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« Le crédit du football est en passe d'être dilapidé »

Interview : Denis Robert. En publiant Le Milieu du terrain, l’écrivain-journaliste nous fait partager son trouble face aux dérives d'un sport qu'il aime mais ne reconnaît plus.
Auteur : Propos recueillis par Mollows le 2 Juin 2006

 

Supporter assidu du FC Metz et téléspectateur contrarié, Denis Robert ne se reconnaît plus dans le football tel qu'il se joue dans son stade préféré ou dans la petite lucarne. Avec Le Milieu du terrain, il se place du côté des "footeux de base", comme il les nomme, gavés de publicités et de commentaires bien trop superlatifs pour être honnêtes. Les échanges entre l'auteur et Vic, ami de matches d'enfance devenu agent de joueurs, qui le tanne pour écrire un bouquin sur l'envers du décor, servent de fil rouge au livre.

Il passe en revue bon nombre des dérives du foot business : matches truqués d'un championnat belge en partie formaté pour des parieurs asiatiques, dopage soigneusement minoré par les médias sportifs, procès de l'OM en point d'orgue d'une visite du marché de la chair à transferts ou débarquement du juge Van Ruymbeke dans les comptes du PSG– comme une promesse de joyeux déballage. Le Milieu du terrain, c'est aussi un moyen de conserver une petite pensée pour l'affaire Clearstream en une période de Coupe du monde supposée anesthésiante pour l'opinion… Mangez-en.
Denis Robert – Le Milieu du terrain, éditions les arènes, 19,80€.

* * *

robert_milieu.gifL’explosion de l’offre et des droits de retransmission télévisuelle ou l’arrêt Bosman ont entraîné un accroissement considérable des sommes en jeu dans le football. Un des enjeux de votre livre est d’évoquer l’incidence du foot-business sur le jeu, et son esprit...
C'est une des questions fondamentales du livre. Je me suis dit qu'il était impossible que tout ce qui se passe en coulisses – les agents, les transferts, la pub, les sponsors, etc. – n'ait pas une incidence sur le jeu. Ensuite, je me suis demandé d'où venait mon dégoût, parfois, lorsqu'il m'arrive de regarder un match sur Canal un dimanche après-midi... Car c'est vraiment un sentiment de cet ordre. Il y a des moments où j'ai l'impression qu'il n'y a plus rien à l'écran... je vois des images saccadées, des gros plans, des palettes, tous ces trucs... Qu'est-ce qui fait que je ne ressens plus alors qu'un vide abyssal en face de moi? L'idée de ce livre est née de là. D'un mélange de désamour qui me gagne, et d'amour pour le football et l'esprit de ce jeu. Je me suis dit qu'il fallait que je puisse écrire autour de ça, car je pense que l'on est des centaines de milliers de types à partager ce sentiment que j'ai du mal à expliquer... Pas de la nostalgie, non, autre chose...


Comment se traduit ce désamour ?
J'ai un fils de dix-huit mois, je lui ai appris à shooter dans un ballon. Je dis à tout le monde que c'est génétique, mais ça ne l'est pas : c'est moi. Si je le laisse aimer le football à travers le prisme de ceux que j'appelle dans mon livre les "costumes rayés", il est bon pour apprendre le culte du winner, l'individualisme, et cette collection de slogans à la noix qui visent à l'écrasement de l'homme. Ce n'est pas ça, le football. Au départ, c'est un sport solidaire qui apprend l'esprit d'équipe. Un sport assez désintéressé. Tout ça est mort avec ce qu'on nous sert et ce qu’on nous prépare. Et je préfère tenir éloigné mon môme de la télévision.


Ce d’autant que le spectacle vous semble de moins au moins à la hauteur…
Je pense que Canal+ a fait une très mauvaise affaire. Un match de D1 revient à 15,8 M€. C'est dément, et à ce prix-là, il faut bien attirer de nouveaux abonnés. Aujourd'hui, ils en viennent vraiment à des techniques de camelot. Leurs bandes-annonces sur fond de méthode Coué sont insupportables – cela dit, TF1 et France Télévisions ne sont pas en reste. Tout cela alors que le championnat a été tellement décevant, avec des équipes essentiellement défensives alignant des armoires à glace derrière. Le football est devenu très physique, on a l'impression d’un vrai calibrage: les joueurs viennent des mêmes centres de formation, ils jouent a peu près tous de la même manière.


