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Fleur bleue

La page se tourne, le livre se ferme, et la bibliothèque nous tombe sur la gueule... Récit subjectif d'une histoire d'amour avec l'équipe de France.

Auteur : Pierre Martini le 23 Août 2004

 

 

Je n'ai pas vu les ralentis du but de Charisteas. Il y avait une forêt de bras levés entre moi et l'écran géant, et quelques visages qui se tournaient vers moi avec un regard rigolard. "Si on m'avait dit"... que je verrais, en Grèce, la Grèce sortir la France en quart de finale de l'Euro, je n'aurais pas signé. C'est pas que ça gâche les vacances, mais un peu quand même.

 

Le lendemain, j'ai vu un coq dans un champ, en plein cagnard, qui poussait des cocoricos comme un forcené au milieu de l'après-midi, avec l'air de penser que c'était l'heure de réveiller tout le monde. J'étais un peu comme lui, je continuais à croire que Henry ou Lizarazu allaient finir par égaliser, que la prolongation était en cours et que tout allait bien tourner.

 

La belle bleue

Quand j'ai rencontré l'équipe de France, elle était une jeune fille qui portait des maillots moulants et des shorts courts, j'étais un garçon qui détestait ses bermudas. Elle sortait le soir à l'heure où j'allais me coucher, elle partait en Argentine quand j'allais en colo. Plus tard, alors qu'elle faisait la route en Espagne, j'étais en séjour linguistique en Angleterre. Et tandis qu'elle tombait à Séville, je fondais en larmes, inconsolable, dans le giron généreux de la dame de ma famille d'accueil, un peu effarée.

 

Lors du Mundial mexicain, c'était avec des potes et des bières que je la regardais, sidéré, se faire encore détrousser par une bande d'Allemands sans états d'âme. Il faudra attendre dix ans pour connaître la frustration de France-République tchèque à Manchester, comme seule récompense à ma patience... En dehors de 1984, autant dire que nos relations étaient placées sous le signe de la souffrance amoureuse, sans que mon absolue fidélité n'eut été en rien entamée.

 

Pourtant, je sentais que notre histoire (re-)commencée avec 1996 était placée sous de bien meilleurs augures qu'avec les fausses joies de la génération Papin-Cantona. En tout cas, j'y croyais avec une ferveur intacte, surtout après avoir pris le parti de Jacquet contre le reste du monde. Mais avec cette habitude des défaites cruelles en demi-finales et des fiascos légendaires (j'ai vu les tribunes du Parc des Princes s'écrouler au moment du but de Kostadinov), autant dire que je n'en menais pas large au Stade de France, à la mi-temps de France-Croatie.Les colères de Jacquet dans le vestiaire et de Thuram sur le terrain remirent l'histoire dans le bon sens et l'on sait ce qu'il advint ensuite.

 

Cette année-là, c'était toute une vie de supporter des Bleus qui trouvait enfin son apothéose. Nous avions beau être un million sur les Champs, c'était presque une conquête personnelle. D'ailleurs, passé la place de l'Etoile, je suis vite rentré revoir le match à la maison, pour redoubler le plaisir, en solitaire cette fois. Surtout que les Champs c'était con, j'aurais préféré Bastille.

 

Le tournant du siècle

En 2000, c'était déjà une autre histoire, pas moins forte puisque nous atteignîmes une forme de plénitude, malgré l'hystérie. Seule l'émotion de la première fois avait disparu, mais toutes les autres étaient au rendez-vous. Alors évidemment, en 2002, j'étais déjà partagé entre le rêve d'une continuation et la crainte d'un épilogue. Le rendez-vous fut tellement manqué qu'il eut toute la puissance d'un mauvais songe. Mais il eut aussi sa capacité à se dissiper. "Nous nous sommes tant aimés" avions-nous titré alors, anticipant un peu la fin de l'histoire…

 

Mais l'aventure continuait quand même avec quelques personnages majeurs et ceux qui les avaient rejoints ou avaient acquis un nouveau statut entre-temps. Le retour de flamme était d'autant plus plausible que, la troupe des suiveurs et des opportunistes s'étant clairsemée, nous retrouvions un peu d'intimité bienvenue. Avant le Portugal, la page était vierge, mais on savait que ce serait, d'une façon ou d'une autre, la fin du livre. La façon importerait: elle apporterait, ou non, l'émotion absente du voyage en Asie, elle jetterait sa lumière sur le chemin parcouru.

