Top 10 : les finales avant la lettre
Affiches idéales opposant précocement les équipes les plus attendues de la compétition, elles n’ont pas toujours décidé du futur lauréat...
10. Italie-Brésil 2-1Demi-finale de la Coupe du monde 1938
Tenante du titre et récente tombeuse du pays organisateur (la France) en quarts de finale à Colombes (3-1), la Squadra Azzurra croise en demi-finale au Stade Vélodrome de Marseille le Brésil, seul représentant du continent sud-américain après le forfait de dernière minute de l’Uruguay et de l’Argentine. Emmenée par ses vedettes Leônidas da Silva et Domingos da Guia, la sélection auriverde a déjà dû disputer deux prolongations lors des tours précédents, plus un match à rejouer remporté 2 buts à 1 face à la Tchécoslovaquie vice-championne du monde en titre.
On oppose déjà à cette époque le réalisme transalpin au spectacle carioca et ce duel est l’affiche du dernier carré (Hongrie et Suède se disputent l’autre place en finale au Parc des Princes). Pourtant, au coup d’envoi, Leônidas n’est pas titulaire. Présomption, mauvais calcul en prévision de la finale ou simple folie de la part du sélectionneur Ademar Pimenta, toujours est-il que malgré un public français qui lui est défavorable en raison du contexte politique de l’époque, l’Italie se montre plus collective et ouvre le score par Colaussi à la 51e. Neuf minutes plus tard, l’arbitre Hans Weuthrich sanctionne d’un penalty une faute de da Guia, longtemps contestée par les Brésiliens (une réclamation, finalement rejetée, a même été déposée à la fin du match). Giuseppe Meazza le transforme et donne un avantage suffisant à la Nazionale qui ira affronter et battre en finale la Hongrie à Colombes (victoire 4-2 après prolongations).
9. Chelsea FC-FC Barcelone (1-2, 1-1)Huitième de finale de la C1 2005/06
Déjà adversaires au même stade de la compétition l’année précédente, dans une confrontation marquée par l’expulsion à l’aller de Didier Drogba et les déclarations de Mourinho qui vaudront menaces de mort et future retraite à l’arbitre Anders Frisk, et par un match retour spectaculaire (victoire 4-2 de Chelsea, avec trois buts londoniens entre la 8e et la 19e et le fameux pointu de Ronaldinho), Chelsea et Barcelone se retrouvent à Stamford Bridge pour un duel entre les champions d’Angleterre et d’Espagne sortants. Grandes favorites de la compétition, sûres de leurs forces respectives (qualités athlétiques pour l’une, techniques pour l’autre), dominatrices de leurs championnats respectifs, les deux formations se livrent un duel serré lors de ce match aller.
Sur une pelouse en très mauvais état, Thiago Motta (59e) et John Terry (71e) marquent tous deux contre leur camp. C’est à la 80e minute que Samuel Eto’o inscrit le but décisif, en reprenant de la tête un centre de Rafael Marquez venu de la gauche. La rencontre est surtout marquée par la prestation d’un jeune Argentin plein de talent nommé Lionel Messi, qui fera tourner en bourrique Asier Del Horno jusqu’à le faire expulser à la 37e. Le match retour est beaucoup moins animé, et Ronaldinho ouvre le score à la 78e sur une action individuelle. Frank Lampard égalisera sur penalty à la 90e et Barcelone filera vers son second succès en C1, en battant tour à tour le Benfica Lisbonne, le Milan AC et Arsenal.
8. Real Madrid-Manchester United (3-1, 3-4)Quart de finale de la C1 2002/03
Dans cette édition 2002-2003 de la C1, dont la finale doit se disputer à Old Trafford, Manchester United effectue un remarquable parcours en dominant ses groupes lors des deux phases de poules alors que le tenant du titre, le Real Madrid au plus fort de sa période galactique avec l’arrivée de Ronaldo à l’intersaison précédente et un jeu léché qui lui permettra d’être champion d’Espagne en fin de saison, est moins convaincant et doit s’employer pour se hisser au stade des quarts de finale. Au match aller à Santiago Bernabéu, Zinédine Zidane trouve d’abord sur l’aile gauche Luis Figo pour une magnifique frappe enroulée qui lobe Fabien Barthez à la 12e minute, puis Raúl Gonzalez Blanco à la 28e dans la surface. À la 49e, les deux buteurs combinent: Luis Figo trouve Raúl aux vingt mètres, qui bat Barthez d’un puissant tir croisé du gauche. Trois minutes plus tard, Ruud van Nistelrooy profitera d’un ballon relâché par Iker Casillas pour réduire le score.
