Nord-Pas-de-Calais, l’Aquitaine et les Pays de la Loire, elle compte pourtant plus de joueurs dans l’élite que ces trois régions. En revanche, elle reste loin derrière la région PACA, la région Rhône-Alpes, et surtout l’Île-de-France. Un constat très logique, dans la mesure où ces quatre régions sont beaucoup plus peuplées, et constituent donc un "vivier" beaucoup plus important, malgré un nombre de licenciés proportionnellement moindre dans la population.
Cependant, on note qu’il est bien plus facile de devenir footballeur de L1 lorsque l’on est né en Île-de-France que lorsque l’on est né en Bretagne. En région parisienne, on compte ainsi un joueur de Ligue 1 pour 4.400 licenciés, contre un joueur de Ligue 1 pour 11.500 licenciés en Bretagne. Un rapport de presque un à trois entre les deux régions. On se gardera pourtant ici de toute interprétation concernant ce chiffre, qui dépend probablement de nombreux facteurs (structures de formation, densité des réseaux de détection, etc.).
Nombre de joueurs de L1 nés dans chaque région française en 2011-2012
Source données: LFP, L’Équipe ; réalisé avec GéoClip
Au total, on dénombre quatorze joueurs nés en Bretagne parmi les effectifs de Ligue 1 [4]. De façon assez surprenante, la moitié sont natifs du Morbihan, alors qu’un seul d’entre eux est né en Ille-et-Vilaine. Un maigre total pour un département qui compte de nombreux licenciés, mais qui pourrait augmenter à l’avenir au vu du nombre de Rennais, Malouins et Vitréens qui semblent pointer le bout de leur nez au centre de formation du SRFC.
Sur ces quatorze joueurs, six seulement n’ont jamais joué au Stade rennais. Sur les huit autres, sept y ont même été formés, seul Arnaud Le Lan faisant exception. Matthias Autret a lui été formé à Brest, Jérémy Morel et Le Lan à Lorient, Joris Marveaux et Frédéric Sammaritano à Nantes, Anthony Le Tallec au Havre, alors que Larsen Touré – fils d’un ancien footballeur brestois – a grandi dans le Nord sans intégrer de centre de formation. Le Stade rennais a donc formé la moitié des joueurs bretons évoluant en Ligue 1. Difficile par conséquent de lui reprocher de négliger l’aspect régional dans sa politique de formation, alors qu’il n’a manqué quasiment aucun des meilleurs joueurs de la région ces dernières années.
Part des joueurs régionaux : Rennes bien placé
Pour définir la place laissée à des joueurs régionaux au sein d’un effectif, plusieurs critères semblent être à retenir.
- Le nombre de joueurs en lui-même ;
- Les matches joués par les éléments en question, étant évident qu’un titulaire indiscutable a plus de poids dans un effectif qu’un jeune qui tente de s’y faire une place ;
- Le nombre de joueurs régionaux formés au club, celui-ci signifiant souvent un attachement plus fort, d’autant plus lorsque plusieurs clubs se partagent une même région.
Avec trois joueurs nés en Bretagne, titulaires et formés au club, le Stade rennais se place dans le haut du panier de Ligue 1. Sur le critère du nombre, aucun club de l’élite ne dépasse les quatre joueurs régionaux et, au final, seul un club fait réellement mieux que le Stade rennais: Bordeaux. Les Girondins comptent quatre joueurs de la région Aquitaine dans leur effectif, dont trois sont mêmes natifs de l’agglomération bordelaise (Chalmé, Planus et Trémoulinas), seul Lamine Sané, né en Dordogne, faisant exception. Tous sont formés au club, et font figure de titulaires réguliers, excepté Chalmé. Une performance notable au vu du nombre moyen de joueurs aquitains évoluant dans le championnat de France (12), mais qui doit être relativisée par l’absence de concurrence dans sa région pour Bordeaux.
Les 40 clubs de L1 (en rouge) et L2 (en bleu) en 2011-2012 et leur localisation
Quatre autres équipes possèdent quatre joueurs régionaux dans leur effectif, mais toutes doivent être considérées avec plusieurs réserves. En Rhône-Alpes, Lyon et Saint-Étienne sont dans une position similaire: leur quatre joueurs régionaux sont tous formés au club, mais tous ne sont pas titulaires. Les deux clubs s’appuient sur une jeune garde montante issue de leur centre de formation, mais seul Gonalons peut se prévaloir d’un statut de titulaire chez les Gones (Lacazette, Pied et Grenier n’étant encore que des jokers), particularité qu’il partage avec le Stéphanois Faouzi Ghoulam (Néry, Zouma et Saadi n’étant pas non plus des titulaires indiscutables). De gros scores facilités en revanche par le nombre élevé de joueurs de L1 nés en région Rhône-Alpes (24).