Vous évoquez une "bulle médiatique" autour du foot... Vous pensez qu'elle pourrait éclater?
Je ne suis pas devin, mais je vois bien qu'autour de moi, tous mes copains sont dans mon cas, à part peut-être Lefred-Thouron parce que Nancy s'en tire plutôt bien cette saison. Mais on a du mal à regarder les matches. Il y a eu de belles rencontres en Champion's League, mais combien: trois? quatre? Le reste, c'était quand même de la daube. Et la tendance, c'est vraiment ça, on est bien au coeur du problème. En tout cas, autour de moi, les annonces de Canal ont plutôt eu un effet inverse. Pas mal de mes potes ont rendu leur décodeur et je les comprends. Moi, je l’ai gardé, un peu par négligence, mais je ne regarde presque plus les matches.


« On voit bien que les instances sont à la recherche de quelque chose, elles sentent bien qu'il y a danger ».


Cette tendance peut-elle s'inverser ?
Il y a des hommes qui tentent de réagir, comme Platini... Et l'on voit bien que les instances sont à la recherche de quelque chose, elles sentent bien qu'il y a danger. À ce titre, les propositions commanditées par la Ligue du football professionnel à Michel Hidalgo ne sont pas à la hauteur du problème. Il faudra en venir à des mesures vraiment radicales. Alain Loret  propose d'agrandir les buts [1]. Je ne pense pas que ce soit la solution... Il faut sûrement beaucoup plus contrôler les transferts, limiter les sommes d'argent, peut-être ne plus faire qu'un seul mercato, limiter le nombre de transferts. Je n'ai pas la solution – je ne suis pas dirigeant du football – mais en tous cas, Thiriez ne l'a pas non plus. C'est pourtant de ce côté qu'il faut réfléchir.


Vous faites un parallèle, dans votre livre, avec votre film "L’affaire Clearstream expliquée à un ouvrier de chez Daewoo". Un banquier y explique que l’arrivée de financiers à la tête d’une société dénature l’objet de leur activité…
Le football n'est pas étranger au monde et à ce que dit ce banquier. Dans le cas de Daewoo, Bernard Monod explique que les financiers, ça ne fait pas des télévisions, mais de l'argent [2]. Quand les financiers viennent dans le ballon, que ce soit Roman Abramovich à Chelsea, Malcolm Glazer à Manchester United ou même Jean-Michel Aulas à l'Olympique lyonnais, on est très loin de l'univers des footeux de base. Ces gens sont là pour gagner de la notoriété, à d'autres fins que le foot...


Quel est la conséquence de cette prise de pouvoir?
L'esprit du jeu est mort. On assiste à une espèce de lente agonie. Cela dénature complètement l'idée que je me fais du football... Et je pense qu'à terme, si on laisse faire, on court à la catastrophe. À côté de l’absence d’enjeux dans les championnats, le G14 constitue la tendance lourde. Là, c'est carrément du suicide: les grosses équipes européennes vont se regrouper pour disputer leur championnat fermé. Je ne pourrai jamais m'attacher à des équipes de ce type et pour beaucoup de monde, ça ne va plus être possible,


« Certaines équipes sont devenues de véritables gares de triage: l’OM ou le PSG sont des machines à transferts ».


Vous considérez les transferts plus comme des symptômes que comme le cœur du problème, en évoquant notamment le cas de quelques footballeurs baladés de club en club…
Cela nous ramène à la question du rapport au football. Il y a en premier lieu les valeurs que le foot a véhiculées, une certaine part de nostalgie qu'on peut avoir. Pour moi, le foot, c'est mon père qui m'emmenait au stade, des images en noir et blanc, l'équipe de France, des souvenirs de moments où je pratiquais ce sport. Je suis là-dedans depuis que je suis môme. Mais il n'y a pas que ça, ce ne serait pas suffisant... Ensuite, il y a l'attachement à une équipe, le fait d'être supporter, du FC Metz en ce qui me concerne. Et enfin, il y a des joueurs qui sont des héros. Moi je ne marche pas trop à ça, mais pour les mômes c'est vrai que Zidane fait partie de ces joueurs complètement emblématiques. Ces trois ingrédients font le football.


