La couverture à soi
L'Équipe projette ses unes les plus mythiques sur la Bibliothèque de France. On est sûr que certaines ont été oubliées.
le 9 Avr 2009
Pour fêter son 20.000e numéro, L'Équipe projette ses unes les plus mythiques sur la bibliothèque de France, à Paris, jusqu'à vendredi soir. Le communiqué a précisé fièrement que c'est "la première fois que le monument autorise l’utilisation de sa façade pour la promotion d’une marque commerciale". L'événement fait ironiquement écho à la projection du visage de Zinédine Zidane – par son sponsor – sur l'Arc de Triomphe, un lendemain de victoire à Saint-Denis et de défaite à Issy-les-Moulineaux.
Mais qu'est-ce qu'une "une mythique"? Cette sélection officielle ne risque-t-elle pas d'omettre quelques chefs d'œuvre involontaires? Comporte-t-elle, par exemple, celle qui s'ornait du titre "Indéfendable" au-dessus de la photo d'Éric Cantona exécutant son high kick sur un supporter de Crystal Palace, un jour de janvier 1995? À l'instar des coffrets de fac-similés que commercialise L'Équipe, effectuons notre propre sélection – en nous en tenant à la seule équipe de France.
[Pour la bonne bouche, lire aussi "L'Équipe refait l'histoire" sur le blog de Myblack]
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De la terre promise au retour du Messie : top 5
13 octobre 1993
Aussi visionnaire que Paco Rabanne, L’Équipe présente, le jour de l’avant-dernier match des éliminatoires de la Coupe du monde 94, un Eric Cantona bras ouverts, acclamé par une foule de fans de soccer agitant des bannières étoilées. Le soir-même, les Bleus s’inclinent 2-3 au Parc des Princes contre Israël et doivent jouer leur tête quelques jours plus tard face à la Bulgarie.
16 novembre 1993
Le journal d’Issy-les-Moulineaux estime de bon augure la crainte exprimée par Cantona, Papin, Sauzée, Blanc et Houllier quant au match à disputer face à Stoichkov et ses hommes. C’est ce soir-là que la France est éliminée de la Coupe du monde avant même d’y participer. Le coach français, lui, aura au moins qualifié quelque chose: David Ginola, de criminel de guerre.
6 mai 1998
La fameuse "une" condamnant Jacquet après l’annonce, en conférence de presse, d’une pré-sélection de vingt-huit joueurs pour le Mondial 98, soit six de plus que le nombre de ceux qui seront autorisés à participer à la compétition. Durant le premier semestre 98, L’Équipe commet également un "C’est quoi ce match", un "Nous voilà bien avancés" et un "Pas de quoi se vanter" après trois matches des Bleus.
25 juin 2004
Après la défaite face à la Grèce en quart de finale de l’Euro 2004, au Portugal, le quotidien s’insurge contre cet incroyable scandale, indigne de notre grande nation de football. Les Grecs remportent la compétition quelques jours plus tard, après avoir battu les Tchèques, favoris, et le Portugal, pays hôte.
1er avril 2005
À la pointe de l’info, L’Équipe évoque l’éventualité du retour de Zidane chez les Bleus alors que le meneur de jeu clame son refus catégorique de réintégrer le groupe France, en se fondant sur une interview de L'Équipe Magazine réalisée plusieurs semaines auparavant. Il revient finalement six mois plus tard, en réservant l’annonce de son retour à son site Internet et à ses sponsors.
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Domenech sur sept colonnes
Quitte à satisfaire notre penchant pour la consultation des archives, autant s'amuser à retracer l'ère Domenech – durant laquelle le quotidien n'a pas été à la pointe du dénigrement du sélectionneur, laissant le flambeau à France Football – avec les couvertures les plus marquantes de la période.
Avant le parcours des Bleus en Allemagne, le quotidien aura beaucoup désespéré, le mandat de Raymond ayant commencé sur des bases élevées avec un classique "Malaise chez les Bleus", précédant un parcours qualificatif pénible.
31 août 2004, 27 mars 2005 et 31 mars 2005.
Le retour du Messie allait offrir une parenthèse christique au journal, l'exaltation mystique atteignant alors un sommet.
4 août 2005, 18 août 2005 et 6 septembre 2005.
Mais la rechute était proche. Début novembre, alors qu'il avait annoncé la désignation du gardien n°1 pour la Coupe du monde, Domenech ajourne sa décision et provoque une petite crise nerveuse. Lors de l'avant-Mondial et de ses quinze premiers jours, L'Équipe... désespère à nouveau.
9 novembre 2005, 15 juin 2006, 19 juin 2006.
Il faut attendre deux ans et l'échec de l'Euro 2008 pour renouer avec une fibre plus agressive. Domenech s'engouffre dans une voiture, tête basse, sous l'œil d'un cerbère qui semble lui promettre une des prisons secrètes de la CIA. D'ailleurs, après l'avion qui ne s'est pas écrasé sur le Pentagone, voici en septembre une autre "incroyable vérité": celle de la réélection du sélectionneur par le Conseil fédéral.
19 juin 2008, 8 septembre 2008 et 9 septembre 2008.
Mais l'ouragan passe et après le tournant de Roumanie-France (2-2), le vent tourne: L'Équipe accélère la réhabilitation de Raymond Domenech en affichant une adhésion pour le moins inhabituelle. C'est reparti pour un tour.
12 octobre 2008 et 13 octobre 2008.
> Lire aussi : "On ne change pas une Équipe qui vend", sur le recyclage des titres du journal.