Le gel douche
Les rigueurs de l'hiver énervent les hypocrites et ravivent le débat sur un calendrier dont on redécouvre les impasses...
Auteur : Pierre Martini (avec Thibault Lécuyer)
le 13 Jan 2009
Les polémiques sur le calendrier sont saisonnières: elles reviennent avec l'hiver, et d'autant plus fort que l'hiver est rude. Clément la saison dernière, il était passé sans se faire remarquer (1). Le millésime 2008/2009 est plus corsé, et faute d'actualité marquante, le foot français n'a parlé que de météo ce week-end... confirmant sa tendance à tourner en rond en baissant la tête pour ne surtout pas voir plus loin que le bout de sa truffe.
Thiriez bâché
"Certains redécouvrent qu'il peut faire froid l'hiver. Que d'amateurisme!", avait morigéné Thiriez après l'annonce du report de Valenciennes-Caen, jeudi, croyant alors que les autres rencontres pourraient se dérouler normalement. Las, malgré de substantiels investissements dans des bâches chauffantes, le froid a congelé les pelouses de Nancy et Le Mans après que les couvertures eurent été retirées. Les températures étaient simplement excessives: la situation était largement prévisible et d'autres matches aurait pu (dû?) être annulés.
Les présidents des clubs concernés ont donc renvoyé la balle au président de la LFP. L'exercice ne va pas sans hypocrisie: ils fulminent contre une situation qu'ils ont eux-mêmes favorisée, en connaissance de cause, lorsqu'ils ont avalisé les calendriers au sein de la Ligue. Thiriez avait reproché aux impétrants leur incapacité à "livrer le spectacle" en temps et heure. Le spectacle? Un multiplex le 10 janvier à 21 heures, vendu à Canal+ dans un des lots du dernier appel d'offres sur les droits télé. Il devait faire chaud, le jour où tout le monde s'était réjoui du montant obtenu.
Que personne ne bouge
La pression pour que les matches se déroulent est alors si forte qu'il est impossible de décider à 48 ou 72 heures d'une rencontre de l'annulation de celle-ci: il faut tenter le tout pour le tout, avec regard appuyé en direction des arbitres – qui dérouilleront quoi qu'il arrive. "L'intégrité des joueurs" et la "qualité du spectacle" sont mis à toutes les sauces, surtout celles qui arrangent. Et à l'arrivée, le casse-tête de devoir retrouver des créneaux libres sans trop tarder s'ajoute à la désorganisation, au gaspillage et aux mécontentements.
Déraisonnablement compressé, le calendrier du foot français invite à résoudre la quadrature du cercle dès la bise venue. La comédie scandalisée à laquelle le microcosme se livre ne doit pas faire illusion: qui veut supprimer la Coupe de la Ligue ou envisager un passage de l'élite à dix-huit clubs? Qui veut défendre le principe d'une véritable trêve hivernale, à l'allemande, qui permettrait de reposer les organismes des joueurs et d'épargner quelques engelures aux spectateurs?
Et plutôt que de noircir les pages avec des jérémiades, de demander aux joueurs si ça les dérange de jouer sous la neige, aux présidents s'ils trouvent normal que les télés dictent les horaires des matches pour faire de meilleures audiences, à la Ligue si c'est bien raisonnable, il faudrait plutôt proposer aux uns et aux autres une baisse de leurs ressources pour permettre de jouer à 15 heures.
(1) Non, Jérémy, on ne parle pas de toi.