PARIS, DE SANG FROID
Matchbox : Braga-Paris-SG, 0-1 – C'est sans pitié ni considération pour l'esthétique que les Parisiens ont sorti de bien jolis Portugais.
Auteur : José-Karl Bové-Marx
le 20 Mars 2009
But : Hoarau, 81e.
On savait, après le match aller, que Braga était une sorte de délicieux anachronisme: une équipe portugaise à l'ancienne composée d'une tripotée de tripoteurs agréables à voir (et peut-être à tripoter, qui sait?), mais manquant désespérément de poids dans la surface adverse. Le retour confirma pleinement cette impression: Braga est technique, imaginatif en phase d'approche, cohérent dans son jeu… et presque parfaitement inoffensif. Il aura suffi d'un PSG solide et d'un passage de Hoarau sur le terrain dans les dernières minutes pour renvoyer les coéquipiers de Luis Aguiar dans les années 1980.
Joueurs d'occasions
Le PSG, qu'on avait laissé exsangue dimanche dernier face à l'OM, se présentait hier soir, comme toujours en UEFA, dans une composition remaniée — sans que l'on sache très bien, cette fois, si le turnover était uniquement destiné à préserver les titulaires habituels ou s'il était imposé par l'état de fatigue d'une bonne partie de l'effectif. Ceara, Makelele, Rothen, Giuly et Hoarau étaient, en tout cas, laissés sur le banc. C'était donc la soirée des occasions à ne pas manquer pour les remplaçants habituels.
L'occasion pour Kezman de démontrer une nouvelle fois qu'on n'a encore vu que 10% de son talent. L'occasion pour Chantôme de rappeler qu'il court autant que Makelele et tire les coups de pied arrêtés aussi bien que Rothen, alors qu'il est payé autant que Mabiala. L'occasion pour Fabrice Pancrate d'essayer de taper dans l'œil d'éventuels recruteurs du Vitoria Setubal ou de Guimaraes. L'occasion, aussi, pour l'inénarrable Sammy Traoré, arrière droit pour les besoins de la cause, de faire du Cafu (enfin, surtout, d'effectuer les remises en touche).
Advienne que pourra
Comme il fallait s'y attendre, d'entrée de jeu Paris s'installa confortablement dans sa propre moitié de terrain et ne chercha pas à contester la maîtrise du ballon à la puissance invitante. La tactique parisienne était d'une simplicité biblique: récupération, longue balle vers l'avant, obtention d'un coup franc ou d'un corner, et advienne que pourra. Déjà que ce PSG rechigne en règle générale à faire le jeu, il ne fallait pas en attendre plus de sa part dans un match retour à l'extérieur et avec une équipe à moitié expérimentale.
Fort logiquement, donc, Braga fit tourner et Paris défendit. La charnière Camara-Sakho, bien secondée par un Traoré solide et un Armand ayant repris des couleurs depuis Marseille tenait bon, et les deux seules occasions des locaux venaient sur des frappes lointaines: une belle demi-volée de Paulo Cesar que Landreau dévia sur la barre du bout des gants, puis un joli coup franc de Luis Aguiar au ras du poteau, mais du bon côté pour Paris.
Le PSG répliquait par un superbe coup franc de Chantôme pleine barre. Sur les rares attaques parisiennes, Luyindula et Kezman étaient pris dans la nasse rouge, et la discrétion de Pancrate et de Sessegnon (qui se signala surtout par une baffe sur son adversaire direct, passée inaperçue du corps arbitral) condamnait Paris à persister dans sa filière de base: loin devant et on avise.
Kéké sur l'aile gauche
En deuxième période, Clément et ses copains reculèrent encore davantage, et Braga s'approcha de plus en plus dangereusement, mais sans réussir à mettre Landreau à contribution. Les Parisiens recommençaient à piocher, malgré l'entrée tonique de Ceara, qui remplaçait Sakho, une nouvelle fois blessé. Sammy glissait donc dans l'axe, ce qui ne l'empêchait pas quelques minutes plus tard d'aller faire le kéké… sur l'aile gauche, tout en feintes de grand-père.
Braga continuait de construire, Braga méritait son but, mais le PSG était imperturbable comme une équipe du calcio des années 1990 dans une confrontation franco-italienne. Le dénouement approchait, et les méchants allaient encore une fois gagner. C'était écrit, les petits romantiques allaient chuter face aux costauds réalistes. À dix minutes de la fin, l'entrée de Hoarau à la place d'un Kezman tellement au fond du trou qu'on ne lui jettera pas la pierre (les ultras parisiens s'en chargeront) annonçait l'inéluctable. Depuis le début de la rencontre, Eduardo n'avait pas touché un seul ballon.
A la 81e, sur un long coup franc de Chantôme, il ne toucha pas le ballon non plus, se déchirant complètement pour sa seule intervention du match. Derrière lui, au second poteau, 193 centimètres en gris et rouge se déployaient… Hoarau rabattait le cuir dans le but vide, les deux rochers entourant le stade (Charybde et Scylla) grondèrent et se mirent en mouvement l'un vers l'autre, inexorablement. Le stade et le terrain furent intégralement broyés, les rêves portugais s'évaporèrent, le beau jeu avait perdu une nouvelle bataille face au froid calcul. Et du nuage de poussière, émergea le car (sans jeu de mots) des Parisiens, roulant imperturbablement vers de nouvelles aventures.
Le joueur à suivre
Luis Aguiar : élégant, à l'aise des deux pieds, fin dribbleur et fin passeur. Le cliché national convoque naturellement les mânes de Rui Costa, mais on pense plutôt au subtil Juan Carlos Valeron. L'effet anachronique n'en a été que plus marqué, Valeron étant déjà un joueur des années 1950 égaré dans les années 2000.
Les gestes
• La petite claque de Sessegnon sur son adversaire direct, histoire de vérifier si les instances européennes sont aussi sévères que les françaises
• L'accélération de Sammy Traoré, buste parfaitement droit, à grandes enjambées, pour récupérer un ballon arrêté à cinq mètres de lui. Usain Bolt courra comme ça quand il aura quatre-vingt dix ans.
• Le concours de talonnades des joueurs de Braga. Dommage qu'ils ne se soient pas qualifiés, ils avaient prévu de faire une spéciale "ailes de pigeon" en quarts.
• La réponse de Landreau et de Hoarau à la sélection de Domenech. Ils ont fait quoi hier, Carrasso et Gignac, hein?
• Les applaudissements contrits de Kezman en direction de la tribune des supporters parisiens, qui le huaient au moment de sa sortie, déjà vus au match aller. On dirait un époux grillé par sa femme en plein adultère, et qui multiplie depuis les excuses alors qu'il ne cesse de se faire engueuler.
• Le tacle parfait, tout en puissance, vitesse et précision à la fois, de Mamadou Sakho, une minute après avoir pris un jaune. Sakho, c'est l'état d'esprit de Carles Puyol dans le corps de Grace Jones.