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Déformation à la française

Plutôt qu\'à de vaines polémiques, l\'échec des Bleus à l\'Euro devrait inciter à une réflexion à la fois sur notre système de formation et sur le rapport de notre pays à sa jeunesse.

Auteur : Alexis le 18 Juil 2012

 

Et si le voyage en terres ukrainiennes de l’équipe de France nous en disait finalement plus sur le regard que nous portons sur notre jeunesse que sur le niveau sportif réel (ou même supposé) de nos troupes footballistiques? Plus exactement, sur la vision que le pays, en tant qu’Etat mais aussi à travers nos concitoyens et nous-mêmes, propose de la jeunesse, de la place qu’il a bien voulu lui accorder, et des valeurs qu’il l’a encouragée à nourrir. Et si, fort heureusement, tous les jeunes gens de l’Hexagone ne sont pas spontanément atteints des mêmes symptômes mégalomaniaques ni du syndrome de la Tourette à l’évocation de l’élite de nos journalistes, ni d’une auto-évaluation très largement exagérée, il est fort probable que l’impression d’ensemble ramenée d’Ukraine ne soit pas tant l’effet des orientations techniques d’une sphère sportive isolée que le résultat d’une approche culturelle des questions de jeunesse.

 

 


Spécificité française

Le groupe tombé face à l’Espagne se veut issu d’un système de formation répondant à un cahier des charges national et dont les orientations sont fixées par la Fédération, via sa Direction technique nationale. Nul n’ignore la spécificité française qui organise le sport français depuis l’après-guerre, mais plus sûrement encore depuis la loi Avice de 1984: la pratique sportive relève de l’intérêt général et les Fédérations, par conséquent, accomplissent des missions de service public. Elles reçoivent délégation de l’État, notamment en matière de formation des cadres techniques nationaux et d’attribution des diplômes. Elles ont en outre toute latitude pour définir la politique sportive de leur discipline en parfaite autonomie. Ainsi sont nés les centres de préformation fédéraux qui préparent la crème des footballeurs pré pubères à intégrer les centres de formation des clubs professionnels et desquels sont issus nombre de Bleus actuels. Si les centres de formation sont, eux, tous intégrés aux clubs professionnels, l’agrément est délivré par le ministre de tutelle, sur avis des cadres techniques fédéraux.

 

La formation "made in France" s’est construite sur les idées révolutionnaires de Jean Sadoul et Georges Boulogne, à la suite des absences – insupportables à leurs yeux – de l’équipe de France aux tournois finaux des mondiaux de 1970 et 1974. Depuis, les sélections successives, et la dernière en date n’y échappe pas, auront toutes été le fruit de cette dynamique institutionnalisée. De toute évidence, celle-ci obtint des résultats probants assez rapidement et put à juste titre, au gré de développements pertinents, se féliciter d’être érigée en modèle au regard de la concurrence. Car plus que la construction d’un palmarès sportif pour le moins convaincant et la naissance de générations de joueurs parfois enthousiasmants, la logique fédérale propose un idéal organisationnel dont l’élite ne constitue que la partie immergée, portée par la richesse nourricière et l’engagement passionné du monde amateur, lui-même bénéficiaire de la gratitude des glorieux représentants professionnels. Tout à la fois modèle social et modèle économique, le Mouvement sportif français a ainsi ouvert une voie nouvelle en donnant tout son sens à la notion de solidarité. Et c’est une certaine vision sociétale guidant une politique d’Etat qui aura permis cet épanouissement collectif, quand bien même certaines motivations initiales ne fussent que pures velléités compétitrices ou ardeurs patriotiques.

 


Label France pour produits d'exportation

Cependant, ce système, aussi louable soit-il, trop fier de sa réussite ou pas suffisamment mature, n’aura pas vu venir certaines évolutions et semble refuser de s’y adapter, voire incapable de se réinventer: évolutions d’un monde en perpétuelle mutation, évolutions du modèle économique sportif, évolutions du statut des clubs, évolutions du jeu, évolutions des hommes qui le font.