Le match retour est un régal de précision technique et de suspense: Ronaldo inscrit un triplé, Casillas fait des miracles et MU n’abdique jamais en revenant à chaque fois au score et en remportant finalement le match 4-3 grâce à un doublé de David Beckham, entré en cours de jeu. Le Real, fatigué et très à la peine défensivement en cette fin de saison, sera éliminé par la Juventus Turin en demi-finale (2-1, 1-3). [Voir la vidéo]
7. Allemagne-Angleterre 1-1 (6 tirs au but à 5)Demi-finale du Championnat d’Europe des nations 1996
Trente ans après avoir accueilli victorieusement la Coupe du monde, l’Angleterre se prend à rêver d’un titre lors de cet Euro 1996 disputé chez elle, surtout après sa qualification pour les demi-finales aux dépens de l’Espagne (0-0, 4 tirs au but à 2), une première dans son histoire. Dans leur stade de Wembley, les Three Lions, portés par un Paul Gascoigne en état de grâce, une attaque efficace (2 buts pour Teddy Sheringham et 4 pour Alan Shearer) et deux jolis succès face à l’Ecosse (2-0) et aux Pays-Bas (4-1), affrontent l’Allemagne tombeuse de la Croatie au tour précédent, au sein de laquelle évoluent Matthias Sammer et Andreas Köpke.
Dès la 3e minute, Alan Shearer reprend victorieusement de la tête un corner rentrant tiré par Paul Gascoigne. L’Allemagne refait cependant rapidement son retard par Stefan Kuntz (16e). Le n°11 récidive sur corner à la 96e minute, croyant marquer le but en or qualificatif pour les Allemands, mais celui-ci est refusé pour une faute de l’attaquant. De leur côté, Darren Anderton et Paul Gascoigne ratent le coche sur deux occasions dites “immanquables”.
Comme lors du Mondiale 1990, cette demi-finale entre Anglais et Allemands se termine sur un 1-1 et doit se décider aux tirs au but. Gareth Southgate s’élance pour le sixième tir au but de son équipe et voit sa frappe croisée repoussée par Köpke. D’un tir en force au milieu du but, Andreas Möller qualifie les siens pour une finale victorieuse face à la République Tchèque.
6. Allemagne-Espagne 0-1Demi-finale de la Coupe du monde 2010
Tandis que Uruguay et Pays-Bas s’affrontent dans l’autre demie, Espagne et Allemagne se retrouvent en ce 7 juillet à Durban pour une revanche de la finale de l’Euro 2008. Pour beaucoup d’observateurs, il s’agit des deux meilleures équipes de ce mondial sud-africain: l’une proposant une qualité technique collective et individuelle lui permettant de dominer outrageusement ses adversaires, l’autre ayant réalisé un festival offensif (13 buts), avec notamment un 4-1 en huitièmes face à l’Angleterre et un 4-0 en quarts face à l’Argentine, le tout en se basant sur un jeu simple et direct.
Thomas Müller, révélation du tournoi, est suspendu pour cette rencontre et les Allemands sont contraints de subir, de défendre et de placer de rares attaques. Sur l’une d’elles, Iker Casillas doit s’employer devant une reprise de Toni Kroos pour éviter l’ouverture du score. Les Espagnols font parler leur science de la circulation et de la technique pour dominer largement leurs adversaires. Et c’est sur un corner tiré par Xavi Hernández à la 72e que Carles Puyol leur donne l’avantage d'un puissant coup de boule. L’Espagne accède ainsi à la première finale de Coupe du monde de son histoire, après trois succès consécutifs sur le score de 1-0. [Voir la vidéo]
5. Parma AC-Paris Saint-Germain (1-0, 1-3)Quart de finale de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes 1995/96
Entre 1993 et 1995, le Paris Saint-Germain et le Parma AC connaissent simultanément leurs premiers grands émois européens. Le club français a buté trois fois de suite au stade des demi-finales, successivement en C3, C2 et C1, écartant de sa route le Real ou le Barça en quarts. De son côté, la formation d’Emilie-Romagne reste sur trois finales de rang, avec deux succès (C2 1993 et C3 1995) pour un échec (C2 1994). Autant dire que pour cette édition 1995-1996 de la C2, les deux équipes sont présentées comme les favorites de la compétition. Leurs chemins se croisent en quarts de finale.
