Mercredi des cendres
Hier, Francis Graille, arborant son habituelle tête de carême, a coupé les vivres à Coach Vahid. Pour le PSG, c'est désormais le péril jeûne.
Auteur : Albert Lombre
le 9 Fev 2005
Le Paris SG est en crise. Rien de très neuf. Sauf que cette fois, une tête est tombée et une nouvelle est apparue. Exit donc Vahid Halilhodzic, bonne chance à Laurent Fournier. "J'ai été amené à prendre une décision grave et difficile pour moi puisque c'est un ami dont j'ai dû me séparer, a déclaré hier Francis Graille mais dans l'intérêt supérieur du club, il fallait qu'on en passe par là", a-t-il ajouté. Pour succéder à Coach Vahid, le président du club a donc opté pour la solution interne, la moins onéreuse aussi, et intronisé Laurent Fournier, dit Lolo, jusqu’ici entraîneur de l’équipe réserve. À quarante ans, cet ancien du club, revenu à la maison mère l’année passée en succédant à Antoine Kombouaré à la tête de la réserve, est lancé dans le grand bain. "Quand le président Graille m'a appelé, j'ai d'abord pris le temps de réfléchir, a expliqué Fournier. Je prends quand même un risque". Tu m’étonnes. Comment compte s’y prendre cet ancien joueur du club à l’expérience d’entraîneur (Bastia Pacy sur Eure et l’équipe CFA) limitée? "En redonnant confiance aux joueurs, on est capable de faire quelque chose de bien. On va essayer de retrouver une certaine convivialité, de retrouver une âme. Mais les joueurs doivent eux aussi peut-être se remettre en question. J'ai beaucoup d'espoir". Loin de dévaloriser à l'avance l’ancien international (trois sélections), son passage à la classe supérieure ressemble surtout à une solution transitoire. Graille ne dit d’ailleurs pas autre chose : "Laurent est sous contrat avec nous jusqu'à la fin de la saison, mais j'ai d'ores et déjà demandé que soit envisagée une prolongation de deux ans. Maintenant, il faut être franc, on fera le point fin mai début juin". Trois mois durant lesquels les dirigeants parisiens vont chercher l’oiseau rare, dont il se murmure qu’il a fait son nid à Lyon depuis trois ans. Voilà pour la forme, pour l’actu. Francis, un ami qui vous veut du bien Reste le fond. Et là, c’est plus sombre. Bien sûr, Coach Vahid voyait le mal partout, n’épargnait personne — à part peut-être lui-même — de ses critiques, jusqu’aux supporters qu’il accusa d’être des marionnettes. L’homme s’enfonçait dans ce qui de loin semblait bien être une petite parano, chassant les taupes avec un filet à papillons. Victime du syndrome Luis, il ne faisait plus confiance à personne et semblait vouloir tout diriger seul. L’ancien canari était peut-être cuit. Pourtant, son licenciement, puisqu'il ne s’agit pas d’autre chose, peut apparaître aussi brutal que maladroit. Une sortie par l’escalier de service, au terme d’une intrigue digne d’un épisode des Cordier, juges et flics. Comme souvent, ça a commencé par une non-annonce au soir de la débâcle de Lens: "Aucune décision ne sera prise dans la semaine", s’était empressé de dire son "ami" et président Francis. S’il devait tâter du couperet, ce serait après Bordeaux, au terme du "match de l’année" des Parisiens. Dans ce petit monde où la langue officielle est souvent de bois, était-ce les prémices d’une dissolution annoncée? Ce ne serait pas la première fois. Les exemples de présidents affirmant qu’ils ne comptent rien faire "à chaud" laissaient effectivement présager que le bûcher du sorcier était déjà prêt. Il n’empêche, Francis Graille avait prouvé, jusque-là, sa fidélité à son ami, au point d’être accusé d’entêtement par les uns, de trouillardise par les autres (il faut un certain courage pour se retrouver seul face à Coach Vahid pour lui annoncer qu’il est viré), d’optimisme béat par les derniers. Finalement, il l’a reçu, cinq minutes nous dit-on pour lui annoncer "la fin de leur collaboration". Halilhodzic était accompagné de Diane, son épouse, et de Gérard Salouze, son conseiller et homme à tout faire, qui est à Vahid ce que Bernardo est à Zorro. Ils sont ressortis fâchés, semble-t-il: "le contrat de Vahid est suspendu jusqu'à