Spirale de la meilleure performance dramatique
Ils nous ont tiré des larmes, ont fait vibrer notre fibre tragique… Ou simplement, souligné qu'à force de se prendre au sérieux, le football pouvait devenir sublime – même si c'est dans le ridicule.
le 28 Juin 2007
Ce qui rassemble probablement le mieux les acteurs du football, c’est leur absence totale de sens du ridicule, et une capacité assez incomparable à sortir des énormités, persuadés qu’elles passeront comme un ballon entre les jambes de Lionel Letizi. À ce niveau-là d’absence de scrupules et de sens du grotesque, il n’y a d’ailleurs peut-être que les hommes politiques... Il faut dire que chacun se sent encouragé par une presse qui fait preuve de peu de ténacité ou d’esprit critique, et se contente le plus souvent d’enregistrer les déclarations des uns et des autres sans broncher, de peur de se voir refuser la prochaine interview.
La barre du ridicule communément admissible mise aussi haut, il devient difficile de dénoncer la stupidité profonde d’un changement d’entraîneur, ou la prétention sans bornes dont sont capables certains joueurs, entraîneurs ou présidents qui cherchent avant tout à sauver la face devant les caméras, quitte à tenir un discours paranoïaque et/ou absurde. De toute façon, une caméra, c’est fait pour enregistrer, pas pour répondre.
La Spirale de la meilleure performance dramatique, parrainée par Éric Cantona et Christophe Bouchet, est là pour récompenser les exploits les plus retentissants de la saison en matière d’excuses foireuses à une gestion catastrophique.
Votez pour les Spirales des Cahiers 2006-2007, tous les candidats ayant été présentés, il ets plus que temps. À suivre aussi: le sondage grandeur nature sur eurosport.fr. Notez que les lauréats seront exclusivement désignés par le scrutin en ligne des Cahiers du foot...
Rudi Roussillon pour "Les Canaris sont trop cuits"
Le Groupe Dassault l’avait propulsé à la présidence du FCNA pour calmer la fronde des supporters envers le triste Gripond. Lui-même a, à l’été 2006, annoncé des envies d’Europe, à la faveur d’un ambitieux recrutement. Pour le coup, c’est une sorte de Grand Chelem: non seulement Nantes termine largement dernier de L1, mais Roussillon a réussi le tour de force de se rendre aussi impopulaire que Gripond dans les travées de La Beaujoire, et de démissionner en même temps que Dassault se désengageait. Entre les deux, une invraisemblable succession d’aberrations: le remplacement de Le Dizet par Eo-je-suis-là, puis d’Eo par Der Zakarian et N’Doram, le départ de plusieurs des recrues censées porter le club (Stojkovic, Boukhari, Wilhelmsson), mais surtout le recrutement de Fabien Barthez, monumental fiasco pour toutes les parties. Une incroyable catastrophe, toujours commentée entre résignation et optimisme par l’impayable Rudi.
Atout : faire descendre un club après quarante-quatre ans de haut niveau, c’est une tragédie.
Faiblesse : quand on a été gardien du but du Red Star, c’est une habitude.
Vikash Dhorasoo pour "Substitute" et "Fired"
Ah, qu’elle a failli être belle, la saison 2006-2007 de Vikash Dhorasoo! La précédente s’étant terminée sur un but qui donnait la Coupe de France au PSG et sur une sélection pour la Coupe du Monde, l’on crut au couronnement d’une carrière singulière. On ne pensait pas si bien dire. Quelques minutes de jeu seulement en Allemagne, un isolement palpable, mais un Super-8 vissé en main, et une polémique avec l’entraîneur et ses coéquipiers sur les autorisations d’être filmés. Il lui restait à se relancer avec le PSG. Pas de bol, le club s’enlise, Lacombe s’énerve et sanctionne Vikash qui s’en va filmer les mains courantes de CFA. Et lorsqu’il s’en ouvre à L’Équipe, comme tout le monde, il se fait coller un licenciement disciplinaire presque inédit par le PSG. Au mercato, il s’auto-annonce dans plusieurs clubs, mais ne va nulle part, quasi-ostracisé par le milieu. "Substitute" sortira assez discrètement. Plus vraiment footballeur, pas encore cinéaste, Dhorasoo laisse le sentiment d’un beau gâchis sur un indéniable talent.