Ils sont menacés?
Avec le phénomène des agents, on voit bien qu'ils nous volent le passé du football. Le crédit du football, c'est vraiment son passé... D'année en année, à force de nous montrer des spectacles insipides et de nous survendre des événements qui n'en sont pas, le crédit du football et cet attachement sont en train d'être dilapidés. Or, ce réservoir-là est épuisable. Concernant les joueurs, le cas de Djibril Cissé est représentatif d'une fabrique d'icônes sur papier glacé. Un mec qui fait dix minutes par match à Liverpool peut avoir des pages partout dans les magazines. Tout ce qui est valeur ajoutée du footballeur a pris le pas sur le reste.


Le foot y perd son identité?
Les plus touchées par cette évolution, ce sont les équipes. Comment continuer à avoir de l'attachement pour une équipe ? À Metz, Pires est resté six ans, Ribéry une demi-saison avant de se tirer... Or, on s'attache à des joueurs, à une équipe. On n'est pas les plus à plaindre de ce côté-là, mais certaines équipes sont devenues de véritables gares de triage : l’OM ou le PSG sont des machines à transferts. Je prends dans le livre l'exemple de Sébastien Pérez. Ce mec avait d'énormes qualités mais à un moment donné, avec des agents qui se prennent chaque fois de la thune quand il est transféré, il a tourné à fond pour la machine. Beaucoup d'Africains sont également "gaspillés" de cette manière... Comment voulez vous que les footeux de base, des mecs qui aiment les clubs, puissent continuer à suivre? On n'est quand même pas complètement décérébrés...

pasquet_abram.jpg"Hooligans", du peintre Philippe Pasquet, avec lequel collabore Denis Robert.


« Les réactions des supporters sont complètement liées à ce que devient ce sport. Et s'il y a des réactions violentes, je les comprends ».


Le malaise tient donc pour vous à un sentiment de dépossession, dont témoignent les relations difficiles entre supporters et dirigeants?
Je vois un rapport évident entre la violence qu'il y a dans les stades, qui est supérieure en ce moment à ce qui existait il y a quelques années, et la composition du capital des clubs. Une sorte d'éloignement de plus en plus évident entre les dirigeants des équipes et les supporters. Entre la tendance qu'on essaie de nous imposer – on va dire celle du G14 –, et l'amour un peu viscéral, parfois bestial ou idiot que portent les supporters au foot ou à leur équipe. Chose qui fait partie de l'histoire et du contexte du football.


On stigmatise beaucoup les Ultras…
Les traiter de hooligans, voir la question uniquement en terme de morale, dire "ça c'est bien / ça ce n'est pas bien", c'est d'une connerie sans nom. Je pense que les réactions des supporters sont complètement liées à ce que devient ce sport. Et s'il y a des réactions violentes, je les comprends. Je ne suis pas violent, je n'irai jamais faire le con avec eux, mais cette expression, c'est un peu comme dans la crise des banlieues de novembre et décembre dernier... On ne peut pas limiter son interprétation à la condamnation du hooliganisme ou du vandalisme. C'est aussi une réponse à la société... Dans les stades, c'est aussi quelque chose de l'ordre d'une révolte qui se joue.


Comment faut-il interpréter le titre de votre livre : "Le Milieu du terrain"? il y a une connotation mafieuse, mais il peut aussi faire référence à l’ensemble des acteurs du football.
Je suis très "Guy Debord" là-dessus. Il ne faut plus s'imaginer la mafia comme une entité noire à côté d’une économie blanche... Aujourd'hui, la mafia est dans le CAC 40, elle investit de l'argent. L'activité principale de la mafia est une activité bancaire. L'économie est complètement "grise"... Et le football justement, du fait de ces transferts, de cet argent généré autour du ballon, attire ces capitaux-là. Abramovitch, est le produit d’une économie russe qui a été complètement dilapidée, après Eltsine, par des oligarques très liés à des groupes criminels. Il y a aussi les Serbes avec toute la filière et des joueurs qui étaient liés à la Grande Serbie et à Arkan, ce que je raconte dans le livre. Et puis il y a l'Italie, ou des clubs sont très liés à la Camorra ou à ce genre de choses. Il y a aussi ce que raconte Eydelie avec le flingue dans la bouche d'un joueur de L'OM, etc.


