Barthez, fallait pas l'inviter ?
Ballon de Plomb 2007, la campagne – Il a bien mérité d'être nominé... mais peut-être pas de l'emporter. Examinons la candidature de Fabulous Fab en revenant sur son rocambolesque intérim à Nantes.
Auteur : Pierre Martini
le 26 Nov 2007
Impossible de le cacher : Fabien Barthez est la vedette du onze de plomb révélé dans notre numéro 39. L'AFP ne s'y est pas trompée en faisant de cette désignation le titre de sa dépêche... Le fait est que son cas a été le plus discuté quand il s'est agi de savoir s'il fallait ou non le faire figurer dans la liste (lire "Le débat interne").
Au terme de ce débat, une conclusion: pour ne pas sélectionner l'ancien gardien des Bleus, il aurait fallu inventer une règle excluant les stars ou les glorieux anciens pour services rendus. Un privilège hautement discutable si le postulant a rempli tous les autres critères... D'autant que notre trophée est censé couronner une année sportive, pas une carrière (1).
Car si sa sélection pour le trophée 2005 était contestable (nous l'avions d'ailleurs regrettée a posteriori) et essentiellement due au crachat de Casablanca ainsi qu'à la gestion décomplexée de ses sanctions par l'intéressé, la "carte" rendue par la diva chauve en 2007 est d'un autre niveau.
Barthez, antithèse, synthèse
Le gardien de but partage les responsabilités de son fiasco de 2007 avec celui qui l'a fait venir en Loire-Atlantique et lui fera finalement payer un management dont la relégation du FCNA a été la touche finale. Barthez a été la dernière bonne idée de Rudi Roussillon... On garde d'ailleurs l'image de l'interview des deux hommes, lors d'un Téléfoot hivernal, officialisant ce recrutement. Sur fond de campagne brumeuse, leurs visages affichent un total manque d'enthousiasme. S'il manquait un sourire aux Canaris, il n'était pas arrivé avec le mercato. Mais Barthez n'est pas là pour ça: le président assure qu'il l'a fait venir "dans le but d'être le leader qui nous fait défaut et pour relancer le club vers les sommets".
Très vite, on comprend en effet que ce n'est pas un agent d'ambiance qui est arrivé à la Jonelière. Le suppléant de Stojkovic commence par ne pas apprécier la teneur des entraînements de George Éo, jugés trop légers et exempts de mise en place défensive sérieuse. Dès le 3 janvier, il quitte une première fois l'entraînement sur des réflexions peu amènes, n'appréciant pas d'être canardé par ses nouveaux coéquipiers. Dans le vestiaire, il rabroue un jeune qui se croit permis de l'inviter à ne pas cracher sur les arbitres en lui opposant son palmarès. Les incidents s'additionnent: brouille avec Savinaud, tacle sévère sur Payet qui vient de lui piquer le ballon alors qu'il joue dans le champ lors d'une opposition... "On s'est bien amusé", lâchera-t-il à la fin de la séance.
Devant les micros, son engagement est clair: "On est un groupe. On sera tous sanctionné ou récompensé. Pour ma part, je me suis déjà retrouvé dans ce genre de situation et il faut faire attention car la goupille peut vite sauter". Il moralise même volontiers: "L'important n'est pas le paraître d'un mec de trente ans qui a travaillé pour posséder ce qu'il possède. L'exemple, pour un jeune, c'est le travail, que le travail" (France Football, 6 janvier).
Éloge de la fuite
Sur le terrain, Barthez revient doucement à une meilleure condition physique, mais s'il réussit quelques prestations de très haut niveau (un grand match pour la réception de l'OM lors de la 25e journée, un autre pour la qualification contre Sedan en Coupe de France), il sombre avec son équipe à l'occasion du carton encaissé à domicile face à Valenciennes (2-5).
Un peu plus tard, il quitte ses partenaires lors du Nantes-Sedan de la 30e journée, dix minutes après avoir encaissé... un centre raté qu'il arrête à l'intérieur de sa cage. Il quitte le stade sans attendre ses partenaires dans le vestiaire. Tandis que Michel Der Zakarian déclare d'abord qu'il n'est pas blessé, Rudi Roussillon confirme la réalité de la "grosse béquille" en indiquant que le joueur "est allé se soigner chez lui".
Ce séjour nantais, durant lequel le FCNA s'enfonce inexorablement, s'achève sur une agression présumée alors que le joueur quitte le stade en voiture – altercation conclue par une charge de CRS. De nombreux témoignages démentent la version du joueur, qui évoque un traquenard et annonce son départ immédiat du club. En février, Barthez avait indiqué: "Ce dont on a besoin, c'est de vingt-quatre guerriers. S'il y en a un qui n'est pas chaud pour aller au combat, qu'il le dise tout de suite". Le 30 avril, un communiqué annonce que le club a accepté sa demande de rupture immédiate de contrat, de manière amiable "compte tenu des bonnes relations que le club entretient avec son gardien".
Les mots de la fin
Les mots de la fin lui reviennent encore: "Je n'ai pas de regrets. Je me suis vraiment éclaté". "J'ai fait le maximum, j'ai la conscience tranquille" (Téléfoot, 6 mai). Il annonce ensuite qu'il a "encore envie de donner" et se met sur le marché, mais aucune offre sérieuse ne lui parvient au cours de l'été. Sa carrière semble s'être achevée sur un canular: l'annonce, en juin dernier, de sa signature pour un an par le président du club mexicain Necaxa d'Aguascalientes. Il y a quelques jours, Henri Emile, co-entraîneur de l'équipe de France de beach soccer, a déclaré qu'il pourrait rejoindre celle-ci dans les mois à venir.
Voilà le récit – forcément sujet à caution, mais pas entièrement à charge – de l'année 2007 de Fabien Barthez, probablement sa dernière de footballeur. On mentionnera aussi, mais sans la verser au dossier pour cause de prescription, cette déclaration passée inaperçue, en janvier dernier. Le joueur, qui venait de dire qu'il n'avait pas renoncé aux Bleus, confie à France Football que lors de la Coupe du monde 2006, revenant alors de blessure, "il n'était pas rétabli à 100%". On aurait préféré l'apprendre avant. Ou alors ne pas l'apprendre du tout.
S'il peut bénéficier du doute sur tel ou tel de ces incidents, il est difficile de l'exonérer de l'ensemble de son œuvre. En choisissant Nantes, on peut affirmer qu'il a fait un très mauvais choix de carrière, qu'il a aggravé en n'assumant pas le rôle que cela impliquait pour lui, délivrant une image pour le moins volatile de lui-même. Ce mauvais choix l'a en outre condamné à subir toutes sortes d'assauts derrière une des plus mauvaises défenses de France. Car en vérité, sur le point de la qualité footballistique, Barthez, sans être le sauveur espéré, n'a pas démérité (1).
C'est ce qui devrait le sauver, au moment du vote. Tout bien pesé, même en faisant abstraction de ses états de service, peut-on raisonnablement faire de Barthez le continuateur plombé de Francis Llacer, Fabrice Fiorèse ou Bernard Mendy? La réponse doit être négative car, plus que la réputation du champion du monde 98, c'est celle du Ballon de Plomb qui risquerait d'en souffrir.
> Le bureau de vote du Ballon de Plomb 2007
(1) Nous dirons exactement le contraire lorsqu'il s'agira de faire campagne pour Stéphane Dalmat.