Atout : il a été nommé au César du meilleur documentaire
Faiblesse : ah non, en fait.
Guy Lacombe pour "J'ai été très surpris que Cayzac me limoge".
Malgré des résultats catastrophiques et une image peu flatteuse auprès du grand public et des supporters, Guy Lacombe s’est accroché. Comme une huître à son rocher, comme un Gattuso aux mollets de son adversaire direct, il oscilla longtemps entre "aller au bout de ses idées" et "mourir avec ses idées". C’est finalement la seconde solution qui fut choisie par Alain Cayzac, qui l’aura protégé – peut-être au-delà du raisonnable. Le bilan de l’entraîneur à la lumière de ce limogeage ne sera pas très flatteur: mise à l’écart de Yepes, licenciement de Dhorasoo, bisbilles avec Rothen... et un bilan sportif que le souvenir pourtant tour récent de la victoire en Coupe de France contre l'OM n'atténuera pas. Pas de quoi faire une autocritique pour autant, à en croire les récents propos du garçon dans L'Équipe, qui en est encore à régler ses comptes.
Atout : entre gesticulations et arrachage de cheveux, ses talents dramatiques ont largement eu le temps de s'exprimer sur le banc.
Faiblesse : avec sa tendance à surjouer les émotions et son anachronique moustache, on a peu l'impression de se trouver en présence d'un acteur du cinéma muet.
José Touré pour "T’es conscient que t’es limité, Djibril ?"
Habituellement, José rivalise (avec lui-même) d’obséquiosité et de flagornerie à l’encontre du moindre Savidan mis à l’honneur de sa séquence, C José, diffusée à la mi-temps des matches sur Canal+. Exceptionnellement, il s’est flanqué d’un bien curieux sens critique à l’adresse de Cissé, pourtant tout heureux d’avoir droit à son mini-Fréquenstar. C’est peut-être dans l’accoutrement de Cissé (gilet fluo, "I’m rich bitch" sérigraphié sur la manche) que José à trouvé son inspiration: "Avec le potentiel que t’as, moi il y aurait longtemps que je t’aurais mis des coups de batte de base-ball sur les fesses".
Atout : José a, très maladroitement, exprimé ce que nombre de supporters franco-marseillais ont déjà amoureusement susurré devant leur poste.
Faiblesse : on va être obligé d’espérer le C José de Sidney Govou.
Lille et Lyon pour "Les autres, c'est rien que des méchants"
En février dernier, les illusions françaises à l'égard de nos derniers engagés en Ligue des champions s'étiolent dès les matches aller de leurs huitièmes de finale respectifs. À Bollaert, le LOSC est victime d'un vilain coup de vice de Ryan Giggs, qui exécute un coup franc (et Tony Sylva) sans attendre que le mur lillois soit placé. Gesticulations, tentative de déposer une réserve au premier arrêt de jeu (inutilement, puisque la démarche, en coupe d'Europe, s'effectue à la fin du match), puis, après la rencontre, récriminations en série dans les médias. Cela ne fait que souligner la naïveté des Nordistes et leur méconnaissance des règlements, tout en les démobilisant avant même que le match retour eut débuté.
Le lendemain, L'Olympique lyonnais ne parvient pas à prendre l'avantage sur une AS Roma très tacticienne. Devant les micros, Juninho peste contre un arbitrage dont la prétendue partialité n'a pourtant frappé personne, et entonne le couplet du complot: "J'ai encore vu que le maillot des équipes françaises avait vraiment peu de poids en Ligue des champions". Son entraîneur, Gérard Houllier, s'énerve après une question anodine d'Hervé Mathoux... Au retour, l'OL s'effondrera sans discussion possible et Fred se signalera par un comportement absolument odieux.
Dans ces deux cas, les représentants du football français ont exhibé une fâcheuse mentalité de pleureuses, préférant jouer aux victimes et se préparer une batterie d'excuses au lieu de tout faire pour éviter une élimination qui n'était pas encore jouée...
Atout : il faut admettre qu'au bord des larmes, nos petits gars étaient presque émouvants.
Faiblesse : c'est le genre de comportements que le football français a toujours encouragé.