Le Mexique en 7 lettres
Dernière partie – Le 17 juin, la France affrontera une sélection surmotivée et couvée par toute une nation... mais qui a connu quatre entraîneurs en autant d'années. Tout son contraire, en quelque sorte.
Auteur : Sylvain Dupont
le 4 Mai 2010
U comme UNION SACREE
Les sélections nationales en Amérique latine restent généralement plus importantes que les championnats, notamment au Mexique: sans doute pour le peu de spectacle proposé en Liga et en partie à cause du fait qu’il y a deux titres décernés par an (championnats d’ouverture et de clôture). Alors, chaque année de Coupe du monde, on met tout en œuvre au Mexique pour que le Tri arrive dans les meilleures conditions en juin: en fin d’année dernière, le pourtant très sérieux président du club Chivas avait même proposé qu’une équipe nationale soit formée dès janvier et participe au championnat dans le tournoi de clôture, jusqu’en mai, en guise de préparation. Si l’idée n’a évidemment pas trouvé d’écho, la Fédération a conclu des accords avec les clubs pour faciliter le travail du sélectionneur: organisation de matches amicaux en dehors des dates FIFA (dans le cas où se déroule une journée de championnat, les internationaux rejoignent obligatoirement la Selección), libération des joueurs pré-sélectionnés à partir du 5 avril pour qu’ils puissent se consacrer à la préparation du Mondial – dans un calendrier déjà aménagé pour finir au plus tôt (le 25 avril).
La première liste d’Aguirre ayant été annoncée le 30 mars, dix-sept footballeurs ont quitté leur club la semaine suivante, laissant leurs partenaires se débrouiller avec le championnat et parfois la Copa Libertadores. Chivas, avec cinq joueurs appelés, s'est retrouvé sans son gardien, son meilleur défenseur ni sa ligne d’attaque pour jouer les deux compétitions. Impensable en Europe, la mesure n'a suscité aucune levée de boucliers.
Après une semaine de vacances, les pré-sélectionnés ont été regroupés du 11 avril au 5 mai dans un centre de préparation, pour une mise à niveau physique et tactique. Début mai, les matches amicaux s'enchaînent avec plus d’intensité: si les premières rencontres de 2010 (Bolivie, Nouvelle Zélande, Corée du Nord et Islande) étaient des tests faciles pour jauger des joueurs et épurer la liste, on s’attaque à de plus grosses sélections en cette fin de préparation. Quatre matches sont ainsi programmés, contre l’Équateur, le Sénégal, le Chili et l’Angola. Le Mexique a choisi de rencontrer des nations africaines et latino-américaines, avant de partir en Europe le 18 mai, pour affronter l’Angleterre, la Hollande puis l’Italie et peaufiner ainsi sa préparation – cette fois avec le renfort des footballeurs qui évoluent en Europe, cadres de l’équipe.
Outre qu'elle aura offert une gamme d'adversaires analogue à la composition du groupe A, cette tournée présentera aussi l'intérêt d’éviter l’exubérance du peuple mexicain et de s’enlever de fait un peu de pression: il est peut-être préférable que l’envol vers l’Afrique du Sud, le 4 juin, se fasse dans l’ambiance feutrée d’un aéroport italien ou allemand, et non dans le tumulte de Mexico City, face à une foule en délire.
E comme ENTRAÎNEUR(S)
Depuis la Coupe du monde 2006, quatre entraîneurs se sont succédés, avec des fortunes diverses, à la tête de la sélection. Il était pourtant question d'adopter une stratégie classique en laissant un seul sélectionneur préparer l’échéance mondialiste (le controversé Ricardo La Volpe avait disposé de quatre ans de mandat avant la Weltmeisterschaft), en misant sur Hugo Sánchez, le pentapichichi de la Liga, l’idole du Bernabeú et l’entraîneur à succès des Pumas (double champion 2004). Las, échouant à qualifier la sélection des jeunes aux Jeux Olympiques de 2008 malgré un groupe facile, l’indispensable Hugo est mis à la porte, condamné par des médias qui brûlent l’idole en menant une véritable campagne contre lui – son caractère hautain et intransigeant n'ayant pas plaidé en sa faveur...
Juste avant le début des qualifications, c’est donc Jesús Ramírez, l’entraîneur victorieux avec la sub-17, qui fait un intérim de cinq matches et a le privilège d’éliminer le Belize au tour préliminaire. Puis vient l’idée de génie de faire venir un entraîneur étranger, qui ne parle pas la langue certes, mais qui connaît le football: Sven-Goran Eriksson. C’est sûr, avec son expérience du plus haut niveau, on ne peut pas se rater. Mais là encore, les médias épient ses moindres gestes et lui interdisent tout faux-pas. Car les résultats ne sont pas brillants, bien qu’équilibrés: 6 victoires, 1 nul, 6 défaites en 13 matches. Eriksson fais ses valises. Résultat: un an de perdu et une équipe qui ne l’est pas moins, sans fond de jeu, le moral dans les chaussettes.
La fédération décide alors de reprendre un entraîneur mexicain, et le sauveur désigné n'est autre que Javier Aguirre, pourtant limogé en 2002 pour son échec avec la sélection au Mondial asiatique et fraîchement évincé de l’Atlético. Le loser magnifique s’avère rapidement être l’homme qu’il faut, doté de la nécessaire expérience du foot mexicain et conscient des exigences du haut niveau: il transforme radicalement l’équipe, ce qui permettra le retour inespéré du Tri dans les éliminatoires. Mais bien qu’il présente actuellement le meilleur ratio pour un entraîneur de la Selección, avec en outre un fond de jeu retrouvé et des victoires marquantes qui ont accru sa crédibilité (Gold Cup, match éliminatoire contre les États-Unis), on peut se demander s’il n’a pas pris la tête du groupe trop tard... Et si les problèmes inhérents à l'équipe mexicaine – inexpérience, manque de rigueur, indiscipline ou querelles intestines – ne vont pas tôt ou tard reprendre le dessus.
> Le Mexique en 7 lettres, première partie : M comme Milieu, E comme Expérience
> Le Mexique en 7 lettres, deuxième partie : X comme Dix, I comme indiscipline, Q comme qualifications