Aulas, Sarkozy : histoires parallèles
Depuis 1987, retraçons en six étapes le destin de deux bilieux qui avaient un compte à régler avec le reste du monde.
Auteur : Stéphane Pinguet
le 10 Mars 2011
Vingt ans. Vingt ans de victoires programmées, par le travail bien sûr, la chance un peu, le talent en pincée, la malice en poignée, et l’argent en brassée. Vingt ans pour passer du statut d’outsider respecté à celui de roi incontesté. L’ambition est la règle, le pouvoir, le seul Graal. Avec eux, pas de blague, le second degré n’existe pas.
1987. Les figurants entrent dans les ors, ils n’en ressortiront plus. Nicolas est chargé de mission au ministère de l’Intérieur pour la lutte contre les risques chimiques et radiologiques. Sympa, il fait arrêter le nuage de Tchernobyl à la frontière. Jean-Michel s’offre un petit club de deuxième division d’une grande ville. Les dents sont longues, très longues et les traces qu’elles laissent ressemblent étrangement aux tranchées de Verdun. D’ailleurs les combats qu’ils mènent iront jusqu’à l’anéantissement de toute forme d’opposition. Le RPR est revenu au gouvernement, et Lyon, deuxième ville de France, veut une équipe digne de ce nom. Mais les deux hommes ne font pas encore les ouvertures des journaux, alors ils ne forceront pas la porte, ils passeront par la fenêtre. Personne n’en parle, ils se font oublier, et vont se construire dans l’ombre pendant quelques années.
1993. Leurs ambitions de jeunesse se concrétisent. Ils tissent leur réseau, construisent leur projet, se font connaître, se font craindre. Dans une ambiance de fin de règne socialiste et marseillais, ils tentent une percée. Nicolas est ministre du Budget de Balladur dans une cohabitation qui met les socialistes aux abois. Chirac espère toujours, Balladur louvoie, Sarkozy n’a pas encore fait son choix, il fait partie des quadras avec lesquels il faudra compter.
Jean-Michel est là aussi, il voit le PSG essayer de devenir ce qu’il ne sera jamais, il attend la chute du seul grand Olympique. Il voudrait aller plus vite que les autres mais avec des équipes moyennes qui ne peuvent assurer le championnat et la coupe d’Europe, l’OL frôle la descente, et jusqu’aux achats de stars olympiennes vieillissantes, l’équilibre est dur à trouver. La naïveté des premières années laisse place à une réalité plus froide et forcément compliquée à gérer pour s’inscrire dans le long terme…
1995. Nicolas marche sur le maillot chiraquien… et perd. Seule la victoire compte, il est donc banni. Jean-Michel pense que son équipe de campagne est enfin assez forte pour aller chercher le titre. L’OM n’est plus, le PSG fait du PSG, Lyon voudrait bien. Mais la vague nantaise ne laisse aucune chance aux Rhodaniens. Cette deuxième place va retarder de plusieurs années l’avènement promis. La traversée du désert est là, elle ne durera pas quarante ans: juste de quoi construire et de ne pas précipiter. Le rendez-vous est pris, ce sera le temps d’un septennat.
2002. Le temps est venu. Nicolas devient indispensable, il ne veut plus s’arrêter et les autres ne le peuvent plus. Jean-Michel obtient enfin le premier titre de son histoire. D’un ministère à l’autre, d’un titre à un autre, ils vont ensemble remporter toujours plus de victoires. Nicolas fera du Jean-Michel, opiniâtre, volontaire, provocateur, et bien sûr Jean-Michel fera du Nicolas. Ils veulent la gloire, et ont réussi le pari d’être vus comme les vainqueurs, et au final oui, ils gagnent. Cinq années pleines pour atteindre l’étape supérieure. Sans fatalité, simplement ils le voulaient plus que les autres.
2007. Etait-ce si facile? Non. Pourquoi alors y sont-ils arrivés? Parce que. Nicolas est président de la République, pour sa première candidature avec une Assemblée nationale, un Sénat et le plus gros parti de France acquis à sa cause, no comment... Jean-Michel a un club qui enchaîne les titres, plus que n’importe quel club ne l’a fait et, pire, il est devenu président du G14. Le G14 pour le football, c’est faire croire que le CAC 40 a un but philanthropique. Grande année pour les ambitieux, appréciés ou pas, ils sont incontournables, moqués ou pas, ils sont un cran au-dessus des autres, malheur à ceux qui sont adeptes des parcours avec panache. On peut se résoudre à reconnaître leur palmarès, pas à les admirer.
2008. C’est lorsque l’on se croit invincible que l’on est battu. Lyon remporte son septième titre consécutif, avec son quatrième entraîneur, et fait le doublé en gagnant la Coupe de France. La consécration. Mais il faut davantage, concrétiser une ambition plus lointaine, l’Europe. Nicolas pourtant y arrive enfin, hasard du calendrier, il est le président de l’Europe (pour raccourcir) pendant six mois et veut marquer l’histoire. C’est à ce moment que les mécaniques se dérèglent, les deux trajectoires restent parallèles mais arrêtent leur ascension: plus de titres pour l’un, crise politique et économique pour l’autre, merci de nous laisser respirer un peu. Jusqu’à quand?
Se retrouveront-ils une fois pour toutes sur le toit de l’Europe? Vous saurez cela dans le prochain épisode de "Nicolas et Jean-Michel, et si les deux tombaient à l’eau, on ne serait pas bien?"
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