Fred débouche
Le grand attaquant attendu à Lyon ne viendra pas du marché des transferts, mais naîtra plus sûrement du terrain...
Auteur : Erwann Mingam
le 28 Sept 2006
Depuis plusieurs années, et le départ de Sonny Anderson pour Villareal, Jean-Michel Aulas traque un attaquant de classe mondiale. À chaque mercato, l’annonce d’un buteur fuoriclasse transpire de Tola-Vologe. On pressent Santa Cruz, Drogba, Trezeguet. Mais aucun Ronaldo, aucun Van Nistelrooy, aucun Luca Toni, n’a encore posé ses valises à Gerland.
Le deuil d'Anderson
L'ombre de Sonny Anderson, seul goleador patenté qui soit passé par l'OL des grandes années, continue donc de planer. Certains observateurs attribuent hâtivement à cette vaine quête du Soulier d’or les échecs récurrents de l’OL en quarts de finale de Ligue des champions. L’exemple-type serait l’élimination contre le Milan AC, au printemps 2006: la tentation fut en effet grande de résumer l’épisode à la présence, d’un côté de Pippo Inzaghi, et à l’absence, de l’autre, d’un attaquant de ce calibre – ce qui relevait d’une analyse pour le moins simpliste.
Mais le fait est que l’OL guette toujours l’oiseau rare. Il crut le tenir avec Giovane Elber, dont la plantade lyonnaise tint au moins autant à des jambes en capilotade qu’à une différence de niveau défensif de plus en plus avérée entre la Bundesliga et la L1. Il expédia à l’OM Peguy Luyindula, dont l’histoire dira un jour s’il fut un formidable gâchis ou un énorme canular. Il l’annonça avec Nilmar, finalement trop tendre et renvoyé au Brésil. Il se pâma pour Carew, exemplaire à ses débuts, mais durablement en deçà de ses possibilités par la suite. Au point qu’on pourrait finir par se demander si le retour annoncé d’Anderson est bien destiné au staff et non au terrain.
Un grand coup contre le Real
Mais il y a Fred. Il était arrivé dans une semi discrétion, au cours du marché des transferts 2005, à peu près inconnu en France. Pas de quoi crier au nouveau Chevtchenko. Il réalise quelques jolies prouesses, mais demeure tributaire du turnover avec Carew, qu’il double. Il est pourtant retenu pour le Mondial 2006 par Parreira, et y inscrit un but opportuniste au premier tour. Face au Real Madrid, il vient de frapper un grand coup, en anticipant d’entrée une ouverture chirurgicale de Juninho, clouant Cannavaro sur place et lobant Casillas d’un maître plat du pied. Le reste du match est à l’avenant pour lui, puisqu’il crée danger sur danger et est dans le coup sur le but de Tiago.
Samedi, face à Lille, il a ébloui et écœuré les défenseurs nordistes. Contrôle de la poitrine, talonnade en no-look-pass dans la course de Juninho, but. Centre fusant d’Abidal, but. Ouverture rectiligne de Juninho, but. Il n’oublie jamais de remercier son passeur. Dunga, venu en France pour y superviser ses Auriverde, le retient désormais dans un groupe où ne figurent ni Ronaldo, ni Adriano.
Fred n’a que vingt-trois ans, et semble avoir terminé sa période d’adaptation, au point que Gerland l’a totalement adopté. Il n’est certes pas un monstre physique, et demeure largement perfectible, mais il présente d’indéniables qualités d’attaque : placement, opportunisme, vivacité, que ne gâche aucun excès d’individualisme. Il est de plus en plus difficile de nier qu’il appartient à la catégorie des grands avants-centres, ceux qui changent le cours d’un match sur leur seul ballon tout juste exploitable. Les partisans de l’achat d’un buteur hors norme pour la Champion’s League peuvent se la mettre sur l’oreille pour quelque temps, et Aulas focaliser sur le renouvellement des postes "vieillissants" (gardien de but ou ailier droit). Son attaquant de classe mondiale pour les années à venir, il le tient.