Ballon d'Eau fraîche 2012, les candidats: Gomis et Cissé
Dans la catégorie des footballeurs avec lesquels on adorerait jouer, deux intéressants spécimens: Gomis l'altruiste et Cissé l'Édouard.
Gomis
La trajectoire de Bafétimbi Gomis en Ligue 1 pourrait se résumer en deux courbes. L’une, horizontale, illustrerait l’admirable régularité dont fait preuve un joueur de vingt-sept ans qui plante dix pions ou plus chaque saison en championnat depuis sept saisons. L’autre, ascendante et partant d’assez bas, illustrerait le capital sympathie d’un garçon qui accumulait toutes les tares il y a encore quelques années, et qui depuis se démarque par sa simplicité et son sens du collectif.
Des célébrations de buts grotesques, un bras de fer pour passer de Saint-Étienne à Lyon, une petite amie dans un reality show… Tout ça, c’est le passé. Finies, les démonstrations de joie façon Bagheera qui agaçaient une partie de Gerland. Oubliée, l’escarmouche avec Romeyer. Bafé n’est pas du genre rancunier. Il s’est même fendu de déclarations bienveillantes à l’égard de Claude Puel, lorsque ce dernier était fustigé de toutes parts: "Un changement d’entraîneur ne change pas tout. On ne doit pas repartir de zéro, il y a eu de bonnes choses pendant trois ans". Plaquée, l’apprentie Loana. Bafé s’est pris en main, et a même muri la décision de passer son baccalauréat pour, dit-il, "rattraper ses lacunes". Par ailleurs, lorsqu’on l’interroge sur la fameuse taxation à 75%, il se fend de propos plutôt rafraichissants: "Le sujet est délicat et je n’ai pas toutes les données pour me prononcer. Ça va poser pas mal de problèmes au foot français, mais François Hollande ne pense pas qu’au football français, il essaie d’améliorer le quotidien."
Si l’Olympique Lyonnais cuvée 2012 renvoie presque l’image d’un club sympathique, Gomis n’y est pas pour rien. À l’instar de Rémy Vercoutre, il profite de chaque interview pour rendre hommage à ses coéquipiers. C’est d’ailleurs à l’occasion d’une pique lancée par Roland Romeyer à l’encontre du gardien lyonnais, qu’il comparait à une 2CV, que Bafé a pu saluer son gardien: "On a pris ces déclarations avec beaucoup d'humour. On connaît la valeur de Rémy. Je n'ai rien contre la 2CV, c'est un patrimoine national, elle consomme moins que la Ferrari et elle nous emmène d'un point à un autre."
Avec un nouveau sélectionneur qui connaît son prénom et son poste, il a même glané quatre sélections cette saison. Car côté football, Gomis fait sur le pré l’étalage de sa générosité, dans le combat comme dans les passes, s’astreignant souvent à un rôle ingrat au bénéfice de ses coéquipiers. Dans le meilleur esprit possible, et en refusant de fustiger les arbitres. Parfois en contradiction totale avec son président: après OL-PSG en février il rappelle: "Nous aussi on avait égalisé au bout du temps additionnel contre Lorient, alors il faut rester positif et beau joueur." Aujourd’hui, seul le logiciel comptable de Jean-Michel Aulas ne réalise pas l’importance pour le vestiaire et pour le jeu d’un garçon comme Gomis, l’infatigable porteur d’eau. Fraîche, l’eau, vous l’aurez compris.
Point fort
Sister Act a connu un succès fulgurant à Mogador.
Point faible
Trop gentil pour ne pas paraître suspect.
Slogan de campagne
"Ne brûlez pas la peau de la panthère avant de l’avoir vendue."
Cissé, the birth of cool
Re-Édouard Cissé. Il était déjà là l’hiver dernier, dans cette liste de finalistes, et le revoilà frais comme un gardon. La métaphore du gardon, ce fameux poisson qui se conserve plus longtemps que les autres après avoir été pêché, s’applique en effet très bien au milieu de terrain palois: combien d’équipes ont eu la bonne idée de prendre Cissé dans leur filet, pour abuser finalement de sa résistance, en ne lui accordant pas le temps de jeu auquel il aspirait? Au lieu de pourrir, il a toujours apporté fer et vitamines à ses coéquipiers.
L’étiquette de remplaçant consciencieux et altruiste, intelligent au point d’être modeste, lucide au point d’avoir de l’humour, lui collera toujours à la peau (ne serait-ce que par différenciation avec nombre de ses partenaires). C’est tout à l’honneur du bonhomme de n’avoir jamais manifesté le moindre agacement à ce sujet – car son métier était footballeur, pas roue de secours, et il y a fort à parier qu’il préférait le terrain au banc, et qu’il apprécierait qu’on mentionne les qualités de son jeu autant que les vertus de son tempérament.
Il n’a même pas pris la peine de modifier ce pathétique passage de l’article Wikipédia qui lui est dédié: "Pour son retour [au PSG], il joue une bonne partie de la saison mais il n'est pas réellement considéré comme titulaire, par manque de régularité. Il apprend énormément avec la concurrence des Ali Benarbia, Laurent Robert ou Jay-Jay Okocha."
Il est temps de rendre justice à Édouard Cissé, champion de Turquie et de France, finaliste de la Ligue des champions: il était un bon joueur de ballon. Certes, il lui a manqué un ou deux buts importants et/ou spectaculaires, quelques grands matches où il aurait tenu une star mondiale en respect, pour que son sens du placement soit définitivement consacré, mais nul ne doit ignorer ses contributions concrètes (interception et relance) aux succès de ses clubs. Si les fautes utiles apparaissaient dans les stats, il talonnerait sans doute Makelele.
Aujourd’hui, il faut rendre grâce à Cissé de partager, à l’écrit et à l’écran, les fruits de son expérience. Propriétaire de "l’art si difficile d’être sincère sans ridicule" dont parle Baudelaire, il explique sur son blog comment les joueurs vivent avec le statut de remplaçant, il décrit pourquoi ils échangent leurs maillots, il balance ses coéquipiers obnubilés par leurs coupes de cheveux, et autres sujets simples, distrayants, parfois fondamentaux, pour les lesquels on peut lui faire confiance.
Point fort
Beaucoup de jeux de mot possibles avec son nom.
Point faible
Trop d’homonymes.
Le slogan de campagne
"Cissé au coup d’envoi, c’est bien, Cissé au coup de sifflet final, c’est encore mieux."