Dopé au cannabis !
Extrait du n°10 des Cahiers, novembre 2004. Florent G., milieu de terrain offensif dans un club de l'Ouest de la France (CFA2), a accepté de disputer un match sous l'emprise du THC, la substance active du cannabis. Il témoigne pour nous.
le 30 Nov 2005
Plusieurs joueurs des divisons inférieures françaises ont été contrôlés positifs au cannabis au cours de l'année. Les sanctions prises par la FFF ayant été jugées insuffisantes, la FIFA a adressé ses remontrances à cette dernière. Mais au fait, en quoi le pétard améliore-t-il les performances sportives ? Témoignage.
« Une demi-heure avant la rencontre, j'ai fumé un deux-feuilles confectionné par un ami, qui m'a assuré que le matos était de première qualité. Dans le vestiaire, les effets n'étaient pas très sensibles, mais j'ai eu l'impression que mes lacets étaient trop serrés alors que ça ne m'arrive jamais.
La feinte de la motte
Je suis très bien rentré dans le match, je me sentais gonflé à bloc et j'avais même l'impression de lire le jeu à l'avance, ce qui m'a valu d'être sifflé plusieurs fois hors-jeu de dix mètres. En revanche, au bout de quelques minutes, j'étais tellement assoiffé que je réclamais à boire à mon banc de touche à chaque arrêt de jeu. La troisième fois, je suis même revenu sur le terrain avec ma bouteille de Cristaline à la main, il a fallu que l'arbitre me rappelle à l'ordre, alors que je cherchais une poche dans mon short pour l'y mettre.
Sur un ballon contré, je me suis retrouvé en face-à-face avec le défenseur central, à trente-cinq mètres des buts. Il fallait que je temporise, pour laisser le temps à L., notre avant-centre, de revenir sur ma gauche. Je n'ai jamais été un grand dribbleur, mais là, un plan s'est échafaudé dans mon esprit en une fraction de seconde. Il y avait une motte de terre entre mon adversaire et moi. J'ai fait une feinte pour amener le ballon juste devant et inviter le défenseur à intervenir. Ça n'a pas manqué : il a trébuché dessus et je suis passé tranquillement. Plus tard, personne n'a voulu croire que j'avais fait exprès : « Vas raconter ton histoire à Charles Biétry », m'ont répondu mes camarades. La fin de l'action ? J'ai frappé à côté du cadre en oubliant complètement de donner la balle à L., pourtant démarqué.
Une jambe plus lourde que l'autre
À la mi-temps, j'ai eu un gros coup de barre et j'ai laissé filer mes pensées en remarquant que les crampons vus à la verticale avaient la même forme que les panneaux de cuir des ballons, et aussi que les assiettes en faïence de ma tante. « Ça va Florent ? », m'a interpellé le coach. « J'ai le cœur qui bat dans ma tête », lui ai-je spontanément répondu, ce qui m'a valu un regard interloqué. Et là, comme la tête qu'il a faite m'a justement rappelé celle de ma tante, et je suis parti dans un fou-rire de dix minutes, que la moindre observation de mes partenaires redoublait irrésistiblement.
Au retour sur le terrain, ça s'est nettement compliqué. Un défenseur adverse a commencé à m'appeler « l'albinos », à cause de mon teint blafard et de mes yeux rouges. Sur le moment ça m'a un peu énervé, et j'ai commencé à me dire que tout le monde trouvait mon comportement anormal et en avait compris la raison. L'arbitre assistant avait un air soupçonneux, je croyais que les spectateurs me désignaient du regard d'un air entendu. Quand l'un d'eux s'est exclamé « C'est trop dommage ! », après une passe pour un coéquipier démarqué qui a fini dans la tribune, j'ai cru entendre qu'il me menaçait du contrôle antidopage. Et puis ensuite, tout ça m'a paru sans importance.
Physiquement, ça n'allait plus du tout, je n'avais plus envie de courir, surtout que j'avais une jambe plus lourde que l'autre. À un moment, je me suis absorbé dans la contemplation d'un vol d'étourneaux, en me disant que si ça se trouve, un informaticien pourrait reconstituer le mouvement de ces centaines de points dans le ciel. J'ai été remplacé peu après. Une fois rentré chez moi, ma copine m'a demandé le score du match, et je me suis rendu compte que je n'en avais pas la moindre idée. Le shit, c'est clair, j'arrête ».
Le dopage sans filtre
Pour conserver et développer ses moyens physiques et mentaux, le joueur de football peut recourir à des méthodes parfaitement légales. Nos prescriptions.
1. Consommer sans modération les émissions de TF1
Bénéfice : parfaite disponibilité du cerveau.
Effets indésirables probables : risques de coma cérébral dépassé.
2. Piloter des voitures de sport
Bénéfice : développement de l'acuité visuelle, des réflexes et de la mobilité des pieds.
Effet indésirables potentiels : longue indisponibilité et rééducation pénible.
3. Draguer en boîte
Bénéfice : entretien de la capacité à lutter en milieu hautement concurrentiel.
Effets indésirables éventuels : perte d'influx et dépressions matinales.
4. S'entraîner dur
Bénéfice : maîtrise physique et technique, bonne notation de la part du coach.
Effet indésirables certains : arthrose, problèmes osseux, musculaires et tendineux graves à moyen terme.