Évidemment, après tant de déprime, la tentation sera grande de verser dans un optimisme aussi exagéré que les promesses de fiasco antérieures, au vu d'un match présentant tant de satisfactions. Alors si les difficultés physiques ou l'adaptation tactique délicate à un nouveau système, qui étaient anticipées, se sont peu fait ressentir, il faut tout de même raisonner la portée du test. Le Costa Rica a évolué à un bon niveau, mais surtout il a eu la bonne idée de ne pas fermer le jeu – encouragé en cela par son ouverture du score. Ses possibilités de contre s'amenuisant toutefois en seconde période, il a fini par disparaître et par plier jusqu'à rompre.
Il reste que l'enthousiasme est difficile à réprimer. Suspecte d'être une fausse bonne idée tant elle réunissait de suffrages, la reconfiguration en "4-3-3" a d'abord profité des bonnes dispositions adverses, avec un pressing modéré, des espaces dans l'entrejeu et une reculade pour finir. Elle a ensuite démontré d'autres vertus, en dépit d'un déséquilibre vers sa gauche qui n'est pas sans évoquer un de nos 11 type.


France-Costa Rica, stade Bollaert : 2-1
Buts : Hernandez (11e), Sequeira csc (22e), Valbuena (83e)


Le juste milieu
Un constat central, à l'issue de cette réorganisation, est que Yoann Gourcuff ne s'est en rien départi de l'habit de meneur de jeu en reculant d'un rang, conservant une volonté identique de prendre les choses en main. Son engagement tient partiellement aux mises en doute dont il est l'objet, mais on attend justement du Bordelais ce volume de jeu. Bien qu'inégal sur les coups de pied arrêtés (exercice pour lequel la pression s'exerce probablement le plus), son influence a été d'autant plus significative qu'il a souvent occupé l'axe, profitant de solutions plus nombreuses lors de ses montées offensives, vers les ailiers et latéraux (même s'il a souvent préféré bâbord) ou avec le soutien de Malouda, voire Toulalan. Compte tenu des caviars qu'il a délivrés ici et là, on espère que les rumeurs d'un boycott, dans le jeu, par certains cadres de l'équipe, sont le produit d'exagérations à défaut d'être complètement sans fondement.

En dépit d'un déchet technique excessif et de réglages encore approximatifs, l'expression a donc été satisfaisante au delà des prestations individuelles, et parfois franchement agréable avec des mouvements collectifs particulièrement réussis. Inversement, certaines carences restent évidentes, et maintiennent les incertitudes quant à la capacité des Bleus à tenir encore debout lorsque l'opposition sera plus problématique.




Qui pour marquer ?
D'autre part, si l'animation a été intéressante, elle s'est avérée trop souvent stérile, avec une liaison minimale avec l'attaquant de pointe et une certaine impuissance dans les vingt derniers mètres. Isolés, encombrants quand ils décrochaient et pareillement dépourvus de justesse dans leurs gestes hier soir, Anelka et Henry se sont succédés à un poste pour lequel ils ont montré peu d'aptitudes. Au moins pour la variété des solutions, une meilleure présence de la tête serait utile – même si la largeur du terrain a été moins utilisée par les ailiers pour déborder et centrer que pour se réengager dans l'axe. On peut d'ailleurs craindre une tendance à se recentrer trop systématiquement, à l'image de Govou, Ribéry ou Anelka lorsqu'ils s'empalent plus qu'il ne percutent.
Le schéma suggère en tout cas, à ce stade, que les buts devront impérativement venir de l'ensemble des joueurs – l'idée étant notamment que Malouda, Gourcuff ou Toulalan ajustent mieux leurs mines. En attendant, la sélection a produit beaucoup d'actions pour peu d'occasions nettes.


Déséquilibres
Ensuite, l'hémiplégie guette cette formation qui a, lors de longues périodes, complètement délaissé le côté droit. Pouvoir enfoncer le clou sur l'aile d'Évra, Ribéry et Malouda présente un intérêt certain, mais aussi le risque de faciliter le travail tactique des adversaires à venir. Le flanc droit risque d'être celui de la bonne volonté avec Govou et Sagna, sans offrir beaucoup de ressources pour résoudre les problèmes qui se poseront aux Tricolores.

