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12 juillet [3/13]

Troisième épisode. Déjà vingt minutes de jeu dans ce France-Brésil qui semble presque trop facile. Pas de quoi rassurer Fred qui détruit tout ce qui lui tombe sous la main, tandis que Louise observe le manège de Giovanni...

Auteur : Bruno Colombari le 25 Oct 2005

 

TROISIÈME ÉPISODE
* * *

21H20
GIOVANNI

 

Si j’étais parti d’ici, il y a une heure, je serais sans doute mort maintenant. Et je serais peut-être même encore dans ma voiture, le crâne enfoncé contre le pare-brise et le volant encastré dans le thorax. Pas beaucoup de circulation, sur ces routes en temps normal. Alors, le soir de la finale de la coupe du monde...
A la limite, avec un peu de chance, si ma Twingo part dans le ravin, on ne me retrouve que demain matin. Sauf si l’accident déclenche un incendie et que six cents hectares partent en fumée. Personne ne m’attend à Marseille, Fred et Louise vont rester quelques jours ici et ils n’ont pas le téléphone.
C’est un bon moyen pour mesurer combien de gens tiennent à toi, et à quel point: tu te suicides en t’arrangeant pour que le corps ne soit pas facile à retrouver, et tu attends. Bien sûr, une fois mort, tu risques d’attendre longtemps et de ne pas être beaucoup dérangé. Quand la vie t’a quitté, le temps n’existe plus pour toi. C’est toi qui deviens le temps. Et si le temps, c’était la mesure des morts, la distance qui nous sépare d’eux?
Imagine que tu sois là, quelque part, un fantôme, un souffle d’air dans un après-midi de canicule, et que tu observes ce qui se passe.
En théorie, c’est peut-être amusant. Mais si tout le monde s’en fout, que tu ne sois plus là? Certains te regrettent, alors qu’ils n’ont rien fait pour toi quand tu en avais tant besoin, d’autres versent des larmes de crocodile, d’autres remarquent en passant que tu n’as pas fait grand chose de ta vie... Au moins, auras-tu décidé de l’heure de ta mort. La liberté ultime, en quelque sorte.
Allez, il y en aura bien quelques uns qui auront du chagrin, non? Une petite dizaine, ce ne serait déjà pas si mal. Combien de gens j’ai connu depuis ma naissance? Ça dépend ce qu’on appelle connaître. De vue? De nom? Ceux avec qui j’ai échangé quelques mots ne serait-ce qu’une fois? Ceux qui sont en mesure de me reconnaître s’ils me croisent dans la rue? Ça voudrait dire que la connaissance doit être réciproque.
Est-ce que plus de gens te regrettent si tu meurs jeune? En mourant vieux, tu auras le temps de connaître plus de monde, en principe. Mais certains seront morts avant toi. En plus, les regrets sont faits aussi de ce qui n’a pas eu le temps de se vivre. Donc mieux vaut mourir jeune si on veut être regretté. Mouais. J’aimerais en être sûr, quand même.
Louise vient de faire un bond sur sa chaise. Qu’est-ce qui se passe? Les jaunes ont failli marquer un but. C’est celui qu’est chauve, le 9 — Ronaldo, c’est ça? — qui a tiré, ou centré, et l’autre chauve, le gardien français, a arrêté le ballon d’une seule main.
Pourquoi ils se rasent tous le crâne, comme ça? Pour qu’on ne voie pas qu’ils perdent déjà leurs cheveux? Parce qu’ils prennent des trucs pas clairs et qu’il y a comme qui dirait des effets secondaires? A moins qu’ils ne fassent ça à chaque fois qu’ils rencontrent une femme: après tout, je les laisse bien pousser depuis que je suis seul!