« Il y a des clubs qui blanchissent, des joueurs qui sont des machines à blanchir ».


Ce n'est pas seulement du folklore ?
Comme il y a beaucoup d'argent généré, ça attire forcément l'argent. Il y a des clubs qui blanchissent, des joueurs qui sont des machines à blanchir. On en vient à des clubs comme le Boca Junior qui lancent des fonds de placement, des joueurs appartiennent en partie à des fonds d’investissements (Deco et d’autres)...  On est vraiment dans le capitalisme, et une part essentielle du capitalisme, c'est l'argent du crime. Et cet argent est réinvesti dans le football, qui est une activité économique importante, forcément…


Vous faites d'Abramovitch une sorte de symbole de la délinquance financière, comme auparavant dans La domination du monde [3]. Pourquoi l'avoir choisi lui?
Vraiment, je déteste Chelsea. Je déteste cette équipe qui est fabriquée de toutes pièces par une espèce d'oligarque qui n’en a rien à foutre du foot et qui ne pense qu'au pognon. Elle n'a pas d'âme, je n'aime pas sa manière de jouer, ses supporters. Dès qu'elle joue, je supporte l'équipe d'en face, elle symbolise tout ce que je déteste. Je préfère supporter Lorient, Hazebrouck ou Wigan, plutôt que Chelsea. Dans le hit parade des équipes que je déteste, elle arrive largement en tête , en n°2 il y a Milan, et peut-être en trois la Juve... Du moins ce qu’est devenue la Juve.


Votre critique porte également sur les idées politiques que sous-tendent pas mal d’expressions de dirigeants, à propos du fisc notamment.
C'est exactement le cas avec l’interview d’Aulas dans L'Équipe que je cite abondamment dans le livre. Quand il encense Berlusconi, c'est vraiment la honte... Je ne peux pas aimer une équipe dont le dirigeant est un fan de Berlusconi et regrette de ne pas pouvoir bénéficier des facilités du dispositif fiscal italien. Cela traduit une absence de solidarité du foot avec le reste de la société. C’est-à-dire que l'argent que l'on donne au football, on ne le donne pas aux écoles ou aux hôpitaux... C'est insupportable d'entendre des discours comme ça, ils vont vraiment nous dégoûter.


« Le système des agents et consorts fonctionne parce qu'ils se tiennent tous et qu'il y a beaucoup d’argent à se faire avec tout ça. Ceux qui parlent sont bannis ».


Vous rendez également compte d’un problème de mélange des genres avec des acteurs multicasquettes, des chaînes propriétaires de club. Un système cadenassé avec des acteurs qui fonctionnent en circuit fermé, des liens filiaux ou des intermédiaires obligés, etc…
Il y a des gens qui passent d'un statut à l'autre. Des entraîneurs qui font aussi les agents, des journalistes qui deviennent agents, voire dirigeants... C'est ça le "Milieu du terrain", cette espèce de compromission et d'absence d'information. Parce quand on est dans ces situations, on n'informe plus, on fait de la promotion. Le spectateur est lésé. Le système des agents et consorts fonctionne parce qu'ils se tiennent tous et qu'il y a beaucoup d’argent à se faire avec tout ça. Ceux qui parlent sont bannis, je pense à Djetou, à Glassmann auparavant, ou à des entraîneurs en Italie : Zeman, Baldini, qui ont été mis au ban. Or, on voit bien que c'est eux qui ont raison, et à un moment donné, si le Milieu du terrain ne prend pas conscience de sa propre décadence, de ce qui est en train de se passer, il va sombrer.


