Licence to kill
Des clubs qui achètent leur place dans les compétitions, certains qui se délocalisent, et d'autres encore qui se sabordent: le football autrichien préfigure-t-il ce qui attend l'Europe?
Auteur : Toni Turek
le 25 Jan 2008
Après l’achat de la place en deuxième division du club de Murcie par le club de Grenade (lire les CdF #37 "Délocalisations: bientôt le tour des clubs?"), c’est au tour de l’Autriche de se singulariser, avec la disparition volontaire d’un de ses clubs professionnels.
Lors d’une assemblée générale extraordinaire, organisée lundi dernier, a été en effet entérinée officiellement la vente de la licence du club de football du SC Schwanenstadt - un des douze clubs de la deuxième division autrichienne. Cette licence a été récupérée par le groupe Sport Management International, une filiale du groupe Magna géré par Frank Stronach, l’actuel mécène de l’Austria de Vienne. Pourquoi cette cession?
« bet-at-home.com Arena »
Côté acheteur d’abord, Stronach veut mettre en place son propre club de football, une Tiger-Team où il pourrait faire venir et faire jouer de jeunes joueurs autrichiens – en particulier ceux de la réserve de l’Austria de Vienne. En effet, actuellement dans les clubs pros d’Autriche, la priorité est plutôt donnée aux trentenaires et aux étrangers, ce qui implique que les jeunes talentueux ont du mal à percer au haut niveau dans leur propre pays.
Côté vendeur ensuite. Le club de Schwanenstadt ne parvient pas à s’en sortir financièrement: pas assez de spectateurs, des coûts trop élevés – en particulier la saison dernière, où les primes versées aux joueurs ont augmenté lorsque le club a fini deuxième. Or, le club de Haute-Autriche a déjà vendu le nom de son stade et même son propre nom (devenus respectivement la "bet-at-home.com Arena" et le "SCS bet-at-home.com"), et les sources de ressources deviennent toujours plus rares.
Avec la licence de Schwanenstadt, Stronach va reprendre le SV Wienerberger 1921. Ce club viennois de troisième division, actuellement onzième (sur seize) et plus proche de la descente que de la montée, devrait ainsi monter à l’échelon supérieur, sans l’avoir sportivement mérité. Pourtant, le président de la FIFA Sepp Blatter s’est récemment prononcé contre ce genre de manipulation, et la circulaire FIFA n°1132 devrait empêcher la valse des licences qui permet les passages de clubs en division supérieure – ceux-ci devant être acquis par le biais sportif uniquement (1). Mais aux dernières nouvelles, cette décision ne sera applicable en Autriche qu’à partir du 15 mars prochain, ce qui place Stronach dans une situation tout à fait favorable pour concrétiser son projet.
Rage against the Pasching
Ce n’est pas la toute première fois qu’une cession de licence se produit au pays de Mozart. Déjà l’an dernier, Franz Grad, le président du FC Superfund Pasching, avait décidé de mettre un terme à l’aventure professionnelle de son club. Sportivement, tout allait pourtant très bien pour cette autre formation de Haute-Autriche. Depuis son accession en Bundesliga acquise à l’été 2002, elle avait fini une fois demi-finaliste de la coupe nationale, et toujours terminé entre les troisième et cinquième places (sur les dix que compte l’élite autrichienne), ayant ainsi pu disputer quelques matches en Coupe UEFA.
Cependant, financièrement, le compte n’y était pas tout à fait: en particulier, le nombre de spectateurs accueillis au Waldstadion était l’un des plus faibles de l’élite. Par ailleurs, Grad était lassé par les moult problèmes ayant pourri la Bundesliga lors de la saison passée – tels les rocambolesques épisodes des cinq retraits de points infligés aux clubs de Graz.
Conséquence de ce ras-le-bol présidentiel: en mai 2007, le club de Pasching a été officiellement déménagé en Carinthie, à Klagenfurt, où l’Austria Kärnten a vu le jour, et ce alors même que la ville avait déjà un club de foot, le FC Kärnten (deuxième division). Et lors de l’été 2007, le club de la SPG Pasching/Wallern a débuté son existence en Landesliga-West, dans l’anonymat des abysses du football autrichien, sans la quasi-totalité de ses joueurs de l’élite, partis alors jouer sous d’autres couleurs. Une différence néanmoins entre les cas de Pasching et Schwanenstadt: avant la cession de la licence par le club de Pasching, l’Austria Kärnten n’existait pas, alors que le club viennois que Stronach reprend existe bel et bien.
No future ?
Quel futur pour Schwanenstadt? Après trois petites années en deuxième division, l’ère du foot professionnel y sera finie à la fin de la présente saison, mais la suite demeure incertaine. Sont évoqués un nouveau départ au plus bas niveau et un hypothétique partenariat avec un club de troisième division. Quel que soit le choix effectué, le foot de haut niveau en Haute-Autriche ne sera en tout cas plus représenté que par les clubs du LASK Linz et du SV Ried.
Surtout, avec la disparition du SC Schwanenstadt dans sa forme actuelle, c’est le sixième club autrichien qui quitte le foot professionnel en moins de trois ans sur des faits non purement sportifs…
Quant au nouveau club qui va se mettre en place grâce à Stronach, rien ne garantit qu'il soit sportivement viable. Il suffit de considérer le cas del'Austria Kärnten : après huit mois d'existence, le club carinthien est la plus mauvaise attaque etla plus mauvaise défense de la Bundesliga. Lanterne rouge, il va devoir lutter jusqu'au bout pour sauversa place dans l'élite.
(1) Lire le document (PDF) de la FIFA.