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48 heures avec la Populaire Sud Nice

Supps par Terre – La Brigade Sud Nice est devenue la Populaire Sud Nice en quittant le stade du Ray pour l'Allianz Riviera. Au risque d'y perdre un peu de son identité, mais pas sa réputation. Reportage et rencontre(s). 

Auteur : Christophe-Cécil Garnier et Frédéric Scarbonchi le 28 Sept 2017

 

 

Inspirés par les "collectionneurs de stades" anglais, les deux auteurs de Supp Par Terre ont lancé un tour de France des vingt stades de Ligue 1 pour aller à la rencontre des supporters et vivre le supportérisme de l'intérieur. Au fil de cette saison, ils publient leurs reportages sur Vice Sports et les Cahiers du football.

 

* * *

 

"Je vais acheter des pâtes fraîches, quelques bières, et on ira chez moi". Fred est un hôte qui sait faire les choses bien. Quel rôle pour quand ce grand gaillard, polo Fred Perry sur le dos, photographe de profession? Jouer, pour cet encarté de la Populaire Sud Nice, les intermédiaires entre les membres du bureau de l'association et les deux journalistes que nous sommes. Son sens de l'accueil coïncide avec son franc-parler et ses bons mots.

 

Chez lui, des accréditations presse décorent sa cuisine. "JUn pote a monté OGC Nice TV et j'ai bossé dès le début de la chaîne, ce qui m'a permis de suivre pendant des années le club", décrit-il. Ces années-là, c'étaient au Ray, à cinq cents mètres de chez lui. Alors que les pâtes cuisent, Fred nous sert des beignets à la fleur de courgettes. Pourtant, si l'appartement sent une pousse, ce n'est pas celle des légumes.

 

Bref, en mangeant, il se livre. Mais pose les bases: il n'est pas de ses passionnés que l'on croisera ce soir pour Nice-Angers. "Quand j'ai rencontré ma femme, elle croyait que j'étais fan de football… Je lui ai dit: 'T'es mal tombée! On a tellement mangé de merdes pendant des années que maintenant qu'on joue la Coupe d'Europe, je suis obligé d'y aller'. Mais sincèrement, les joueurs, les statistiques, j'en ai rien à foutre". Ce qui compte, c'est l'ambiance. Rien d'autre.

 

 

 

 

 

« On a une réputation de fachos et de sortir des couteaux »

"On s'est bien fendu la gueule dans cette tribune", assure-t-il, alors que nous sommes sortis faire le tour du Ray. Deux travées sont encore debout, les gravats ont pris la place de la pelouse et les sièges ont été arrachés… "Il paraît qu'ils vont les vendre aux enchères", croit savoir Fred.

 

Il s'éloigne un peu de nous, prend des photos. Laisse les souvenirs remonter. Les bons. "La première fois que je suis allé au stade, je ne fixais pas le terrain. Mes yeux, c'était un coup vers la pelouse, un coup à regarder la tribune." Et les moins bons: "Les identitaires, ils venaient. Ils parlaient très bien. Ils avaient les bonnes références sur Nice, ça plaisait aux jeunes. Et ils les ont dégagés, quoi. Dans la tribune, ça a toujours été apolitique. On a une réputation de fachos et de sortir des couteaux dans les embrouilles. Je sais pas d'où ça sort". Que Nice soit une ville de droite doit jouer. Qu'un Parisien se soit pris un coup de couteau un soir, aux abords du Ray, cautionne la réputation. Cependant, l'histoire avait confirmé que le détenteur de l'arme blanche n'était pas un supporter de l'OGC Nice.

 

Après cette petite marche, nous remontons chez Fred. Sur son grand Mac, au fond du salon, il nous passe des vidéos. C'est lui, derrière le smartphone. Sur l'écran, les bagarres défilent. "Ce que j'aime, quand je filme, c'est l'adrénaline que ça peut me provoquer", confie-t-il.