Paris et Marseille possèdent également quatre joueurs régionaux dans leurs effectifs, ce qui est là aussi facilité par le nombre de joueurs issus de l’Île-de-France (58) et de la région PACA (24). Mais ces joueurs sont pour une bonne part des "rapatriés", qui n’ont pas été formés dans les deux clubs. Exemples: Fanni, Gignac et Amalfitano à Marseille, ainsi que Zoumana Camara et Jérémy Ménez à Paris. Tous ne sont pas non plus titulaires, à l’image de Gignac à Marseille ou Bahebeck dans la capitale.
Lille ou Paris, des bilans décevants
De ces exemples, on constate que le nombre de joueurs régionaux dans un effectif dépend aussi fortement du nombre de joueurs régionaux disponibles. À ce titre, Ajaccio fait honneur à la Corse en regroupant trois des quatre joueurs de Ligue 1 nés sur l’île de Beauté (seule exception, le Montpelliérain Cabella). Bordeaux, Sochaux et Toulouse réussissent également à réunir le tiers des joueurs de L1 de leurs régions respectives, mais l’on constate aussi que ces clubs sont sans concurrence dans leur région.
Parmi les clubs dont les effectifs ne recèlent que peu de joueurs locaux figure notamment le champion de France lillois, qui ne possède qu’un seul Nordiste de naissance dans son effectif (Debuchy) sur les dix qui évoluent en L1, une performance partagée par son voisin valenciennois (avec Mater). Nancy, qui ne compte qu’un seul lorrain dans son effectif alors que celui-ci n’est pas titulaire (le jeune Jeannot), est à ranger dans la même catégorie. D’autres clubs présentent des bilans décevants en la matière, notamment au vu du vivier potentiel qui s’offrent à eux, par exemple pour un PSG pourtant seul club pro de région parisienne. Enfin, les deux clubs bourguignons Auxerre et Dijon sont les seuls à ne compter aucun joueur régional dans leur effectif. Presque normal sachant que seuls deux joueurs nés en Bourgogne évoluent en L1 (l’Ajaccien Mostefa et le Parisien Chantôme), mais étonnant connaissant la réputation de club formateur de l’AJA.
Excepté Bordeaux, et au vu de la concurrence des deux autres clubs bretons qu’il doit subir, le Stade rennais n’a donc rien à envier à quiconque en matière de positionnement régional de son effectif. En croisant les trois critères décrits plus haut, seul le FC Sochaux parvient à faire aussi bien (avec Sauget, Nogueira et Butin), avec certes moins de joueurs régionaux disponibles (neuf en Franche-Comté contre quatorze en Bretagne), mais en n’ayant la concurrence d’aucun autre club sur son territoire régional.
Par rapport aux autres clubs bretons, Rennes est loin devant. Lorient ne possède dans ses rangs que deux joueurs bretons (Autret et Le Lan), n’a formé que le deuxième cité, et ni l’un ni l’autre ne sont titulaires indiscutables. Brest ne possède lui qu’un seul joueur né en Bretagne (Larsen Touré), qui n’est pas titulaire et n’a pas été formé au club. Le club finistérien possède également l’ancien rennais Yoann Bigné dans son effectif, mais celui-ci ne joue plus qu’avec la réserve. Si le développement de la formation dans ces deux clubs se poursuit (voir précédemment), ils devraient cependant rattraper petit à petit leur retard, qui reste encore conséquent.
Un recrutement "étranger"
Si le Stade rennais n’est donc pas vraiment (et même pas du tout) moins "régional" que les autres clubs de Ligue 1, il traîne pourtant une image de club qui n’est pas ancré dans son territoire. À ce titre, c’est la composition globale de son effectif qu’il faut analyser, plutôt que de se concentrer sur l’aspect régional.
Souvent pointé du doigt, le nombre de joueurs issus de la région parisienne n’est pas énorme au sein de l’effectif rennais. Seuls Mavinga et Pajot font monter ce nombre à une part de 11 % de l’effectif, soit bien en dessous de la moyenne des clubs de Ligue 1 (16 %). À ce titre, les clubs qui comptent le plus de joueurs franciliens sont Bordeaux et Dijon (26 % chacun), devant Nancy (25 %), Brest (23,5 %) et Lorient (22 %). De ce point de vue, les deux derniers cités laissent donc une plus large place à la région parisienne que le Stade rennais.
