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Le football n'est plus un sport viril

Ou alors, plus du tout selon la tradition. Décryptage d’une publicité pour amateurs de foot au téléphone...
Auteur : Sylvain Zorzin le 26 Juin 2006

 

Il n’y a pas si longtemps, il était facile de rire des publicités diffusées à l’occasion des matches de football. A grand renfort de rasoirs pour hommes poilus et de gros avions passant facilement le mach3, le foot conservait son image "virile" – un mot qui, à vrai dire, ne veut pas dire grand-chose, mais qu’on associe facilement à cet homme à femmes qui aime la vitesse vroum et les boissons fortes.
Avec sa publicité pour ses téléphones mobiles dotés de la technologie 3G (possibilité de recevoir de la vidéo, donc des résumés de rencontres, buts marqués, etc.), la marque SFR opère un spectaculaire renversement des valeurs. 3G? Il suffira de dire qu’il s’agit du spot dans lequel une vingtaine d’hommes abandonnent leur compagne pour se réfugier aux toilettes et assister, sur leur téléphone portable, à un but de l’équipe de France. Là ça fait tilt, forcément. Cette publicité, donc.

Des hommes se retrouvant autour du football pour célébrer leur sport, on pourrait croire que la virilité, telle qu’entendue jusqu’à présent, a de beaux jours devant elle. Il semblerait que ce soit tout le contraire.


Le téléphone pleure (de joie)

Reprenons depuis le début. Des couples dans un restaurant chic. L’un d’entre eux est à table. L’homme suit la rencontre sur son téléphone, à l’insu de son amie, et s’éclipse lors d’une attaque de l’équipe de France. Le ressort comique consiste dans le fait que chaque compagnon a fait de même, dès lors la vingtaine d’hommes présents dans le restaurant peuvent exulter ensemble aux toilettes, tandis que les Bleus inscrivent un but.

Avant de s’intéresser à cette vie secrète dans les toilettes du restaurant, observons d’abord ce premier monde: la salle à manger. Le téléspectateur distrait aura remarqué que la jeune femme principale est jolie et blonde. Mais il suffit d’être un peu plus attentif pour remarquer quelque chose de bien plus curieux: toutes les femmes présentes dans ce restaurant sont blondes. Les coiffures changent – frisées ou lisses – mais le fait est que, au gré des différents mouvements de caméras, on découvre un monde de poupées, toutes identiques, toutes interchangeables. Un monde faux, un peu plus figé par le rôle de représentation attribué aux jolies blondes, bêtes et toc. La différence saute aux yeux quand on observe les hommes dans la dernière scène: décontractés ou tendus, cheveux bruns ou gris, habillés ou débraillés, vieux et jeunes, c’est un univers à l’opposé qui s’agite là, vivant et vrai. Par conséquent, lorsque l’homme quitte cette salle, il n’est plus le fou de vitesse qui aligne les conquêtes (publicités pour les rasoirs, etc.): il est un homme qui n’aime pas les femmes. D’ailleurs, celle-ci, loin de souligner la douceur de ses joues ou de son torse, le dérange pendant sa rencontre sportive et l’empêche de suivre ce match capital.

Regardons maintenant la seconde scène. Une grosse quinzaine d’hommes se retrouvent donc aux toilettes pour, ensemble, chacun sur son téléphone, suivre l’attaque et le but de l’équipe de France. Le but est l’occasion d’une joie collective. Il y a d’abord des embrassades, avec, évidemment, ces deux hommes qui se regardent étrangement après s’être serrés dans les bras. Nouveau ressort humoristique: ce contact pourrait être interprété comme un signe d’homosexualité alors que pas du tout, etc. Il y a, ensuite, cet homme en caleçon, qui, afin de partager avec les autres ce moment de plaisir, sort des toilettes. Ce qu’on pourrait là aussi prendre pour un effet comique – du genre pipi-caca, même si seule cette dernière hypothèse est concernée – est quand même l’irruption d’un homme nu peu de temps auparavant dans une pièce garnie d’hommes.


« Loin de l’homme "viril", c’est donc un amateur de football qui assume ses penchants homosexuels que nous présente SFR »


Un brin de toilette

Et puis quand même, reste cette question: pourquoi se sont-ils tous réunis aux toilettes? Une question tout sauf anodine. Ils auraient pu en effet se retrouver à l’extérieur, dans un couloir, dans les cuisines – si l’on avait recherché un effet comique, une dizaine d’endroits auraient pu être prétexte à gags. Mais le choix des toilettes n’est pas un hasard.

Si l’on creuse – à peine – dans l’inconscient collectif et culturel, on se souvient très facilement que les toilettes sont un lieu éminemment féminin. Nombre de films – citons par exemple le drôle Allumeuses, avec Cameron Diaz, film de nanas s’il en est – reprennent cette situation que tout habitué des night-clubs pourra confirmer: les WC sont un lieu de maquillage, de papotage, de vie pour ces dames (et ce n’est pas une caricature, c’est simplement vrai). Or ici, ce lieu féminin est récupéré par des hommes. Et c’est dans le restaurant, lieu de boisson, donc jusque là masculin, que restent les femmes. Un changement de perspective bluffant.

