Domenech suit les consignes
Passé d'une immunité quasi-totale à une profonde remise en cause, le sélectionneur a pourtant fait ce que ses détracteurs actuels lui demandaient...
Auteur : Pierre Martini et Thibault Lécuyer
le 16 Juin 2008
Le sélectionneur des Bleus connaît les règles du jeu. "Garder son boulot tant qu’on gagne", on dirait un slogan gouvernemental pour faire baisser le chômage. Il y a cependant différentes manières de capituler pour un sélectionneur. Partir sur un succès: Jacquet, Scolari et Lippi. Partir trop tard, en mourant avec ses idées: Roger Lemerre. Partir à Tottenham pour se faire virer trois mois plus tard: Jacques Santini.
La mauvaise réputation
Domenech l’a répété, il partira quand on le mettra à la porte. La défaite étant statistiquement plus probable que la victoire, il pouvait a minima maîtriser les conditions de sa vie en bleu, marquée par une relation tendue avec l’environnement médiatique de l’équipe de France.
Contrairement à sa réputation, Raymond Domenech est pourtant l'un des sélectionneurs qui s’est le moins arc-bouté sur des principes lors de son mandat, comme en atteste sa gestion du retour des anciens en 2005 ou ses évolutions au cours du mois de juin 2006. Et alors que l’Euro arrivait avec son cortège de débats, il a même eu quelques coups d’avance sur les reproches. Ainsi, les sélections précoces de Nasri, Ben Arfa et Benzema – voire la pré-convocation de Valbuena, chouchou des médias – ont montré que le sélectionneur jouait rarement "contre" les journalistes.
Identité de vue
Les plus dubitatifs avant la compétition peuvent même se retrouver dans les choix du sélectionneur. Henry blessé, voire contesté? C’est la paire Anelka-Benzema, plébiscitée, qui est alignée face à la Roumanie. Le retour d’Henry est jugé indispensable contre la Hollande? Accordé. Abidal passe pour trop défensif? Évra le supplante. Malouda décrié? Il est remplacé à l'heure de jeu au Stade de Suisse. Il faudrait alors demander à ceux qui réclamaient de tels changements ce qu'ils ont pensé de leurs résultats.
Parmi ces évolutions, la plus notable est le recours à un 4-2-3-1 lui aussi réclamé. Le bilan est paradoxal: faut-il lui imputer le retour à une certaine cohérence et à des ambitions offensives, ou bien l'explosion de la défense? Les tenants du changement vont-ils désormais prôner la continuité?
Accords majeurs et désaccords mineurs
Quand elles ne consistent pas en procès exagérés contre des individus, les critiques ne portent que sur des aspects relativement marginaux, comme les changements effectués lors de France-Pays-Bas, la présence de Vieira ou le choix des "remplaçants" dans la liste des 23 (liste dont il faut rappeler qu'elle n'a fait l'objet de quasiment aucune contestation).
Ces points de controverse suffisent-ils à expliquer la défaite ou à désigner des responsabilités majeures? Il semble interdit de considérer qu'une défaite est d'abord... la conséquence d'un match, de ses circonstances et de ses aléas, et aussi celle de la prestation de l'adversaire. Plutôt que de la réduire exclusivement à des fautes individuelles – des joueurs ou de l'entraîneur, qui existent bien mais doivent être pondérées – en omettant au passage la notion de responsabilité collective.
Déjà sifflé, vendredi soir à Berne, par une partie des supporters français au moment de l'annonce des équipes – au contraire de son homologue hollandais qui reçut une ovation des siens – Raymond Domenech s'est retrouvé très fragilisé en seulement deux matches. Les fleurets ne sont plus mouchetés. Mardi, même une victoire sur l'Italie sans qualification constituera un enjeu déterminant pour son avenir à la tête des Bleus...
(1) Personne n'a voulu examiner l'explication du sélectionneur, qui a dit avoir souhaité un attaquant placé le plus haut possible – dans un registre différent de celui de Benzema, qui aurait été un assiégeant de plus. Une option mise en échec.