Concernant les affaires, les médias sportifs sont parfois dans une attitude schizophrénique. Quand elles sont dénoncées, ils continuent à traiter les événements sportifs dans les pages spécialisées comme si de rien n’était.
J'ai vécu ça à Libération au début des années 90. J'écrivais dans les pages "société" des billets sur Longuet où je montrais à quel point il était pris au piège dans ses affaires de financement, etc. Il était ministre de l'industrie, et les journalistes du service politique n’en parlaient pas du tout. Mais le rapport avec les affaires politiques ne s’arrête pas là... Les intermédiaires sont en fait les équivalents des agents dans le foot. Les transferts de joueurs correspondent aux marchés publics. Tous ces marchés publics étaient sujets à commissions, rétro-commissions, avenants. Et il n'y avait pas de contrôle. À un moment donné, ils ont bien dû changer les règles. Et aujourd'hui, ça s'est complètement aseptisé. On a plus de valises de billets, mais il y a des virements électroniques. Il n'y a plus de Mery ou de Pacary mais il y a de l'Offshore un peu partout. Est-ce que c'est plus démocratique? Je ne crois pas...


« On pensait qu'on pouvait nous faire bouffer n'importe quoi, à nous les footeux de base ».


Comment cela se transpose-t-il dans les médias sportifs?
Le journalisme sportif est obligé de muter lui aussi. Je trouve qu'un bon exemple c'est celui de L'Équipe Magazine qui est en train de changer dans le bon sens. Aussi parce qu'économiquement, ils se rendent bien compte qu'ils ne peuvent plus se contenter de faire de la promo... Le calcul est peut-être rentable a court terme mais pas à moyen et à long terme. Parce que les gens ne sont pas dupes et que le doute s’installe. Ils sont obligés de sortir les affaires d'argent dans les clubs, de dopage... On nous a pris pendant trop longtemps pour des espèces de boeufs qui ne comprenaient rien. On pensait qu'on pouvait nous faire bouffer n'importe quoi, à nous les footeux de base, ce qui est loin d’être si évident. Alors qu'il faut que les journalistes soient les premiers à soulever les lièvres, pour faire évoluer les mentalités et changer les règles du jeu, justement...


Pour en revenir au parallèle avec les affaires politiques des années 90, vous indiquez que des juges vont pouvoir se refaire une santé... Mais vous ne vous faites pas d’illusions sur la suite…
Le football ne peut pas être extérieur à la justice des autres hommes. Le TAS, et tous les arbitrages judiciaires mis en place par le Milieu du terrain, ne sont plus suffisants aujourd'hui. Il est normal que la société ait un droit de regard. Les affaires sur le foot sortent et vont continuer de sortir. Des agents, on l'a vu avec Marseille, seront les boucs émissaires et une fois que quelques-uns d’entre eux se seront plantés et que les financiers auront mis le deuxième pied dans le Milieu du Terrain, ça sera fini. On aura plus besoin d'intermédiaires. On va avoir des clubs, des dirigeants ou des financiers qui seront propriétaires de cinq ou six clubs, qui se mettront d'accord entre eux, il y aura des non-matches. On va jouer à fond la carte du foot spectacle, en oubliant un peu plus l'esprit du jeu. C'est la tendance lourde et c'est pour ça que je suis très amer de voir tout ça… Tout en restant combatif. Le PSG et l’OM sont dans le collimateur aujourd’hui, la Juve également en Italie et je pense que le ménage va être fait, je l'espère en tout cas. L'italie est en train d'imploser...


Et eux connaissent un phénomène de désaffection des stades…
L’autre tendance lourde c'est celle-là. Ce n'est pas parce qu'ils ont Tamoil, qu'ils ont des gros sponsors, qu'ils ne sont pas dans l'erreur. Ils sont dans l'erreur. C'est une peu comme les problèmes de pollution ou de couche d'ozone, de fonte de la banquise, etc. On est quand même dans un monde assez dingo où l'on se voile la face et où l'on coule lentement. C'est aussi pour cela que j'ai fait ce livre. Arrêtons de couler, regardons les choses en face… Ouvrons les oreilles quand on écoute les commentaires de Canal… Et encore une fois, si quand j'écris des bouquins sur Clearstream je me cogne tout le monde, cette fois, je ne suis pas seul. Si la ligne et l'idéologie dominante n'est pas du tout la mienne, il y a cependant énormément de gens qui partagent mon avis mais qui ne le disent pas. Et ce n'est pas un acte d'agression que je fais en écrivant ce livre, c'est plus un cri d'alarme et un cri d'amour qu'autre chose.