 

Très vite, les clubs professionnels français, distancés sur la scène européenne et peu courus des investisseurs sans limites au contraire de la concurrence étrangère, comprennent le pouvoir économique de la formation locale. Dès l’ouverture des frontières (bien aidée par l’arrêt Bosman), c’est un marché à grande échelle qui s’ouvre à eux et l’assurance de recettes aussi importantes que régulières à travers la vente des joueurs issus de notre modèle. Bien plus que le virage technique entrepris à l’aune du titre de champion du monde et marqué du sceau d’un froid pragmatisme, c’est l’application de cette même philosophie par les clubs en matière de formation qui mène le système français à sa perte. Les joueurs sont passés du rang de jeunes pousses en devenir qu’il convient d’éduquer au football à celui de produit commercial exportable qui assure la pérennité d’un fonds de commerce. Les éducateurs se sont mués en développeurs d’articles de sport, les présidents en chef de rayon, les agents de joueurs, eux, jouent depuis les commerciaux en représentation permanente, quand ils ne se positionnent pas en tuteurs illégaux.

 

 

Ce virage entrepris par les supermarchés du foot hexagonal sous l’œil bienveillant des cadres techniques nationaux, trop heureux de voir leurs méthodes confirmées, aboutira au développement d’objectifs individuels nouveaux. La formation française visait initialement à préparer les joueurs à inscrire leurs compétences sportives dans un collectif. Désormais, il n’est plus attendu du joueur qu’il enrichisse les rangs de l’équipe fanion du club, mais qu’il soit acheté au meilleur prix par n’importe qui. La valeur collective ne trouve plus sa place dans ce schéma car le joueur devient la cible d’un façonnage lui octroyant le label "France" dont l’unique projet consiste à lui conférer une valeur marchande la plus élevée possible.

 


Un système plus productif qu'éducatif

Dans ce contexte, les joueurs ne peuvent être tenus pour seuls responsables de leur attitude individualiste. Ils ont été éduqués au sein d’une bulle les incitant prioritairement à se valoriser individuellement (et financièrement) malgré des exigences collectives (et sportives) pourtant évidentes. Le fossé ne pouvait dès lors qu’être plus grandement creusé entre les attentes d’un public dont l’esprit demeure bercé par une logique fédérale solidaire et de jeunes adultes immatures confinés dans une sphère où règne l’individualisme primaire, interdisant toute acculturation vitale à l’épanouissement citoyen de chacun. Comment imaginer adapter ces joueurs à un environnement – qu’ils intègrent pourtant dès lors qu’ils enfilent la tunique bleue – historiquement associatif et dont les forces les plus vives, bien que s’amenuisant, demeurent bénévoles?

 

Les pouvoirs publics, délivrant agréments (l’État), définissant les politiques sportives (les fédérations), ou finançant dans de grandes proportions les centres de formation (les collectivités), sont coupables d’avoir cautionné ce système plus productif qu’éducatif. Des priorités qui en disent long sur les attentes d’une nation envers sa jeunesse, considérant que la dimension citoyenne de l’individu vaut moins que son potentiel marchand, estimant qu’il est des domaines (ici le sport) dans lesquels l’épanouissement de la personne peut être considéré accessoire.

 

Il n’est donc pas illégitime de voir refléter (sans pour autant vouloir y identifier l’ensemble de nos congénères), dans l’attitude peu avenante d’une partie des joueurs de l’équipe de France, l’immobilisme politique d’une société qui se refuse à considérer ses jeunes générations autrement que comme une vaste meute à dresser et de laquelle seuls les plus compétitifs s’extirperont avec les honneurs de leurs aînés.

 


Questions de jeunesse

Bien entendu, ce raisonnement souligne l’hypocrisie du lynchage médiatique et public dont font l’objet les joueurs incriminés... de la part d’un groupe social qui ont participé à la construction de ce modèle éducatif. Les questions de jeunesse sont transversales et ne peuvent être exprimées politiquement seulement à travers l’action scolaire, ni être considérées par les gouvernements successifs comme trop futile pour ne justifier que des instances de seconde zone. Malheureusement, à l’heure où François Hollande prend ses quartiers à l’Elysée en ayant claironné qu’il placerait précisément cette question au cœur de sa politique, il est à craindre qu’une fois encore, le pari ne tombe à l’eau. La Jeunesse se retrouve troufion d’un ministère des Sports dirigé par une spécialiste des questions sportives sans aucune sensibilité aux problématiques de jeunesse (éducation, citoyenneté, accès à l’autonomie, engagement, soutien à l’initiative).

