Le retour des zombies
Les Verts sont champions du week-end, et sortent une nouvelle fois de la tombe. Ça durera ce que ça durera, mais ça fait du grain à moudre.
Auteur : Pierre Martini
le 20 Sept 2010
Impossible d'attendre dimanche soir et le classement définitif après la 6e journée. L'étalement des journées de championnat produit une actualité de mi-week-end, avec une spécialité devenue rituelle depuis quelques années: le leader provisoire du samedi soir. Samedi soir, Saint-Étienne s'emparait donc de ce titre doublement fictif et l'information s'affichait partout. Pas question d'attendre que Rennes, avec une éventuelle victoire au Parc des Princes, ne douche la sensation: les Verts ont été les héros du week-end, gratifiés d'un reportage par Téléfoot et Canal Footbal Club (qui a aussi invité Jérémie Janot). Et si Rennes avait gagné, on aurait eu deux sensations pour le prix d'une.
De longs week-ends
La manie des classements frappe encore, au point qu'il faut les mettre à jour "en temps réel" – peu importe que ce temps ne soit pas celui de la compétition. On peut d'ailleurs craindre une aggravation: Michel Seydoux a exprimé son désir d'étendre au vendredi et au lundi les fenêtres de programmation proposées aux diffuseurs. Le président du LOSC ne pense pas que la création d'une chaîne de télévision de la Ligue, proposée par Frédéric Thiriez pour compenser la défection annoncée d'Orange au prochain appel d'offres, soit une bonne solution. Il préfère refondre la grille des programmes et "réfléchir à un produit original et novateur" – même s'il est allé le chercher en Angleterre (1). Mais il s'agit d'un autre débat, alors restons-en au constat que les médias pourraient alors tirer des conclusions quatre soirs de suite...
Marronnier
Immanquablement, il a aussi fallu proclamer le "retour" des Verts. L'ASSE est un club condamné à faire des retours, exclusivement des retours. Car si l'on sait toujours d'où il revient, il ne va généralement nulle part, pas même en finale d'une coupe nationale. Alors parler d'un "retour" pour une place de leader après six pauvres journées paraît un peu dérisoire. Mais le dérisoire n'arrête pas le journaliste sportif, surtout s'il peut dégainer un arsenal de clichés à base de "peuple vert" et de "nouvel état d'esprit": "C'est tout le peuple vert qui veut croire à la renaissance du club. (...) "Ce départ en championnat, le meilleur depuis 31 ans, n'est peut-être pas un hasard. Un nouvel état d'esprit reste à Saint-Étienne. (...) Humilité et travail, Christophe Galtier l'entraîneur répète sans cesse les mêmes mots" (2) (Téléfoot).
Soulier de Verts
Cela étant, l'AS Saint-Étienne a bel et bien terminé le week-end en positon de leader, et cette position est tout de même significative d'une bonne entame de championnat. N'ayant pas réussi à vendre ses meilleurs joueurs (Dabo est parti libre, mais Matuidi et Perrin notamment sont restés), mais étant parvenu à faire partir certains des plus en panne et à faire venir quelques recrues judicieuses, le club se retrouve avec un effectif subitement homogène et prometteur. On parle cependant d'un club qui implose quand il finit à une place qualificative à l'Intertoto ou à la Coupe de l'UEFA, dont les moindres bons résultats attirent des nuées d'opportunistes, un club toujours coprésidé par Roland Romeyer et Bernard Caïazzo... Et dont on fait mine d'ignorer que la charnière centrale des dernières rencontres était composée de Bayal et Monsoreau.
Pour être autre chose qu'un sympathique vestige ou un leader du samedi soir en septembre, c'est-à-dire endosser jusqu'au bout la panoplie de l'outsider inattendu (comme son dernier adversaire Montpellier, ou l'AJ Auxerre, la saison passée), les Verts ont de la route. Ils devront commencer par ne pas se voir trop beaux dans le miroir qu'on leur tend si prématurément.
(1) "Pourquoi ne pas étaler les matchs sur tout le week-end? Et le week-end, c'est du vendredi soir au lundi matin! Regardez les Anglais: en organisant des rencontres de championnat à 12h, ils obtiennent de bons succès d'audience en Asie. Les entreprises, qui sont de gros clients pour les clubs, sont aussi très demandeurs de matches le vendredi soir" (lire l'interview sur Footbiz).
(2) Suit une interview de Christophe Galtier dans laquelle, on est au regret de le dire, il n'emploie que des mots différents.