Loin de l’homme "viril", c’est donc un amateur de football qui assume ses penchants homosexuels que nous présente SFR. Lorsqu’on sait que les publicitaires, loin de créer les tendances, ne font que les épouser pour pousser à la consommation un groupe déjà identifié, on ne peut que prendre acte de cette étonnante transformation. Considéré par certains comme le dernier rempart de l’homme macho, il semblerait au contraire que le football suive la piste du rugby, où coming out et calendriers gays deviennent la norme. Différentes publicités avaient déjà franchi le pas (lire les Cahiers n°26). Reste à savoir si cette tendance sera contestée, ou si, entérinée définitivement, elle augure d’une profonde remise en cause culturelle.

Réactions

  • Cush le 26/06/2006 à 17h31
    Gobi

    [mode mon analyse à moi je me lance On]

    Je connais mal les exemples que tu cites (sauf un peu Ally MacBeal), mais il me semble qu’ils sont tous assez récents. Donc c’est normal qu’ils reflètent à peu près la même chose que la pub analysée.

    Oui les hommes vont aux toilettes aussi, mais ce n’est pas ça le fait intéressant dans la pub SFR. Ici, ils y vont pour se cacher. Le macho moyen qui constituait la majorité des amateurs de foot il n’y a pas si longtemps ne ressentait pas le besoin de se cacher pour aller faire quelque chose que sa douce et promise aurait pu condamner (sous-entendu : elle a de l’autorité et du pouvoir). Il s'en foutait.

    Mais l’espace public se féminise, ou plus exactement, la frontière s'estompe : de la même manière qu’aller discuter aux toilettes était pour les femmes un moyen d’échapper à l’autorité masculine, de la même manière que fumer aux toilettes entre copains permet d’échapper à l’autorité du pion, c’est pour les hommes de cette pub un moyen d’échapper à l’autorité de leur compagne, et ça souligne bien une modification dans la société, dans le comportement du fan de foot et dans sa relation aux femmes.

    CQFD
    ;-)


  • Cush le 26/06/2006 à 17h33
    j'oubliais: tout à fait d'accord avec toi sur la tendance à tout "homosexualiser"

  • Brunouf Basto le 26/06/2006 à 17h47
    Comme quoi, cet article semble un peu plus profond que ce que certains voudraient penser. En tout cas, la modification du sens de la vie masculine prête à débattre.

    Il Brutto, il va de soi que le mec prétexte un coup de fil du boulot pour s'éclipser aux chiottes. Je le vois mal dire à sa compagne : "Excuse-moi, chérie, mon téléphone sonne, il est l'heure pour moi d'aller pisser un bol".

  • eskimo le 26/06/2006 à 17h51
    on peut aussi en faire une analyse sociologique : on a là des cadres (cf leurs tenues vestimentaires), qui sont dans un resto chic, avec des téléphones 3G avec des couts d'abonnement exorbitant, et qui travaillent trop, du coup ils sont obligés de prendre sur le temps des matchs pour sortir leur nana,

    et ils ne peuvent lui avouer leur pencgant pour ce sport honni car en france le foot reste un sport populaire, et ils ont mauvaise conscience, comme quand on fait caca quand on est petit (d'où le choix des toilettes pour symboliser cette mauvaise conscience)

    et puis paf le but, cet instant de communion comme dans un vrai stade en tribune populaire on s'embrasse et tout et tout, et puis repaf les convenances refont leur apparition, on ne se comporte pas ainsi entre gens bien élevés

    (d'ailleurs les convenances sont un leitmotiv de cette pub : après le second coup de fil notre héros fait une mine du genre "ils pourraient mettre des autocollants antiporable comme dans les TGV")

    bref cette pub c'est le fantasme des cadres d'une communion entre hommes comme quand on était pauvre dans les tribunes populaires, et SFR le petit magicien qui leur fait réaliser leur rêve, furtivement car la gêne s'empare à nouveau rapidement d'eux

  • Gobi le 26/06/2006 à 17h54
    Je suis sérieux juste cinq minutes... Après promis je redeviens marseillais.

    Premier point "l'Auteur" explique que l'homme n'aime pas les femmes, puisque toutes les "poupées" en rade dans le restaurant sont des pauv' blondes stéréotypées, qui ne pensent qu'a recevoir des bagues de fiançailles dans des restaurant chic en période de mondial... Aïe déjà là j'ai mâle... Alors que ce monde de blonde sonne creux, celui des hommes aux toilettes, loin des ces monstrueuses créatures, lui est vrai vivant et heureux, il exhulte en cachette... Ses hommes aux cheveux gris en costumes de bonnes factures...