 

Par ailleurs, le nouveau président n’a eu de cesse de proposer des solutions liées uniquement à l’action scolaire, ce qui permet de mesurer le chemin qu’il reste à parcourir: les cadres fédéraux refusant de revoir leur copie technique, les pouvoirs publics renouant solidement leurs œillères, les sanctions à l’égard des Nasri et consorts pourraient se multiplier tout autant que les écarts de conduite. Cette réponse s’avère une diversion grossière mais efficace, concentrant l’attention d’une frange réactionnaire encore majoritaire (tant chez les médias que chez les simples spectateurs) sur les présumés sauvageons décérébrés. Frange réactionnaire qui s’en accommode à merveille, s’évitant ainsi de sérieux maux de tête liés à une éventuelle autocritique collective.
 

Réactions

  • HumLloriste le 18/07/2012 à 11h02
    OldSchool
    aujourd'hui à 10h27
    C'est surprenant de voir les parents absents de cette liste
    -----
    C'est très révélateur au contraire. Les parents sont poussés hors du tableau très très tôt, capitulant eux aussi devant les biftons promis.
    Sauf que eux croient, en plus, que leur gamin va s'épanouir.
    Et qu'ils vont rêver lorsqu'ils les verront en équipe de France (sauf la maman de Laurent Blanc, qui va faire pipi).

    Mais, pour une poignée de parents dont la réussite du gamin est effectivement à l'arrivée, combien vont avoir à récupérer un môme brisé d'y avoir cru ?

  • RabbiJacob le 18/07/2012 à 11h29
    La délivrance des diplômes du sport ne relève pas des fédérations mais bien de l'Etat. Ce sont les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) issues de la révision générale des politiques publiques qui ont cette compétence de certification, ainsi que celle de conseil pédagogique. Les formations sont agrées et financées par les Conseils Régionaux et sont effectuées par différents organismes privés.

    De même je trouve ton affirmation sur la place de la jeunesse au sein du Ministère des sports quelque peu inexacte : jeunesse et sports sont les deux piliers très identitaires de ce ministère depuis l'après guerre. Ce ministère vient d'ailleurs de retrouver son autonomie après avoir été annexé à la santé et la cohésion sociale par le précédent gouvernement.

  • Alexis le 18/07/2012 à 11h49
    Rabbi,

    l'état (via le ministère idoine) légifère quant aux diplômes nécessaires et leur octroie sa reconnaissance. Mais le contenu des formations et les stages sont organisés par les Fédés. Si tu veux passer des diplômes d'entraîneur de foot, tu t'adresses à ton district ou ta ligue, puis à partir du BE 2 à la Fédé directement puisque cela se passe à Clairefontaine. Et les formateurs sont tous de la DTN (ou leurs représentants régionaux et départementaux).

    Peut-être existe-t-il des sports pour lesquels la démarche est différente, mais seule une fédération délégataire peut délivrer des diplômes propres à une discipline ET reconnus par l'état.

    L'exception concerne les BE non spécifiques, mais relevant de l'éducation populaire (comme le BPJEPS).

    Quant à l'identité des ministères, je ne partage pas ton point de vue : simplement parce que la dimension jeunesse est systématiquement rattachée à celle de sport. La preuve que c'est une erreur : tu t'étonnes que le sport ait pu être rattaché à la santé, mais à la jeunesse tu trouves cela normal. Donc la jeunesse est bien considérée, dans l'imaginaire collectif, comme une sous-catégorie du sport. Or, les fonctionnaires en charge des questions de jeunesse ne traîtent pas des questions sportives (ou de manière très accessoire).


  • Alexis le 18/07/2012 à 11h51
    Précision après relecture de ta première phrase : dans l'absolu c'est bien l'état qui a pouvoir, mais il le délègue aux Fédés (toute précision se trouve dans les textes de la loi Avice de 1984 pour els curieux).

  • Pascal Amateur le 18/07/2012 à 11h53
    Sinon, il reste toujours l'argument de Manu Petit : la fin du service militaire a peut-être joué sur les mentalités des jeunes.
    - - - - - - - - -
    D'où son surnom de "Manu militari".
    Hi, hi.
    Sinon, il est possible de renverser cette proposition : l'évolution de la mentalité des jeunes a entraîné la fin du service militaire.
    En même temps, la fin de l'Inquisition a peut-être joué sur les mentalités des catholiques. Et qui sait si la fin de la Shoah a joué sur les mentalités des juifs ? À moins que la fin des haricots ait eu des conséquences sur les petits pois ?
    Bref, il est étrange de parler des "jeunes" comme d'un truc à prendre en bloc. L'armée en recadrait certains, en cassait d'autres, etc.
    L'avis de Manu Petit m'indiffère. J'espère qu'il a bien nettoyé ses verres quand il tenait son café du commerce.

