Présentons-nous...
Le fil où les petits nouveaux promus sont à l'affiche.
Aulas tique
04/09/2020 à 09h14
Bonjour à tous,
Je fais partie de ces lecteurs silencieux, de ces gens qui vous lisent depuis bien longtemps (une vingtaine d'année je pense) en me disant "Je n'aurais pas trouvé de meilleurs mots" ou "tiens, ce n'est pas bête, ça m'apporte un point de vue que je n'avais pas envisagé".
Autant dire que ma culture personnelle et mes dîners en ville bruissent de vos réflexions. Malgré mes sources diversifiées, j'en reviens toujours à m'enquérir de l'avis des participants aux différents topics de ce forum. Cela va de ce qui concerne le club de mon aorte, son bilan comptable, les dernières émissions d'actions visant à délayer l'actionnariat minoritaire pour le rendre aussi insignifiant que l'apport de Tiago Mendes dans le jeu vers l'avant ou bien l'actualité des séries ou les derniers débats scientifiques.
Je n'avais jamais franchi le pas de l'inscription par humilité, un peu, par procrastination, beaucoup, et par timidité surtout de devoir livrer un bout de moi pour accéder au forum (pas le plus gros heureusement dira ma chère et tendre).
La gestation fut longue mais quelque chose souhaitait sortir et je le partage pour achever de me faire connaitre à vous.
"A noël 2015, j'ai offert à mon père, à mes enfants, à moi, une plaque sur l'"allée des Lumières"qui mène au stade tout neuf de l'OL. Il y a des mots qui apparaissent tels que "famille" et "coeur" sur ce grand carré bleu.
Parce ce que je me suis souvenu, il y a longtemps, de grandes marches en béton et d'une horloge.
Souvenirs de mouvements de foules ou il fallait dévaler ces marches en béton autant pour féter le but que pour ne pas être poussé et tomber sur ces marches en béton.
Souvenirs que ces marches en béton, c'était des tribunes et que nous aurions du être assis mais que nous passions le match debout.
Souvenirs que j'étais là avec mon père qui avait obtenu des places par le comité d'établissement de son travail.
Je me suis souvenu que j'étais fier d'être là avec mon père mais qu'il aurait fallu torturer ma sale tête d'adolescent pour que je fasse mine d'être reconnaissant ou affectueux. Je me souviens qu'on se voyait un week-end sur deux déjà depuis longtemps et que ça n'aide pas.
Je me suis souvenu que je faisais comme si c'était normal d'être debout sur ces marches en béton, comme si je connaissais tous les noms des joueurs alors que je répétais les noms entendus auprès de camarades, comme si j'étais un habitué de ces marches en béton.
Et je sais que mon père faisait aussi comme si. Je sais qu'il aimait le football mais pas autant que bien d'autres. Le foot et mon père, pour moi, c'était la coupe du monde en 1986 à la TV avec sa jambe dans le platre parce qu'il était un piètre footballeur, maladroit aussi et qu'il l'avait payé lors d'un match entre copains.
Je me souviens que ces places obtenus auprès du comité d'établissement de son travail, c'était les seuls places de foot qu'il avait jamais eu. C'était en 1995, j'ai toujours ma place avec le vieux logo OL et on jouait contre la Lazio.
Alors le match retour de coupe d'Europe, je l'avais écouté sur ma petite radio, dans mon lit, en cachette de ma mère, et on avait demandé à quelqu'un de nous l'enregistrer sur une cassette que j'ai toujours (sauf que je n'ai plus de magnétoscope aujourd'hui).
Mon père, il a du aussi écouter le match à la radio, tout seul, chez lui.
On les a éliminé les italiens.
Et puis, après, mon père a acheté des places pour qu'on aille encore sur ces marches en béton parce que cette fois on jouait des anglais avec un nom de dessin animé de Disney, Notthingham Forest. C'était les premières places qu'il ait acheté. J'ai toujours ma place.
Le match aller, chez eux, c'était pas trop mal passé. On n'avait pris qu'un but dans ma radio. Alors, on a passé une soirée d'espoir dans un froid glacial sous l'horloge.
Ils nous ont éliminés les anglais.
Ce n'était pas grave, on avait bien joué, il y avait plein de jeunes lyonnais plein d'avenir, sur ce terrain, appuyés par de vieux briscards. Ils m'ont tant fait vibrer par la suite. J'ai aussi la cassette de la double confrontation. Elle dort aussi dans un carton en attendant que je chine un magnétoscope.
En y repensant, je me suis demandé pourquoi on avait eu ces places, pourquoi on allait dans ce stade, pourquoi on s'était retrouvés sur ces marches en béton? Quand t'es adolescent, il y a des choses qui ne t'apparaissent pas clairement. Trop d'hormones, trop de colères, trop de non-dits et d'absences.
La réponse m'est apparue bien plus tard : parce que c'était un père, qu'il voulait faire quelque chose avec son fils, partager un moment, transmettre un truc, se rapprocher de son fils. Et qu'une fois tous les 15 jours, c'est pas simple.
Il y est arrivé, pourtant, sous cette horloge car on s'est toujours parlé ensuite. Au moins parler de foot, quand on a beaucoup de pudeur, c'est se parler déjà.
Je le sais maintenant que je suis père et que j'ai emmené mon premier au stade, un nouveau stade, sans horloge. Je le sais aujourd'hui parce que je me souviendrai toujours de ces marches en béton et de mon père et moi qui faisions comme si.
Je le sais désormais parce que l'on ne va peut-être plus au stade ensemble depuis longtemps mais l'on n'a surtout plus jamais fait comme si. On a aimé et on aime l'OL même s'il n'y a plus d'horloge et on s'aime avant que le temps fasse son oeuvre.
Voilà, en quelques mots, pourquoi il y a une grande plaque bleue au nom que porte mon père, au nom qu'il m'a donné et que j'ai donné à mes enfants avec les mots "famille" et "coeur" sur cette allée. C'est un message empreint de pudeur pas trés bien cachée d'un jeune père à son propre père, d'un père à ses enfants, d'un supporter à son club."