À l’aller, c’est Hristo Stoitchkov qui s’illustre. Servi par Luigi Appoloni, il prend à défaut Lama sur une frappe croisée. Les Franciliens ratent de peu de revenir dans le match (tir sur le poteau de Patrice Loko) et Lama doit s’employer devant un jeune attaquant plein d’envie, Filippo Inzaghi, pour éviter une défaite plus large. Pour le retour, le PSG doit faire sans Youri Djorkaeff, blessé. Cependant, dès la 10e minute, Rai transforme un penalty obtenu pour une faute sur Pascal Nouma. Alessandro Melli, d’une frappe des vingt-cinq mètres qui passe sous le ventre de Lama, égalise à la 26e. Le PSG doit alors courir contre la montre et marquer deux buts pour se qualifier. Loko, avant la mi-temps, trompe Luca Bucchi d’un tir en déséquilibre de l’extérieur (2-1), puis c’est une nouvelle fois Rai sur penalty qui permet aux siens d’être en position de se qualifier (3-1). Le PSG se qualifie ainsi pour une quatrième demi-finale européenne consécutive, et s'ouvre la voie vers la victoire finale. [Voir la vidéo]
4. Milan AC-Olympique de Marseille (1-1, 0-3*)Quart de finale de la Coupe des clubs champions européens 1990/91
* Par forfait
Après une première tentative en C1 stoppée au stade des demi-finales par la main de Vata, l’OM de Bernard Tapie et de Raymond Goethals, double champion de France en titre, se voit proposer comme adversaire en quart de cette édition 1990-1991 le grand Milan AC, double tenant de la compétition. L’attente de ce choc du printemps, plusieurs mois après le tour précédent, est longue pour le public et les joueurs qui en font le moment majeur de leur saison. À l’aller à San Siro, l’OM livre une belle prestation tactique et ne subit pas le jeu milanais. Et si Ruud Gullit ouvre le score après une erreur défensive, Jean-Pierre Papin égalise sur une ouverture de Chris Waddle.
Marseille reçoit Milan pour un match retour sous haute tension. Les Rossoneri pressent et tentent d’ouvrir le score, sans succès. Waddle, qui a peu avant reçu un coup sur la tête qui lui a fait perdre le fil des événements, marque sur une reprise de volée croisée du pied droit après une déviation de la tête de Papin. A la 88e minute, en raison d'une panne d’éclairage, l’arbitre interrompt la rencontre, mais lorsque le courant est rétabli, Franco Baresi et les siens refusent de reprendre le jeu. L’UEFA décidera a posteriori de déclarer l’OM vainqueur par forfait. Alors que le Spartak Moscou se profile en demi-finale, le premier sacre européen d’un club français semble plus probable...
3. Real Madrid-FC Barcelone (0-2, 1-1)Demi-finale de la Ligue des champions 2010/011
En ce printemps 2011, le Real Madrid et le FC Barcelone se rencontrent quatre fois entre le 16 avril et le 3 mai. La dureté du jeu merengue lors de la récente finale de la Copa del Rey, ajoutée à l’excellente saison des deux clubs marquée notamment par la manita du 29 novembre 2011, achèvent d'enflammer le contexte de cette demi-finale. A l’aller à Madrid, les chocs sont rudes et Pepe se fait expulser à la 61e minute pour une faute sur Dani Alves. Deux réalisations dans le dernier quart d’heure de Lionel Messi vont débloquer et illuminer ce match. À la 76e, il coupe au premier poteau un centre d'Ibrahim Afellay, faisant passer le ballon entre les jambes de Iker Casillas. Dix minutes plus tard, il combine en une-deux avec Sergio Busquets, résiste à Lassana Diarra, s’éloigne de Sergio Ramos, dribble Raúl Albiol, avant de se présenter face au gardien merengue qu’il prend à contre-pied sur une frappe croisée.
