Un peu plus loin sur la droite
Quand Lilian Thuram invite des sans-papiers au Stade de France, des élus de droite profitent de l'occasion pour fustiger l'attitude du défenseur...
Auteur : Eugène Santa
le 8 Sept 2006
Un bon footballeur est un footballeur de droite, dont les opinions politiques se limitent à la critique de la fiscalité française. C’est probablement ce que doivent penser les caciques de l’UMP (avec Philippe De Villiers en guest-star) qui n’ont visiblement pas goûté l’initiative de Lilian Thuram.
Mercredi soir, le néo-Barcelonais a en effet invité au Stade de France quelques dizaines de sans-papiers de l’ex-squat de Cachan, à l’occasion du match contre l’Italie, histoire de leur offrir quelques minutes de bonheur après les rudes semaines qu'ils viennent de passer. Nos élus de la République n'ont pas apprécié le geste, et l'ont fait savoir. Avec une bonne foi et une franchise confondantes...
Yves Jégo (député UMP et ami de Nicolas Sarkozy)
> "Quel message donne-t-on aux Français de dire qu'en gros ceux qui ont fraudé, qui n'ont pas respecté la loi se voient en quelque sorte récompensés" (1).
Probablement le même que celui qu’Alain Juppé, à nouveau maire de Bordeaux depuis le début de la semaine, donne aux citoyens français après avoir été condamné à une peine d’inéligibilité dans l’affaire des emplois fictifs du RPR. Rappelons par ailleurs que Nicolas Sarkozy aurait pour sa part décidé de "récompenser" le repris de justesse en lui octroyant un poste de président de l’assemblée nationale, dans l’hypothèse de son élection en 2007 (source: Libération). Selon que l'on est puissant ou misérable...
> "La politique, ce n'est pas seulement la médiatisation. Et d'instrumentaliser des gens en difficulté pour mener des combats politiques, ça ne me semble pas très digne".
On ne sait toujours pas, à l’heure qu’il est, si Yves Jégo a été exclu de l’UMP pour cette critique explicite envers la ligne politique menée par le président de son parti, qui instrumentalise depuis de longs mois les immigrés pour grignoter des parts de marché au Front National.
> "Ce qui est dommage, c'est que de grands sportifs ainsi deviennent de petits porte-parole du Parti socialiste"
En revanche, il semble tout à fait admirable, pour Yves Jégo, que d’aussi grands artistes que Doc Gynéco ou Johnny Halliday deviennent les porte-parole de l’UMP, comme l’a démontré leur soutien à Nicolas Sarkozy lors de la dernière université d’été du parti conservateur.
Jean-François Lamour (ministre UMP des sports)
> "Les joueurs sont libres d'inviter qui ils veulent. Je tiens simplement à dire à la Fédération française de football qu'elle soit vigilante à ce qu'un match de l'équipe de France ne soit pas instrumentalisé".
En refusant, par exemple, que les élus de la République profitent d'une rencontre de football pour faire leur publicité, passer à la télévision, serrer les mains des héros du peuple et se faire offrir des maillots floqués à leurs nom? Ou que l'équipe de France soit reçue à l'Elysée par le chef de l'Etat?
Philippe de Villiers (minorité ethnique)
> "Il est toujours curieux de voir des milliardaires donner des leçons à la société".
Il est également curieux de lire une telle diatribe anti-milliardaires de la part d’un ex-colistier, aux élections européennes de 1994, de Jimmy Goldsmith: l’homme d’affaires anglais a passé sa vie à engranger des fortunes colossales en achetant et revendant diverses entreprises durant toute sa carrière. Manifestement, les "milliards" accumulés en tapant dans un ballon semblent moins respectables, aux yeux du président du MPF, que ceux emmagasinés par un requin de la finance. Il faut dire également qu’au contraire de Jimmy Goldsmith il y a dix ans, Lilian Thuram n’a pas décidé de financer la future campagne électorale du président du conseil général de la Vendée.
> "Les footballeurs sont faits pour jouer au football"
En tant que citoyens, ils sont aussi fait pour donner leur opinion. Et en tant qu’hommes, ils ont le droit d’avoir du coeur. À moins, évidemment, que Philippe de Villiers considère que les footballeurs ne sont ni vraiment des citoyens, ni vraiment des hommes. Un peu comme il considère les sans-papiers, finalement.
(1) Toutes les citations sont tirées de dépêches de l’Associated Press.