Enfin, la sécurité défensive semble loin d'être assurée, non seulement parce que la défense centrale a livré son lot de moments de flottement – auxquels il faut de toute façon se préparer, en particulier sur les coups de pied arrêtés –, mais aussi parce l'équipe de France risque d'organiser des minutes portes ouvertes à la moindre erreur ou manquement dans le replacement au milieu. Toulalan a parfois évolué sans filet, et son successeur en seconde période, Alou Diarra, a rendu un ballon terriblement dangereux aux quarante mètres. L'inquiétude exprimée par Raymond Domenech à la pause s'est ainsi traduite par des consignes beaucoup plus restrictives pour Patrice Évra, qui n'est plus monté qu'avec modération.


Vrai départ
Il s'agit donc d'imaginer ce système plaisant dans des circonstances moins favorables, par exemple lorsque Gourcuff et Malouda devront aller au mastic pour obtenir une possession de balle que les Costaricains ne leur ont pas réellement disputée à Bollaert. Et d'espérer que cette équipe obtiendra une efficacité offensive à même de compenser la perméabilité pressentie.

À ces interrogations près, ces perspectives dans le jeu constituent une embellie, d'autant que les prestations d'individualités majeures – Ribéry, Gourcuff, Malouda – ont été rassurantes et que d'autres options se sont esquissées (Valbuena, Diaby). Le système essayé comporte bien des promesses, mais l'essentiel est en définitive que l'équipe de France a lancé sa campagne mondialiste en délivrant une impression positive, de nature à pondérer enfin le pessimisme ambiant: si près de l'échéance et avec un élan qui semble retrouvé, on veut bien croire qu'elle a une chance d'infléchir une trajectoire qui tendait jusqu'alors plus vers le zéro que vers l'infini. Et après les applaudissements de Bollaert, les Bleus partiront au moins avec le sentiment qu'ils ne sont pas si détestés que ça.




Les observations en vrac

• Quand Jean-Michel Larqué qui dit que la compo de Domenech ressemble comme deux gouttes d'eau à celle de José Mourinho, c'est parce qu'il a fumé la moquette du car-régie, ou parce qu'il a décidé d'étaler son ignorance pour de bon?
• Les nichons d'Anelka dans ce maillot moulant, c'est quand même un peu embarrassant.
• Des reprises de Govou en plein sur le gardien, des reprises de Govou loin au-dessus du but, ça fait du bien de retrouver les automatismes après un stage.
• Pour le moment, on ne sait pas si Valbuena fait une Gomis 2008 ou une Ribéry 2006.
• Bon, on va commencer à mettre des notes aux joueurs, mais uniquement à Henry et Anelka.
• Non mais Raymond, quand on a fait la compo où on titularisait tous les joueurs à gauche, c'était une blague.
• Valbuena n'est pas le nouveau Ribéry, c'est la réincarnation de Christian Perez.
• Si c'est un milieu défensif qui fait les passes décisives pour Ribéry, faut-il penser à en titulariser un second?
• OK, Ribéry a de l'essence, mais va falloir penser à régler le carburateur maintenant.



Les gestes et les antigestes

• La Steven Gerrard d'Alou Diarra, qui d'une zubrelance molle vers Mandanda lance Parks seul vers le but.
• La claquette d'Elasticman Mandanda, qui envoie la tête à bout portant de Ruiz au-dessus de sa barre, comme s'il s'agissait d'un petit focus teigneux.
• La quéquette d'Invisibleman Mandanda, qui sort sa gogo-gadgeto-main transparente sur la route de la frappe d'Hernandez, sans le moindre projecteur braqué sur le visage.
• Le double double-contact d'Abou Diaby, qui se balade dans la défense adverse comme Ayrton Senna dans une chicane de Monaco avant d'ouvrir la dernière ligne droite à Valbuena.
• La subtile remise de la poitrine de Sidney Govou en pleine surface, parfaitement dosée pour le fantôme de Trezeguet qui passait par là pour dire bonjour.
• La frappe de trente mètres de Yoan Gourcuff claquée par Navas, à l'allemande mais qui rappelle la Roumanie, pour rassurer le peuple français: oui, il y a un espoir au delà de Cheyrou et Toulalan.



Les titres auxquels vous avez échappé
• Les Bleus à la re-Lens
• Costa Rica bien qui rira le dernier
• Amicostaricalement vôtre
• Cocoricostarica
• Diaby oh Diaby