[1] Alain Loret est professeur des universités en sciences et techniques des activités physiques et sportives
[2] Citation de Bernard Monod dans "L’affaire CLEARSTREAM expliquée à un ouvrier de chez Daewoo": "Une société où un secteur entier passe sous le contrôle d'un financier, il est mort [...] parce qu'ils vont faire de la finance. Ils vont fermer une usine parce qu'il est plus rentable d'acheter des titres que d'acheter des machines".
[3] Voir le chapitre 58 de "La Domination du monde" en ligne sur le blog éponyme, en date du 24 mai 2006.

Réactions

  • Tricky le 02/06/2006 à 12h29
    Visiblement, interviewer Denis Robert ici n'était pas une très bonne idée, pour une raison aussi simple que frappante.

    En fait, ça revient au même que de faire lire Révélation$ à l'ensemble des DG de banques possédant des comptes non publiés à Clearstream. Un intérêt finalement assez réduit puisque renvoyé à une élite d'initiés blasés que nous sommes. En gros, un discours redondant avec une bonne partie de ce qui s'écrit ici pour les commentaires, et des types d'information qui ne font plus frémir personne.

    Ceci étant, effectivement, ne pas confondre l'itw et le livre. Quant à la remarque sur l'opportunisme supposé de la sortie, voire le stigmate de l'auteur rémunéré, c'est plutôt hallucinant.

  • busard premier le 02/06/2006 à 12h29
    Big up aux CDF pour cette interview.
    Denis Robert est un mec vraiment bien, posé, intègre, même si son vieux fond messin pourrait prêter à rire...
    Ses 3 bouquins sur Clearstream sont passionnants : la Boite Noire à l'époque m'avait terriblement marqué : un petit journaliste mosellan qui met le doigt, le bras et puis la tête dans la salle des machines de la finance internationale.
    Sans doute, la plus grande enquête journalistique française de ces 20 dernières années (juste après Papy Voise).
    Depuis, il en a grave chié avec nos amis banquiers du grand duduché, même si bien sûr il ne s'est pas blindé sur toutes ses sources/révélations.
    Soutenons donc le petit Denis contre Goliath : un messin qui touche au but, c'est trop rare pour être manqué.
    Et rappelons qu'à l'époque Le Monde et consors s'étaient gaussés de lui... On voit comment les charognards sucent l'os à ronger Clearstream aujourd'hui, alors que la vraie problématique leur passe encore une fois sous le nez...

  • Raspou le 02/06/2006 à 12h30
    Bon. Des noms pour Alexis:

    Xavi Iniesta Senna Raul
    Deco Figo Pauleta
    Lampard Gerrard Rooney
    Pirlo Totti Del Piero
    Zidane Henry Ribéry Giuly
    Ronaldinho Kaka Juninho
    Messi Aimar Tevez Riquelme
    Ballack Schevschenko Eto'o

    Il est si triste que ça, le football mondial? Il n'y a que des géants marathoniens qui ne savent rien faire d'un ballon? Ah oui, c'est vrai, y a aussi des Bernard Mendy et des Proment. Mais c'est si nouveau que ça?

  • NoNo93 le 02/06/2006 à 12h43
    -----------------------
    Est-ce que Clearstream (et en général les systèmes de "régulation" des flux financiers) ne placent pas l'opacité au coeur même de leur organisation? Quand on analyse la tolérance générale à l'égard de l'évasion et des paradis fiscaux (et l'infraction dramatique qu'ils constituent à l'encontre de la collectivité), ne touche-t-on pas du doigt une tolérance lamentable, constitutive de dérives graves?
    -----------------------

    Barbaque, de ce que j'ai compris, le but de clearstream c'est plutôt de faciliter les échanges, d'être un référent commun pour des échanges transnationaux etc.