Au retour, les Madrilènes parviennent à combler une partie de leur retard par Gonzalo Higuaín, mais le but est refusé pour un croc-en-jambes de Cristiano Ronaldo sur Javier Mascherano. À la 54e, sur une passe de l’intérieur du pied droit parfaitement dosée, Andres Iniesta trouve dans la surface Pedro qui place son tir dans le petit filet de Casillas. Le Real égalise par Marcelo à la 64e, qui reprend aux six-mètres un centre d'Ángel Di María. Le score n’évoluera plus et Barcelone ira à Wembley empocher sa quatrième C1 face à Manchester United (3-1). [Voir la vidéo]
2. Ajax Amsterdam-Bayern Munich (4-0, 1-2)Quart de finale de la Coupe des clubs champions européens 1972/73
Le 7 mars 1973, l’Ajax Amsterdam est opposé en quart de finale aller de la C1 au Bayern Munich. D’un côté, les doubles détenteurs de la couronne, apôtres du football total et emmenés par le grand Johann Cruyff. De l’autre, le champion d’Allemagne, qui compte dans ses rangs nombre des vainqueurs de l’Euro 1972. Hans-Georg Schwarzenbech, qui avait souffert mille maux face au “Hollandais volant” en match amical lors de l’été 1972 (défaite 0-5 du club bavarois), est dispensé à a sa demande du marquage du talentueux n°14 ajacide. Stefan Kovacs, coach de l’Ajax, voit d’un bon œil le fait que son stratège sera suivi par Paul Breitner, privant ainsi le Bayern d’un de ses principaux atouts collectifs, ou Franz Roth, alors déjà âgé de trente-et-un ans.
Malgré les recommandations tactiques de son entraîneur, visant notamment Franz Beckenbauer, l’Ajax Amsterdam ne parvient pas à prendre l’avantage et tremble face aux assauts de son adversaire. Mais en seconde période, l’efficacité hollandaise, couplée à la maladresse de Sepp Maier, offre une victoire large aux locaux (4-0), Cruyff se chargeant de conclure à la 89e minute sur une reprise de la tête. Au retour, le Bayern l’emporte 2 buts à 1, score insuffisant pour empêcher l’Ajax de filer vers un troisième sacre consécutif (victoire 1-0 face à la Juventus Turin en finale). Munich prendra la succession de son bourreau et remportera lui aussi trois succès de rang en C1. [Lire l'article de A World of Football]
1. France-Brésil 1-1 (4 tirs au but à 3)Quart de finale de la Coupe du monde 1986
On a déjà raconté des dizaines de fois ce match du 21 juin 1986 entre l’équipe de France de Michel Platini et Henri Michel, championne d’Europe en titre et qui vient d’éliminer le champion du monde en titre italien grâce à une prestation pleine de maîtrise (victoire 2-0, buts de Platini et de Stopyra), et la fabuleuse Seleçao de Socrates et Tele Santana, vainqueur de tous ses matches lors de ce Mondial mexicain, sans avoir encaissé le moindre but. Soit les deux plus beaux collectifs du monde, prêts à en découdre à Guadalajara.
Les Bleus sont bousculés, mais résistent et donnent le change à des adversaires toujours aussi sûrs de leurs gammes. La mi-temps arrive sur un score de parité (1-1, Platini ayant répondu à la 40e au but de Careca de la 17e), non sans que Müller ait raté le break sur un tir renvoyé par le poteau de Joël Bats. En seconde période, Dominique Rocheteau et Jean Tigana tentent quelques incursions dans la surface auriverde, mais c’est encore le Brésil qui est le plus dangereux, avec une tête sur la barre de Careca et surtout, un penalty de Zico stoppé par Bats. Le portier parisien s’interpose également devant Socrates lors de la séance des tirs au but, au bout de laquelle Luis Fernandez envoie les siens en demi-finale. Malheureusement, la RFA se chargera encore de briser le rêve de cette génération dorée. Cette “finale avant la lettre”, probablement la plus belle de toutes, confirme le principe selon lequel il ne suffit pas de la remporter pour être sacré.