 

 

 

 

 

« Maintenant, les gens regardent le match. Avant, il n'y avait rien à voir »

L'heure approche. À trois heures de la rencontre, Rémi et Jérôme débarquent. "Avant, on allait au Ray comme ça. Maintenant, il faut s'organiser à l'avance, faire du covoiturage", explique Fred, décrivant l'accessibilité difficile à l'Allianz Riviera. Tous sont nostalgiques de "leur" enceinte, mais savent que le déménagement était nécessaire pour voir le club grandir. Jérôme met un bémol, quand même: "Au final, l'ambiance était meilleure quand on galérait. Maintenant, les gens regardent le match. Avant, il n'y avait rien à voir", fait-il remarquer sans plaisanter.

 

Rémi, lui, plutôt que donner son sentiment sur les stades, connaît par cœur le commissariat du coin. Lors d'un match de Coupe de la Ligue, il allume un fumigène. Résultat: interdiction de stade. Pendant six mois, il doit pointer au commissariat à chaque mi-temps. "J'ai rencontré ma femme à ce moment-là. Elle était ravie de passer ses week-end au comico", rigole-t-il jaune.

 

Tout ce petit monde se chauffe un peu. Bières, rhum et autres passent de main en main. D'autres supporters les rejoignent pour faire la route avec deux voitures. Chacun fait part de son "bon plan" pour se garer pas trop loin du stade et sortir sans ramer de la zone industrielle, une fois la rencontre terminée. Une fois garée, Fred reçoit un appel de Guillaume, alias Biba. Le capo de la Populaire Sud Nice doit nous faire rentrer dans la tribune. Effectivement, quand nous avons demandé deux places, le club a assuré ne pas pouvoir nous aider. Il faudra donc compter sur les Ultras.

 

 

« Les gars, qui vous êtes ? Qui vous prenez en photo? »

Biba nous récupère dans sa voiture, et fait clairement la gueule. Il nous répond à peine. "Vous allez croire qu'il est froid, alors que c'est un mec hyper-cool", nous avait prévenu Fred. Le côté cool, nous le constaterons après le match. Pour l'instant, Biba est coincé dans les bouchons à quarante-cinq minutes du coup d'envoi. Et ce n'est pas dans ses habitudes. La plupart du temps, il est au stade plusieurs heures avant la rencontre. Mais la programmation, un vendredi à 19 heures, n'aide pas celui qui travaille dans le bâtiment à être ponctuel. Les membres de la Populaire ont eu droit à une demi-douzaine de places de parking sous le stade. Surtout pour acheminer le matos. Mais cette fois, Biba va en profiter. Avec lui, nous passons les dispositifs de sécurité sans encombre. Et sans billet.

 

Nous essayons de le suivre, jusqu'à nous retrouver subitement en plein milieu de la Populaire Sud. Face à lui, à un mètre, alors qu'il prend le micro dans les mains. Parfait pour prendre des photos, moins pour rester discret. Une première personne nous attrape par l'épaule: "Les gars, qui vous êtes? Qui vous prenez en photo?", nous demande-t-elle, un peu pressée d'entendre la réponse. Fred, à côté de nous, explique la situation. Le supporter s'éloigne.

 

Alors que nous continuons à filmer, une seconde personne nous intime de ranger nos smartphones. Sans piper mot, nous nous exécutons. Plus tard, un stadier nous confiera : "Je me suis dit "c'est qui ces deux gus en plein milieu de la tribune, qui ne chantent pas?" Je me suis approché de vous, parce que je sentais que ça pouvait partir".

 

 

 

« L'arrivée à l'Allianz a été difficile »

Le match commence. Sur la pelouse, l'OGC Nice rame. En tribune, Biba s'époumone : "Les gars, ce sont les meilleurs de la population de la Brigade qui sont là ce soir. On va tout donner!" Les chants se multiplient, quasiment sans pause. À 0-2, quelques sifflets accompagnent le but de Toko Ekambi, mais celui de Balotelli, face à la tribune, remobilise tout le monde. Portée par des Niçois bien plus entreprenants, la tribune fait encore plus de bruit en seconde période. "Mais ce qui compte, ce n'est pas que ce qui se passe sur le terrain influence notre comportement, mais plutôt que notre comportement influence ce qui se passe sur le terrain", posera de façon très raisonnée Biba, prenant exemple sur le premier but angevin, qui n'a pas interrompu le chant.

