Platini 1981, un ticket pour l'Espagne
Un jour, un but – Le 18 novembre 1981, Michel Platini inscrit face aux Pays-Bas un coup franc qui qualifie la France pour le Mundial espagnol. Une page orange se ferme, une ère bleue s'ouvre.
Avec ses longs compas, Genghini remonte le terrain et franchit la ligne médiane. Le Sochalien donne sur sa gauche à Giresse. Le lutin bordelais poursuit la remontée vers la surface hollandaise. À quelques encablures de l'arc de cercle, des maillots oranges se sont regroupés. Giresse tente un une-deux avec Platini, mais le Stéphanois est fauché par Neeskens. L'arbitre M. Garrido siffle un coup franc, à vingt mètres devant la cage de Van Breukelen.
Cela fait 53 minutes que l'équipe de France tente de percer la muraille orange dressée par Kees Rijvers. Ce France-Pays Bas du 18 novembre 1981 doit désigner l'équipe qui accompagnera la Belgique, grand dominateur du groupe éliminatoire, en Espagne pour la Coupe du monde 1982. Au début de la saison 1981-82, il restait à l'équipe de France à prendre quatre points sur quatre matches. Mais, battus à Bruxelles par la Belgique (0-2) puis à Dublin par l'Eire (2-3), les Bleus se retrouvent avec l'obligation de remporter leurs deux dernières rencontres à domicile, contre la Hollande et Chypre.
La troisième tentative
Michel Hidalgo sait que ce France-Pays Bas sera son dernier match de sélectionneur s'il ne le remporte pas. Alors qu'il doit se passer des services de Jean-François Larios, il tente un incroyable coup de poker: un 4-3-3 animé par trois purs meneurs de jeu. Ainsi Platini, Giresse et Genghini sont alignés derrière le trio offensif Rocheteau-Lacombe-Six. Aucun milieu défensif n'est présent devant la défense Janvion-Trésor-Lopez-Bossis et le gardien Castaneda. La sélection batave, de son côté, n'a qu'un point à prendre afin de décrocher son ticket pour l'Espagne, mais elle ne respire pas la grande sérénité pour autant. La génération qui a connu deux finales mondiales consécutives vieillit et ne trouve pas de relève. À tel point que le sélectionneur Kees Rijvers a rappelé Johan Neeskens, alors en pré-retraite au Cosmos New York.
Dans un Parc chauffé à blanc, le match est dominé par les Français, mais il reste crispant. Les Néerlandais jouent très repliés et laissent peu d'espace aux Bleus. Ce coup franc est donc la meilleure chance pour la France d'ouvrir le score, même si Thierry Roland rappelle, fataliste, qu'il s'agit du troisième de la partie et que les deux premiers n'ont rien donné. Platini, les mains sur les hanches, attend que l'arbitre en ait fini de négocier avec le mur orange sur la distance à respecter. Lorsque M. Garrido siffle enfin, Platini s'élance. Il frappe du pied droit, mais le ballon va droit dans le mur. Van de Korput le récupère et cherche à relancer, mais l'arbitre siffle à nouveau: le Néerlandais aurait contrôlé le ballon de la main.
« Oui Michel ! Oui Michel ! »
Une nouvelle chance est donc donnée au capitaine français. Le ballon, par rapport au premier essai, est un peu plus excentré sur la gauche. Le capitaine français le pose délicatement au sol. L'arbitre fait reculer les six hommes qui composent le mur batave, et Rocheteau, en roublard, se cale devant. Platini reprend sa position, le numéro 10 qui brille à l'écran. Une certaine nervosité semble gagner la défense hollandaise. On voit le mur onduler, le gardien peiner à trouver la position idéale, le capitaine Ruud Krol donner de la voix et du geste, puis venir au dernier moment se placer sur la ligne de but, à coté du gardien.
Enfin, Platini tire. Le ballon, cette fois, contourne bien le mur. Sa trajectoire décrit une courbe parfaite, rapide, précise. Il va se ficher à mi-hauteur à ras du poteau gauche de van Breukelen. Le gardien hollandais tente une parade désespérée mais ne peut que voir le ballon claquer dans son petit filet. Krol s'énerve et balance quelques mots doux à son gardien. De leur côté, les Français désertent la surface de réparation les bras levés, courant derrière leur capitaine. Et l'on voit cette image étonnante, inhabituelle de sa part, d'un Platini à genoux au milieu du terrain, agitant ses poings vers le ciel, tandis que Thierry Roland s'égosille "Oui Michel! Oui Michel!"
Quelques instants plus tard, les Français s'éviteront toute mauvaise surprise en inscrivant un second but, une percée de Rocheteau sur le coté droit pour servir Six sur un plateau. Le reste du travail sera fait deux semaines et demi plus tard, lorsque les Bleus, sans Platini, s'imposeront nettement (4-0) face à Chypre et valideront la qualification pour de bon.
Voir aussi le JT d'Yves Mourousi recevant Michel Hidalgo le lendemain du match.