    Moi qui suis simplement "the average guy", j'y ai juste vu une ribambelle de cadres quarantenaires, avec les moyens de se payer l'option foot 3G afin de rester frais et macho en toutes occasions, (on va pas se laisser emmerder par une blonde un soir de match) exhultants, entre mecs, comme au stade, avec d'autres supporters (qu'on ne reconnaitra pas le lundi suivant chez Auchan), "qui saute pas n'est pas lyonnais", c'est connu ! le temps d'une belle action... Dans les toilettes pour hommes où les femmes ne sont généralement pas admises. Un peu à l'instar d'un Andy Capp, qui rentre bourré le soir et trouve une excuse bidon pour pas que bobonne l'emmerde avec son rouleau...
    Je vois pas la fémminisation et le modernisme démachisant de l'homme actuel dans tout ça...

    Mes oncles, rentraient déjà bourrés du stade avec la laine du chandail pas fraîche il y a 30 ans...


    Enfin bref, la nalyse sémio je pense qu'on peut l'arreter à :
    salle de restaurant = vie quotidienne ("excuse-moi c'est le boulot") et toilettes = stade de toof... (le seul endroit au monde où on se frappe torse contre torse avec un mec qu'on connait pas et qui sent plus la sueur que soi)

    Donc grace au portable t'es comme au stade même à la Tour d'Argent... On à pas le même abonnement mais on a la même passion !
    Message direct quoi... Zero Freu


    J'y ai pas vu la fin du macho et l'homosexualisation du supporter, perso... mais chacun son Freud...

  • Gobi le 26/06/2006 à 17h56
    eskimo - lundi 26 juin 2006 - 17h51

    Tu permets qu'on se tape le torse eskimo ?

  • La meute de sphinx le 26/06/2006 à 18h23
    Ce qui m'avais choqué dans cette pub c'est un passage que vous mentionnez d'ailleurs : Le moment où juste après l'embrassade, les 2 mecs se regardent d'un air condescendant, l'air de dire: "t'es qui toi reprend tes distances".
    Cette scène accédite bien ce que pensent beaucoup de gens : Le foot rassemble ? c'est une impression, ça ne dure que le temps d'une euphorie collective, le temps d'un but, d'une coupe du monde, de la merde aux yeux...Le football n'a aucun effet positif à long terme, ne soude pas les gens, ne favorise pas de vraies rencontres. juste le temps de faire semblant, et puis plouf, le même effet que l'alcool : Une euphorie j'aime tout le monde le temps d'un moment, mais passé ce moment, rien n'a changé, et les gens sont toujours aussi bêtes et méchants, et détestent leurs voisins.

    Cette pub via ce moment précis remet en cause le rôle social que le football doit jouer dans notre société, et auquel personnellement je crois.

  • Jon-Dahl Tomasson le 26/06/2006 à 19h30
    C'est une pâle copie d'une chronique de Catherine Siguret chez Morandini (sur Direct8).
    Et pour oser copier du Catherine Siguret, il faut en avoir !! (je défie quiconque de lire un de ses livres sans avoir une envie de meurtre et/ou de vomir).

    Et définitivement, non : les seuls enc.... qu'on puisse trouver sur les terrains de foot, ce sont les arbitres, et les dégagements des gardiens de buts.

    Le monde du football est justement l'un des derniers bastions anti-homosexuels de notre société, où le simple mot est tabou.
    Aucun joueur n'a fait de coming-out, le seul à ma connaissance à l'avoir fait était John Fashanu, ce qui l'a conduit d'ailleurs à sa mort (fait divers horrible, il a été accusé à tort d'avoir violé un enfant et s'est suicidé).
    Le footeux professionnel est aujourd'hui proche de la caricature du rappeur américain (compagnes mannequins siliconnées, grosse bagnole qui brille, fringues top fashion mauvais goût, maisons démesurées...)

  • Gobi le 26/06/2006 à 19h38
    En même temps la sexualité des footballeurs... On s'en fout vraiment !
    Et savoir si le foot est un sport de macho, à peu près autant..
    Je suis marié avec une femme mezza italiana... Il n'est pas question de lui faire rater un match de la squadra...
    Qui est macho ?

    Je dis, dis leur merde aux clichés !

  • bertouille le 26/06/2006 à 20h51
    Deux remarques :
    - sur le développement du caractère homosexuel du foot, je pense que les pubs Dolce et Gabbana avec les cinq internationaux italiens est très explicite.
    - sur le fait que les commerciaux de SFR n'ont sans doute pas anticipé cette analyse, ça me fait penser à la pub de Bouygues Telecom où des scènes (dont une avec Tony Parker) se dématérialisaient en petits cubes, ce qui était assez angoissant : les gens disparaissaient et ne revenaient jamais.

    Mais on s'éloigne un peu du sujet...

La revue des Cahiers du football