 

Le bilan fut paradoxal: France-Angleterre fit croire au retour de la légende, mais la suite entretint le marasme avant une sortie en queue de poisson. On vit alors les marchands de papier venir renifler ledit poisson pour mieux l'emballer. Normal pour une génération qui n'avait plus d'autre droit à l'échec et dont on comprit qu'elle avait basculé de l'autre côté de la médaille depuis deux ans.

 

Oraison des plus forts

Difficile de décrire les sentiments ressentis aujourd'hui, des sentiments creusés un peu plus par l'annonce des retraites internationales de Thuram, Lizarazu, Desailly et Zidane… Inutile de se placer dans un des deux camps qui séparent ceux qui n'ont aucun regret — certains allant jusqu'à dire "Bon débarras!" — et ceux qui versent dans la nostalgie et le pessimisme. Bien sûr, nous sommes condamnés à la nostalgie. Toutes les équipes meurent un jour, celle-ci comme les autres. Les souvenirs qu'elle nous laisse sont impérissables… Même s'ils risquent de coûter cher à la relève, comme en attestent les sifflets et les "Zizou, Zizou" stupides qui ont accompagné le match contre la Bosnie.

 

Quant au pessimisme, il est malheureusement de mise si l'on se fie à une loi des cycles qui risque de renvoyer le balancier de l'autre côté. Si la qualité de notre formation et de l'encadrement technique des équipes nationales nous prémunit contre les trous noirs des après-58 ou 86, l'équipe de France va, selon toute probabilité, renouer avec un destin plus ordinaire… Celui, par exemple, des sélections anglaise, espagnole, portugaise, allemande ou néerlandaise de ces dix dernières années, tissé d'échecs plus ou moins glorieux, mais toujours cruels.

 

Notre dernier souvenir de ce genre remonte à l'Euro 96, et il y a des chances que nous devions réapprendre le goût de ces défaites-là. Tout va donc changer autour des Bleus, à commencer par l'atmosphère. La vision de France-Bosnie, indépendamment de considérations sportives un peu vaines en cet instant, a donné une idée assez explicite de ce nouveau départ et des incertitudes qui l'accompagnent.

 

Le bon côté, c'est que ce retour à l'ordinaire va consacrer la fin définitive du carnaval. On parierait que les sponsors et les diffuseurs de la sélection ont déjà commencé à réévaluer avec inquiétude la valeur de leurs placements, et que le Stade de France va être trop grand dans les années à venir. Le mauvais côté, c'est que pour réapprendre à aimer, le chemin sera aussi long que celui qui se présente devant l'équipe de France, désormais à la merci des tireurs à vue et des comparateurs d'incomparable.

 

Ce retour en arrière sera pénible, lui aussi. C'est la tristesse qui l'emporte presque toujours en football, et comme en amour, on paye les bonheurs trop violents. On ne les regrettera pas pour autant, même si les bonheurs à venir, hypothétiques, n'auront jamais le même goût. Bon allez, une dernière larme: je t'ai tant aimée que je pourrai t'aimer encore.

 

Réactions

  • Diagana le 23/08/2004 à 13h22
    Excellent article! Depuis la retraite de zizou et consort je crois que c'est le meilleur que j'ai lu...Jolie style, émotion.....tout y est!

  • harvest le 23/08/2004 à 16h27
    C'est beau comme du Pierre Martini !Finalement on ne remerciera jamais assez les tueurs grecs , catalyseurs funestes d'une si belle oraison funèbre.

  • bcolo le 23/08/2004 à 22h34
    Superbe article auquel je souscris pleinement, et que j'aurais aimé avoir écrit, étant de la même génération et ayant connu à peu près les mêmes émotions que l'auteur. Que certains habitués des forums en prennent de la graine !

  • Double Tokoto le 24/08/2004 à 12h51
    Je me permets cependant une remarque : pas besoin de remonter à 1996 pour évoquer les semi-réussites et les quasi-échecs qui nous attendent : la série est (re)commencée depuis 2002.

    On peut plutôt se demander, pour reprendre la logique de cycle évoquée, si ce ne sont pas les bons gros bides façons éliminations de 1988, 1990 et 1994 qui nous attendent.

    Ayant envie de voir en Domenech le nouveau Michel Hidalgo, je reste néanmoins positif.

    On a en fait 2 scénarios de cycle, suivant le moment où on le fait démarrer :
    OPTIMISTE :
    Lemerre a été le Platini du XXIème siècle
    Santini son Houillier
    Domenech sera son Jacquet
    PESSIMISTE :
    Lemerre a été le H.Michel du XXIème siècle
    Santini son Platini (toussons très fort)
    Domenech sera son Houillier
    Faites vos jeux...

  • DiegoArmandoMaradona le 24/08/2004 à 15h01
    je viens d'écraser une larme :-(

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