 

À la fin du match, Biba nous invite à boire quelques bières en bas de la tribune, chez Gilou, une baraque à frites en bas de la Sud. "Gilou, c'est la maison. Il était déjà là au Ray", précise celui qui est capo depuis 2010. Dans ce rôle, il a connu les deux stades. "L'arrivée à l'Allianz a été difficile. Tu passes de 2.000 personnes, que tu connais plus ou moins, à 5 ou 6.000 personnes à gérer. Et dans le lot, des mecs à éduquer, qui ne sont pas imprégnés de la culture Ultra."

 

Il raconte les choix à l'arrivée : la décision de s'installer au second anneau, pour profiter de la résonance du toit ("On a fait un sondage six mois avant d'arriver, pour choisir entre le premier et le second anneau. Résultat: 50-50. Véridique"). Ou encore le passage de la Brigade à la Populaire: "C'était difficile, on était attachés à la Brigade. Mais en vrai, quand t'écoutes les chants, tu vois bien que c'est resté la Brigade".

 

 

 

 

 

« Les autorités t'incitent à être un relais, sauf qu'à chaque fois tu manges »

Les problèmes que la BSN avait connus avant sa dissolution en 2010 n'ont pas disparu avec le changement de nom. "Quand tu as des responsabilités, tu te retrouves interdit de stade ou tu te fais arrêter tu ne sais même pas pourquoi... Tu paies les pots cassés. Les autorités t'incitent à être un relais, sauf qu'à chaque fois tu manges. Donc au bout d'un moment tu n'organises plus rien et tu dis aux flics 'Démerdez-vous': ils ne sauront pas d'où arriveront les supporters".

 

Il y a quelques semaines, il a loupé "le match de (sa) vie": "Contre Naples, ils m'arrêtent, me mettent en garde de vue. Je passe en comparution immédiate: relaxé. Et malgré ça, le préfet demande une interdiction de stade. Eh ça va, tu veux quoi? Que je fasse le tapin pour toi? Même le procureur, censé t'enfoncer, calmait les ardeurs". Il ajoute: "Les gens nous prennent pour des demeurés. Mais on a tous un boulot, une vie de famille, on est solvables. On craint tous de se faire arrêter, c'est normal".

 

Une dizaine de bières plus tard, et la fatigue aidant, on se quitte. Mais on prévient Biba: demain, nous retrouverons Max, le président de l'association, absent ce soir, pour discuter. Libre à lui de nous rejoindre.

 

 

« S'ils avaient pu faire le stade dans les montagnes ils l'auraient fait »

Le lendemain, à 17 heures, Max, quarante-six ans, crâne glabre et doudoune "Honneur et fidélité" sur les épaules nous amène chez Biba, dans une charmante – et le mot est faible – résidence sur les hauteurs de Nice. Guillaume sort d'une sieste, propose un café, s'arrange avec les voisins pour avoir des bières à offrir. Fred est là, aussi. Dans le jardin, un drapeau de la BSN flotte. Un autre du Valencia CF, aussi. Des bouts du Ray trônent même. Pendant deux heures, avec passion, ces Ultras nous racontent leur monde.

 

Le changement de stade? "Tu sais qu'il fallait changer pour avancer, mais il y aura toujours de la nostalgie", assure Max. L'accessibilité? "À Nice, ça a été une question politique. Après, eux, ils s'en foutent. S'ils avaient pu le faire dans les montagnes ils l'auraient fait. Ils sont contents, ils ont eu leur stade. Ensuite, ils ne te proposent le tramway que pour dans trois ans…", souffle le président.

 

Chez Fred, la veille, nous avions pu consulter un livre sur les vingt ans de la Brigade. Quatre paragraphes sur cinq évoquent la violence. "C'est la base du mouvement", répond du tac-au-tac Biba, un peu surpris par notre étonnement. Max temporise: "Toi tu défends ta ville, ton groupe, ton club. Le mec qui vient en face, la fatalité s'il te provoque, il n'y a qu'un seul mode de réponse, c'est la violence". Biba suit: "On n'est pas des hooligans, on n'est pas là que pour ça", ajuste-t-il.