Là où le Stade rennais se démarque, c’est sur le nombre de joueurs nés à l’étranger qui font partie de son effectif. Parmi les joueurs ayant disputé plus de cinq matches de championnat depuis août 2011, ils représentent la moitié de l’effectif, un record cette saison en Ligue 1. Auxerre, Lille et Nice (47 %) suivent de peu derrière, mais le Stade rennais est bien au-dessus de la moyenne nationale (les joueurs nés à l’étranger sont au nombre de 116 sur les 358 joueurs que compte l’élite, soit 32,4 %).
Un chiffre élevé qui s’explique davantage par des choix de recrutement que par ceux de formation puisque, parmi les joueurs concernés, seul Jirès Kembo a été formé au club. On note également que seuls quatre des neufs joueurs nés à l’étranger qui composent l’effectif rennais ont été recrutés dans des pays autres que la France (Boye, Mandjeck, Tettey et Pitroipa), les autres étant issus de la Ligue 1 (Boukari, Hadji, Mangane et Montaño).
Comparatif: composition des effectifs de Rennes et de l’ensemble de la Ligue 1 via les lieux de naissance des joueurs
Pour autant, doit-on s’offusquer de ce choix, sachant que – comme démontré plus haut – le Stade rennais fait autant honneur (sinon plus) à sa région que les autres formations de Ligue 1, à une époque où l’arrêt Bosman a largement mondialisé les effectifs professionnels? Si les Jean Grumellon, Raymond Keruzoré, Jean Prouff ou Pierrick Hiard ont porté haut les couleurs rouges et noires et celles de la Bretagne, comment oublier les Laurent Pokou, Walter Kaiser, Silvester Takac ou plus récemment les Shabani Nonda, Alexander Frei ou Petr Cech qui ont largement contribué à faire rêver les supporters rennais?
Depuis les années 1920, le Stade rennais s’est bâti en sachant intégrer des joueurs étrangers, nombre d’entre eux parvenant à lui apporter beaucoup. Poursuivi par ses dirigeants presque comme une routine démagogique, l’objectif d’une équipe composée presque entièrement de Bretons n’a jamais été réalisée dans la durée, sinon dans les années 1950, à une époque où les Rouge et noir étaient la seule équipe professionnelle de Bretagne, et où Nantes n’avait encore jamais connu la D1. Un objectif chimérique qui devrait le rester encore longtemps, et sans doute de façon souhaitable.
[1] N’ont été retenus que les joueurs ayant joué au moins cinq matches de championnat (comme remplaçant ou titulaire), pour ne tenir compte que des joueurs faisant réellement partie des effectifs professionnels. Le choix de s’appuyer sur les lieux de naissance a le mérite d’être un critère équitable pour tous les joueurs. Il n’en reste pas moins critiquable: certains joueurs peuvent être nés dans un lieu et avoir grandi dans un autre, témoins les fils d’anciens footballeurs. Pour Jean-Armel Kana-Biyik par exemple, né à Metz et ayant grandi au Havre, c’est la Lorraine qui est retenue. Côté marseillais, Jordan Ayew, né à Marseille, est lui considéré comme un joueur "régional", mais pas son frère André, né à Lille. Une situation qui mérite que l’on s’y attarde pour relativiser la portée de cette étude.
[2] Source nombre de matches: LFP.fr ; Source communes de naissance: fiches lequipe.fr.
[3] Le record est pour la Mayenne avec près de 700 licenciés pour 10.000 habitants. En Bretagne, le record est pour les Côtes-d’Armor avec 563 licenciés pour 10.000 habitants, suivi du Morbihan, de l’Ille-et-Vilaine et enfin du Finistère. Source: INSEE.
[4] Matthias Autret (né à Morlaix), Gaël Danic (Vannes), Romain Danzé (Douarnenez), Étienne Didot (Paimpol), Julien Féret (Saint-Brieuc), Yoann Gourcuff (Ploemeur), Arnaud Le Lan (Pontivy), Anthony Le Tallec (Hennebont), Fabien Lemoine (Fougères), Joris Marveaux (Vannes), Jérémy Morel (Lorient), Frédéric Sammaritano (Vannes), Kévin Théophile-Catherine (Saint-Brieuc) et Larsen Touré (Brest).