  • matthias le 18/07/2012 à 11h55
    Plus que les failles -certes réelles- d'un système, ce qui a surtout changé ce ne serait pas les observateurs (médias et publics) plutôt que les acteurs?

    Quand Cantona insultait tout le monde à tout bout de champ et front-kickait des spectateurs, on parlait de quelqu'un "de sanguin", mais jamais on ne remettait en cause les différentes structures par lesquelles il est passé. Quand Pelé partait à New-York finir sa carrière, on ne se posait pas la question de l'argent tout puissant, c'était pour "promouvoir le football aux USA" (ah ah). Les footballeurs d'aujourd'hui ne sont en moyenne ni plus ni moins intelligents, ou bien élevés ,ou cupides qu'avant: des insultes, bagarres, trahisons de clubs pour quelques dollars de plus, ça a toujours existé.

    Dans le cas de Nasri (puisque c'est surtout de lui qu'on parle), ou plus globalement des générations fin d'années 80, ils ont surtout l'air d'être des victimes de l'espéce de racisme "anti-racailles de banlieues" qui s'est instillé depuis une dizaine d'années dans la société, jusqu'à atteindre la sphère médiatico-sportive. Matterrazzi qui insulte Zidane pendant tout le match jusqu'à ce que celui-ci lui mette un coup de boule, c'était pas plus glorieux qu'un "ferme ta gueule" lancé par un gamin qui descend du bus avec un casque sur les oreilles. Mais le traitement qu'on en a fait a été radicalement différent, parce que les clichés associés aux personnes sont différents : l'italien à la faconde méditerrannéenne qui fait péter un plomb à la gentille idole, contre la "petite frappe" (dixit Larqué) qui ne respecte rien. Mais ça reste des préjugés, on aurait pu tout aussi bien dire que Materrazzi est juste quelqu'un d'excessivement bête et vulgaire, Zidane est violent et frappe sa femme le soir donc pas étonnant qu'il le fasse sur le terrain également, alors que Nasri est simplement un post-ado déboussolé agressé par une presse sans scrupules. Ca aurait marché tout aussi bien.

    Bref, le drame de la génération actuelle, c'est à mon avis tout autant de faire partie de ces français de classes populaires "issus de l'immigration" et d'en assumer tous les codes (de la coupe de cheveux au style vestimentaire), plutôt que leur niveau d'intelligence et d'éducation. Et d'être tombé dans une période où à l'inverse, côté média, le réac de droite est omniprésent.

  • Pascal Amateur le 18/07/2012 à 12h12
    Le réac de droite omniprésent ? Mais c'est faux ! À une autre époque, vous n'auriez pas dit ça, mais bon, c'était une autre époque, bien moins déliquescente que celle-ci.

  • magnus le 18/07/2012 à 12h29
    Euh, matthias, il doit avoir autant de gens qui blâment Materazzi que Zidane dans l'histoire, voire les 2, c'est possible aussi.
    Zidane a bien morflé à l'époque, mais même pas 1 an après il était redevenu l'icône Danone-Unesco inattaquable. Les sons de cloche différents qu'on peut lire sur les cdf ou entendre de la bouche de Petit, ça reste très marginal.
    La différence de traitement, elle découle aussi du niveau et de l'aura du joueur. Si c'est Zidane qui avait lancé le "ferme ta gueule", la vox populi aurait pris fait et cause pour lui.

  • matthias le 18/07/2012 à 12h42
    magnus
    aujourd'hui à 12h29

    --------

    Je parle de ce que je peux voir/lire dans l'Equipe en fait essentiellement, étant donné que ce sont eux qui globalement font l'opinion sur tous ce qui concerne le sport en France. Et la différence de traitement entre Zidane et Nasri (ou Anelka) est assez frappante je trouve. Ce que tu appelles "l'aura", une fois que tu enléves le palmarés (qui est un paramètre complétement aléatoire finalement), je l'appelle "le faciés". Et dans les réactions sur cet Euro 2012, le délit de faciés m'a semblé être caractérisé plus d'une fois.

  • matthias le 18/07/2012 à 12h43
    *dans l'Equipe et sur TF1/M6

La revue des Cahiers du football