Le PSG inconciliable
L'affaire de la banderole se poursuit pour un Paris Saint-Germain qui conteste son exclusion de la Coupe de la Ligue devant les tribunaux.
Auteur : Julie Grémillon
le 6 Août 2008
Le problème, avec les grosses machines qu'on a laissé s'emballer et s'engager dans une forte pente, c'est qu'elles continuent à la dévaler même quand plus personne ne s'intéresse vraiment à elles. Prenez l'affaire de la "banderole anti-Ch'tis", ce grand moment d'indignation collective qui a donné libre cours aux imaginations: "découverte" des banderoles insultantes dans les stades, invention de concepts burlesques comme "racisme régional", campagne massive pour persuader les Nordistes qu'ils devaient absolument se sentir insultés, etc. (lire"Banderole décomposition").
Un trop bon mauvais coup
Sur le plan extra-sportif, la dissolution des Boulogne Boys, qui a réussi à souder une partie des Ultras derrière une énième mauvaise cause, est une réponse extraordinairement tardive à un problème qu'on a laissé durer afin de continuer à l'exploiter politiquement (lire "Sarkozy bloqué au même stade"). Les pouvoirs publics, devant la médiatisation de l'affaire, ont été contraints d'appliquer une mesure agitée depuis des lustres, la communication gouvernementale ayant donné l'impression qu'elle avait été votée trente-six fois. L'avenir dira si l'on pouvait se contenter de cela.
Le paradoxe est que les BB sont punis pour un écart mineur en comparaison de tous ceux qu'ils ont abrités ou cautionnés plus ou moins implicitement, tout au long de leur histoire. Leur erreur: avoir réussi une mauvaise blague au meilleur moment pour lui donner une publicité maximale, c'est-à-dire, en définitive, au pire moment.
Entraînée malgré elle dans un tourbillon que les déclarations initiales de Frédéric Thiriez avaient contribué à déclencher ("Nous sommes tous des Ch'tis!"), la Ligue se devait de sanctionner le club d'une façon ou d'une autre, quel que soit son embarras. Car l'on sait à quel point le football français tergiverse au moment de sévir contre les siens – lire "Et après?").
Gervais, c'est pas frais
Le 30 avril dernier, la Commission de discipline de la Ligue a cependant suspendu le club de sa participation à la prochaine Coupe de la Ligue, qu'il avait remportée dans ces circonstances agitées. Les dirigeants, contestant leur responsabilité, ont fait appel de la décision et demandé une conciliation au Comité national olympique et sportif français.
La Commission d'appel a confirmé la sanction, et les parties n'ont pas trouvé d'accord devant le CNOSF. Mais les conciliateurs de ce dernier ont proposé, le 28 juillet, de remplacer la suspension par un match de Ligue 1 à huis clos. Les conseillers (magistrats de tribunaux administratifs) estiment en effet que l'exclusion de la CL n'est "pas directement adaptée à la nature des manquements commis, dès lors qu'elle pénalise plus lourdement l'équipe professionnelle que l'entité club proprement dite". De quoi relancer un vieux débat sur la nature et les cibles des sanctions dans la justice sportive, en particulier quand les supporters sont les auteurs de débordements... Et de quoi faire vibrer Gervais Martel, jamais avare d'un coup de pathos pour faire diversion: "Je crois qu'il fallait s'y attendre, je suis écoeuré par la proposition du CNOSF. Autant donner la Coupe de la Ligue 2009 au PSG".
Une chance au grattage
Las, désireux d'afficher une cohérence entre les différentes instances disciplinaires, le bureau du Conseil fédéral de la FFF (auquel revenait la responsabilité d'accepter ou non ce compromis qui convenait au Paris-SG) l'a rejeté en prenant le contre-pied des conseillers du CNOSF: les faits "s'étant produits en Coupe de la Ligue, il était logique et adapté que la sanction concerne la Coupe de la Ligue et non le championnat de France de Ligue 1".
Lundi, Charles Villeneuve avait dit que son club accepterait la décision fédérale, mais le lendemain, le Paris Saint-Germain faisait savoir qu'il saisirait la justice civile, c'est-à-dire le tribunal administratif, pour faire valoir ses droits. Le tirage de la coupe de la Ligue a bien eu lieu mercredi, sans le PSG. Si toutefois celui-ci obtenait gain de cause dans les délais raccourcis d'une procédure en référé, un nouveau tirage devra avoir lieu.
Frédéric Thiriez n'aurait pas fini de se désoler de ce qui est arrivé à sa si formidable compétition. Et le football français ne saurait toujours pas comment il doit punir le PSG pour son outrage. Peut-être même, alors que les médias font aujourd'hui comme s'ils n'avaient été pour rien dans cette "affaire d'État", nombreux sont les protagonistes de celle-ci qui regrettent d'en avoir fait autant.