nouvel ordre. Une procédure est entamée et je vous demanderai de ne pas me questionner sur la procédure en elle-même, puisque je souhaite quand même garantir le respect des deux parties", a expliqué Graille. Et le respect, comme l’a dit Déhu il n’y a pas si longtemps, ça se chiffre. Finalement, Francis Graille a fait fi de son beau roman d’amitié. De ses principes aussi un peu. Ne nous confiait-il pas dans le mag (voir CdF n°8, "Paris magique ou Paris tragique?"): "Je ne crois pas qu’un mec qu’on a encensé une année puisse devenir con du jour au lendemain". L'ellipse derrière l'éclipse Et comment expliquer ce revirement en 48 heures? Vraisemblablement par une intervention de la maison mère Canal+, lasse des multiples sujets d’embrouilles autour du club. Bertrand Méheut, son président, était au Parc des princes dimanche (et non, ce n’était pas Woody Allen à côté d’Enrico) et aurait assez mal vécu le climat délétère de la soirée, rapportent les milieux bien informés. Conclusion? "Le club est dans une situation plus que difficile au plan sportif et, plus globalement, le climat général est dégradé", a laconiquement commenté la chaîne mercredi, dans un bref communiqué. Du vécu d’un soir? "Aujourd'hui, l'obsession de Canal+, c'est de remédier à la situation sportive et de restaurer un climat de confiance entre toutes les parties prenantes (dirigeants, joueurs, supporteurs). Cette obsession est partagée par Francis Graille, le président du club", ajoute la missive. Plus par Vahid Halilhodzic? Le coach Bosniaque responsable de tous les maux du PSG? Un peu rude non? Un truc à rentrer chez soi pour vomir. Et puis il y aurait cette "fronde" des joueurs rapportée par un quotidien de l’Ile-de-France, jamais en reste de révélations choc. Des joueurs qui auraient refusé la mise au vert proposée par Vahid (fait démenti par le club). Attendons "l’enquête", sans doute pour demain, sur "les dessous d’un putsch" (le titre probable). On peut néanmoins reconnaître que le soutien des joueurs après la défaite de dimanche n’était pas franc et massif. "Quoi qu'on en dise, Vahid Halilhodzic est un personnage du football français. Il imposait beaucoup par sa présence et son charisme. Il aurait pu changer certaines choses de lui-même mais il a cru en son système jusqu'au bout. Il est 'mort' avec ses idées", a tenu à préciser le capitaine José Pierre-Fanfan. Curieuse homélie. De Déhu à Heinze en glissant jusqu’à Fiorèse, les anciens ne s’étaient en tout cas pas privés de stigmatiser, pour rester poli, tant la méthode que Vahid lui même. Alors, la jurisprudence Landreau a-t-elle frappé? Graille en première ligne (de mire) Enfin, l’éviction de Vahid Halilhodzic sonne comme un avertissement fort adressé à l’endroit ou à l’envers de Francis Graille. "Les autres questions à propos du club sont en suspens. Elles seront abordées ultérieurement, à froid, dès lors que la situation du club sera stabilisée", explique encore la chaîne. Autrement dit, l’entrée dans le capital de Francis Graille et Alain Cayzac (34%) qui devait (enfin) être officialisée vendredi est bel et bien reportée. "Mon rôle n'a de sens que si je rentre dans le capital du club", s’est défendu Francis Graille au Camp des Loges. Il ajoute: "il y a eu des reports nombreux, excessifs, à cette entrée mais il n'y a pas une feuille de cigarette entre moi et Bertrand sur le contenu du contrat. Il n'y a plus qu'à mettre des signatures au bas de la page". Raison de plus pourquoi le reporter? Canal+ et Bertrand Méheut ne cachent plus leur désir de plaquer, à plus moins court terme, une danseuse aussi capricieuse que dépensière. Bertrand Méheut, déjà marron de 600 millions d’euros annuels pour diffuser la Ligue 1, va commencer à faire causer chez Vivendi. Méheut limite nervous breakdown hier. On le comprend: Laurent Perpère sortait de chez les juges, entendu dans le cadre de "l’affaire des transferts", le sociologue Patrick Mignon était nommé pour mener les débats avec les supporters et la FFF planchait sur le huis clos du PSG... Cette fois c'est sûr, Paris est surtout tragique.