* * *

21H25
LOUISE

Que c’est dur, ce soir! Il y a dans l’air une tension terrible. Trop de gens sont là, autour du terrain et devant leur télé, et ils sont tellement sur les nerfs que ça se transmet aux joueurs: Guivarc’h est blême, Ronaldo a l’air complètement perdu, Karembeu est tétanisé dès qu’il touche un ballon, au point de faire n’importe quoi pour s’en débarrasser, comme si ce truc allait le mordre et lui donner la rage.
Le seul qui a l’air de se régaler, c’est Zidane. Jusqu’à aujourd’hui, il a fait un peu n’importe quoi, comme par exemple prendre un défenseur saoudien pour un paillasson au premier tour. Mais ce soir, ses yeux lancent des éclairs, j’ai bien vu pendant les hymnes avant le match. On le sentait assez déterminé pour traverser un mur.
D’ailleurs, les Brésiliens lui donneraient volontiers un maillot jaune et vert. Tout à l’heure, il a réussi un double déhanchement instantané qui a laissé son adversaire assis par terre. Extraordinaire!
C’est fou la quantité de femmes qu’on voit dans les tribunes. Pas les épouses de joueurs, ça c’est pour le showbiz, comme la femme de Karembeu, comment elle s’appelle? Adriana je crois, qui a fait son défilé de mode avant le match. Je te parle de celles qui aiment le sport, qui vont au stade comme on va au concert ou au ciné. Elles apportent quelque chose de différent, c’est sûr. Moins de tension, moins d’agressivité.
Certaines sont très belles, et du coup le spectacle n’est pas que sur l’herbe, il se déplace dans les gradins. Sans parler des types chargés de la sécurité, à l’entrée, qui doivent redoubler de vigilance à la fouille. Tu crois que les joueurs les voient, depuis le terrain? Celles assises dans les dix rangées les plus basses, sûrement, après tout elles ne sont qu’à quelques mètres de la ligne de touche.
Un type, à la FIFA, a dit que dans quelques années, le foot féminin sera plus populaire que celui des mecs. Pourquoi pas? Il sera probablement plus technique et moins brutal, en tout cas. Et je ne sais pas si une attaquante qui vient de marquer un but soulèvera son maillot par dessus la tête, mais si c’est le cas tu peux parier qu’il y aura des ralentis.
Pour l’instant, on se contente de ce qu’on a. Et certains ne sont pas mal du tout: Petit, par exemple, le n°17, c’est le seul à avoir les cheveux longs au milieu de tous ces tondus. J’aime bien David Trezeguet aussi, un peu moins depuis qu’il s’est rasé le crâne pour faire mode. Dommage, il ne joue pas ce soir et à la télé ils ne montrent jamais le banc des remplaçants.
Giovanni a trouvé de quoi s’occuper: un crayon, une feuille de papier qui traînait sur la table (c’est quand même pas la facture d’EDF, non? Non, c’est pas ça, la facture est imprimée recto-verso. Qu’est ce qu’il a pris? La liste des courses! Tu vas voir qu’il va la froisser et la balancer à la poubelle!).
Quelques rectangles, des silhouettes, des bulles: il est reparti dans son projet de BD, je suis sûre. Bon, tant qu’il a des projets, c’est plutôt bon signe. Mais sur ma liste des courses, quand même!
Tiens, qu’est-ce que je disais, tout à l’heure? Karembeu a coincé le petit défenseur, là-bas, près du drapeau, et l’autre a raté son dégagement. Corner. Petit va le tirer.

* * *

21H27
FRED


Corner pour les Bleus. J’aime mieux ça. Ce que j’ai eu peur, tout à l’heure! Le tir dévissé de Ronaldo, que Barthez ramène comme il peut, la tête de Sampaio que Fabien bloque en extension sur la ligne... Ça chauffe de plus en plus! Heureusement que Karembeu, qui n’y est pas du tout ce soir, a fait le pressing sur Roberto Carlos, qui ne vaut guère mieux.
Depuis quand on n’a plus marqué sur corner? Pas si longtemps, en fait: au premier match, contre l’Afrique du sud. Tête de Dugarry. Allez Petit! Place-le.
Voilà. Il y est! C’est Zidane! De la tête!
Incroyable.
C’est incroyable.
Un à zéro. Le plus dur est fait. Il est accordé, au moins?
Zizou, il ne marque jamais de la tête, et il nous fait ça ce soir! Fabuleux.
Regarde-le: il est tellement concentré, tellement dans son match, qu’il reste sobre même après son but. Pas du genre à mettre le maillot à l’envers sur la tête, lui. Tiens, on dirait même qu’il s’engueule avec Desailly. Eh, les gars, vous n’allez pas vous taper dessus, non? Ça va, ça va, on respire.
On revoit le but au ralenti. La balle monte bien, Zizou part de loin, de l’extérieur de la surface pour arriver lancé... Et Karembeu qui saute en levant le bras! Qu’est-ce qu’il fait, là? Le ballon a dû lui passer à vingt centimètres de la main avant que Zidane ne le frappe. Tu imagines s’il fait une main, là, sur une balle de but? Il se croit au volley, il voulait smasher ou quoi?
C’est un match de dingues. Les Brésiliens qui font n’importe quoi, les Bleus qui jouent à neuf, Zizou qui marque de la tête... Qui aurait cru ça?
Eux ont l’air d’y croire, en tout cas. Pas d’affolement, ils sont maîtres de leurs nerfs, et je crois que c’est cette maîtrise qui perturbe les Brésiliens.
La concentration, c’est la clé de tout. Barthez, par exemple, il peut à la fois être parfaitement concentré et très détendu, d’ailleurs, il sourit souvent pendant les matches. C’est un signe qui ne trompe pas: ça veut dire qu’il prend du plaisir à jouer, et qu’il n’est pas sur les nerfs. Pas comme moi.
En tout cas, c’est bien parti pour nous. On a pris deux buts en six matches, et ça m’étonnerait qu’on en prenne deux autres en une heure. J’en ai la chair de poule. Comment je vais faire pour tenir le coup jusqu’au bout?
Quel est l’andouille qui m’a tapé sur l’épaule? C’est Giovanni. Il m’a fait peur. Déjà que je n’aime pas qu’on me touche, dans ces moments-là il vaut mieux éviter ce genre de choses, j’étais à deux doigts de lui flanquer un coup de coude dans la mâchoire. C’est nul, je sais, mais je ne supporte pas qu’on me serre dans les bras, j’ai l’impression qu’on m’étouffe, qu’on me ficelle.
Et là, j’ai besoin de sentir ces frissons dans le dos et le long des bras. Ne me touchez pas, laissez-moi vivre cet instant, c’est tellement court. Tellement court.


À suivre...

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>> Le site personnel de l'auteur.

Réactions

  • la rédaction le 25/10/2005 à 23h59
    C'est par erreur que la possibilité de réagir à "12 juillet" a été laissée, forme qui ne s'y prête absolument pas.
    Nous vous remercions de ne plus réagir et d'adresser vos éventuels commentaires via le formulaire "contact" ou sur le site de l'auteur.
    Merci.

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