    C'est pas de faire un syystème opaque (d'ailleurs tout est enregistré suffisament même pour qu'un journaliste finisse par y avoir accès, on est loin du black là dans un sens)

    Maintenant certains profitent du truc, mais ça veut pas dire que ça a été fait pour ça...

    Tu enchaînes d'ailleurs sur les paradis fiscaux, mais c'est encore autre chose et je vois pas trop ce qu'on peut y dire : si tel pays souverain au fin fond du pacifique décide de taxer bien moins telle ou telle activité ou restreindre plus ou moins le secret bancaire, beh il est souverain hein, si c'était si génial d'être un paradis fiscal on le ferait aussi...

    S'agit pas de nier certains aspects troubles (mais à ce moment par ex. on décide de ne plus vendre aucun médicaments, matériel, produit aux africains, par ex. point de vue trouble là tu veux faire comment, c'est forcément gris... Et si tu pars du principe qu'il faut donner, beh tu risques d'avoir peu de gens qui se lancent dans ce type de commerce) mais faut pas non plus mélanger causes et conséquences...

    Ou chercher une seule raison explicatrice globale genre le "l'argent pourrit tout" et hop là de tout expliquer via ce prisme là, que tout est organisé dans ce but etc. Enfin bref la vieille rengaine du "système"

    Beh là le robert il me semble faire la même avec le foot : postulat, "l'argent pourrit le truc et c'est encore le même mécanisme que pour les affaires etc.", y'a plus qu'à regarder ce qui va dans ce sens là... Mais je pense pas que c'est un système ou les financiers qui seraient la cause de ça hein, une sorte d'entité unique, une cabale de boursier, un truc organisé pour ça (re comme clearstream un effet pervers sans aucun doute et qu'il est intéressant de relever quand d'autres regarde ailleurs, mais une partie d'un ensemble quand même), même des esthétes comme nous on attend quand même avec un peu plsu d'impatience la finale arsenal-barça que la finale de coupe de la ligue, les joueurs allant axu plsu offrant participe aussi, les villes qui veulent de belles vitrines aussi, bien sûr les industriels qui voient dans le sponsoring un excellent support publicitaire relativement à faîble coût... les journalistes qui ont de la page vendre ou des sites web à faire visiter, denis qui sort quand même son bouquin en période de coupe du monde, mais aussi des lecteurs qui veulent de ça ou qui aiment la polémique... Un ensemble quoi, pas que "les financiers arrivent et tue le foot", on le tue autant qu'eux sinon à ce compte

  • Tricky le 02/06/2006 à 12h55
    NoNo93 - vendredi 2 juin 2006 - 12h43

    Barbaque, de ce que j'ai compris, le but de clearstream c'est plutôt de faciliter les échanges, d'être un référent commun pour des échanges transnationaux etc.

    C'est pas de faire un syystème opaque (d'ailleurs tout est enregistré suffisament même pour qu'un journaliste finisse par y avoir accès, on est loin du black là dans un sens)

    Maintenant certains profitent du truc, mais ça veut pas dire que ça a été fait pour ça...

    ------------------

    Pas certain. Ceux qui ont imaginé le système, effectivement, l'avaient construit dans le but que tu décris.

    Le problème, c'est que leurs employeurs, i.e. le CA de Clearstream, étaient en même temps les clients du système. Et qu'ils ont visiblement très vite compris (et donc tout est là : voire même compris dès le début) que ledit système pouvait rapidement servir à des process plus intéresant que le principe initial.

    C'est comme ça que les comptes non publiés sont apparus, et ont fini par surpasser quantitativement très rapidement les comptes publiés. C'est comme ça aussi, et surtout, qu'on a rapidement demandé aux informaticiens de travailler sur l'insertion de scripts qui permettent des opérations dont on ne retrouve pas la trace (du coup, non seulement le journaliste, mais surtout la justice, n'a aucune chance d'y avoir accès, quand bien même elle en manifesterait l'envie)

  • D-liKtess' Killah le 02/06/2006 à 12h57
    Merci pour cet itw,

    On n'est pas obligé d'être à 100 % d'accord avec les propos de ce journaliste, c'est comme avec les cahiers. Il souligne des choses interessantes qui mérité d'être signalés mais à coté il exprime son dégout d'une manière à partager les esprits, moi même j'ai pas supporté son anti-Chelseasme.

    En tout cas il donne sur un plateau des bases pour débattre et aller plus loin, ce que nous faisons et c'est bien.

    Maintenant il serai interessant de lire le livre pour completé et se faire un réel avis. N'ayant plus grand chose à me mettre sous la dent je vais tacher de me le procurer.

  • busard premier le 02/06/2006 à 12h59
    Clearstream : une chambre de compensation internationale.
    Fonctionnement :
    La Banque X doit 150 000$ à la société Z
    Société Z qui doit 100 000$ à la banque X
    Au lieu de passer deux ordres, Clearstream compense et reverse directement les 50 000$ de différentiel à la société Z.
    Il y a un deuxième Clearstream worlwide qui est allemand.

    Ce qui coince :
    - On a toujours entendu les politiques (souviens toi Lionel dernier) dire qu'on ne pouvait rien contre la finance internationale et son opacité. or, Denis explique et démonte le mécanisme de Clearstream avec une idée assez simple. Il "suffirait" de contrôler" Clearstream pour avoir la main sur ces échanges (des milliards de $ en transaction quotidienne.
    - Clearstream a des comptes "non publiés" que tout le monde peut détenir ; Etat, banque, société, particulier. Et là on revient au pb de la transparence chère aux paradis fiscaux.

    Sinon, pour le foot et le "faible niveau de nalyse robertien", OK mais c'est davantage un amoureux du foot qui parle forcément avec nostalgie d'un sport que nous adorons tous haïr quand il part en sucette.
    Sa remarque sur Ribéry est très juste. Ce mec porté aux nues est la pire espèce de mercenaire. Qu'il crève à Chelsea en finissant comme Elvis.

  • NoNo93 le 02/06/2006 à 13h10
    Beh je sais pas mais si un état (la france par ex. mais je pense que ça marche par entité plus petite plutôt) a un compte chez clearstream, ça me ferait un peu bizarre par ex. que l'état afghans puissent contrôler ce compte là sur simple demande?

    Il "suffirait" de contrôler...

    C'est bien gentil (et simple) mais en terme de magouille on n'a justement pas trop de leçons à donner alors comment justifier qu'on puisse tout savoir des comptes de tlm? (==> espionnage et guerre économique par ex.)

    Et j'ose même pas imaginer le nombre de transactions à vérifier ou surveiller... A mon avis c'est tout sauf simple et "y'a qu'à"

    Le coup de la traçabilité des transactions par contre est un peu plus limite ça par contre...

  • thibs le 02/06/2006 à 13h11
    Il est très fort Denis. On l'interviewe sur LE site sur lequel il aura a priori le plus de soutien vu le thème de son livre, et il arrive à se mettre les 3/4 des lecteurs à dos.

    Big LOL d'or 2006 pour l'affirmation sur Abramovitch. Bien sur qu'un type qui achète tous ses joueurs à un prix entre 150 et 200% au dessus du marché n'est là que pour gagner de l'argent.

    Il doit certainement mériter beaucoup de respect pour tout son travail journalistique, mais là, c'est quand même la preuve qu'il faut éviter de parler de sujets qu'on maitrise pas. Très drole aussi l'histoire Tapie qui est venu pour faire du fric. La totalité des gens qui s'interessent un minimum au foot sait qu'il est venu pour d'autres raisons...

    Bref, vouloir mettre un coup de pied dans la fourmilliere, c'est une bonne idée. Mais il faut s'assurer un minimum de crédibilité avant...



    (sinon je vous annonce que j'ai reve cette nuit qu'on était champions du monde, vous pouvez donc être rassurés sur le sort de l'edf)

  • NoNo93 le 02/06/2006 à 13h20
    Gaffe quand même thibs quand on blanchit de l'argent, l'idée c'est d transformer de l'argent sale en argent propre...

    Genre racheter des tickets gagnant de tiercé plus cher que le gain qu'il représente, tu payes plus cher mais tu coupes la trace de l'argent résultat, tu peux utiliser les gains du ticket mais sans risque...

La revue des Cahiers du football