 

 

 

 

 

« Ou tu les emplâtres, ou tu les invites à boire des coups »

Dans la continuité de la discussion, les relations avec les groupes adverses sont disséquées. Le jumelage avec l'Inter, la rivalité historique avec le SC Bastia… Et les amitiés, elles, se font naturellement. "Quasiment par hasard", soutient même Biba, qui détaille l'alliance avec Lille. "Avant un match contre eux, il y avait trois-quatre Lillois calés et paumés près du stade. Des gars de la BSN les ont vus. Ils ont eu deux choix. Ou tu les emplâtres, ou tu les invites à boire des coups. Et tu vas pas emplâtrer trois mecs… Les mecs sont venus avec eux et ça a commencé comme ça", narre le capo avec de grands gestes. Il souligne l'importance des alliances, qui ne doivent pas être "formatées".

 

Il en profite pour tacler les voisins marseillais. "Ils se sont alliés avec des groupes étrangers pour des tendances politiques, lance Biba. Mais comment tu peux être ami avec des gens quand tu parles pas la même langue? Ami, ça veut dire quelque chose. Le Grec, c'est pas comme de l'Espagnol ou de l'Italien, où tu peux le comprendre sans le parler". Une critique qu'il applique à son propre groupe, des membres de la Populaire ayant aussi proposé des jumelages à l'étranger. "Pour nous, ça ne rimait à rien sans amitié forte."

 

À côté de lui, en train de boire un verre d'eau, Max étaye les propos de son voisin et aborde les amitiés avec le Torino. "J'ai commencé par être abonné là-bas. Tu noues des liens, tu invites les mecs dans ta tribune, ils reviennent. Ça se fait naturellement, sur du long terme. Pas en deux minutes."

 

 

« Des gens arrivent et ne savent pas que ce stadier-là, c'est pas n'importe qui »

Si Biba, Fred, Jérôme et d'autres ont tous prévu d'avoir un souvenir du Ray, ce n'est pas le cas de Max, qui le côtoyait pourtant depuis 1987 et aimait profondément son stade: "C'est dommage, c'est fini, point barre. Tu veux pleurer devant le stade? Mettre des bougies? Ça va, quoi".

 

Mais dès qu'il parle des moments passés là-bas, la chair de poule revient. Son meilleur moment? Le barrage retour contre Strasbourg, en 1989, pour rester en D1. "Le stade était plein comme un œuf, se souvient Biba. On avait perdu 3-1 à Strasbourg." Max embraye: "On devait être 20.000. Dans la Populaire, il y avait des barrières en acier. Avec le monde qu'il y avait, ça les a couchées. C'était le feu". Les Niçois l'emportent 6-0.

 

Un stadier déboule dans l'appartement. "Levez-vous, vous allez être fouillés", rigole-t-il. Plus sérieux, il précise: "Là, je viens pas en tant que stadier, je viens voir mes amis". L'ambiance est chaleureuse et les vannes fusent. On parle des rapports assez uniques entre les stadiers et les supporters à Nice. La conversation dérive sur les nouvelles générations. Encore une fois, une légère pointe de nostalgie se sent. "Malheureusement, vu que la tribune est ouverte, des gens arrivent et ne savent pas que ce stadier-là, c'est pas n'importe qui", lance Max, qui cite également l'histoire d'un jeune supporter bombant le torse mais qui ne connaissait pas le nom de l'ancien capo.

 

 

« Avant, tu avais un idéal ultra. Le sportif passait après »

"Tu ne peux pas reprocher à un gars d'être jeune, nuance Biba, qui a dix ans de moins que le président. Par contre, moi, je connaissais l'histoire du groupe et du club. Être ultra, ce n'est pas seulement aller au stade, chanter et partir." Max opine du chef. Il explique qu'on rentre dans le cercle en s'investissant: "Si un jeune reste deux heures après le match pour aider à ranger, nous on va l'inviter à faire les banderoles, à boire un coup. Il revient après ça. Ensuite, il fait les déplacements. Et il n'y a que ça qui te soude".

 

Mais désormais, certains viennent "pour prendre une photo pour montrer à sa copine au lycée le lendemain", se désole Biba. Lors du match, les cinq dernières minutes où Plea et les siens poussaient pour arracher la victoire, deux jeunes se photographiaient et ne galvanisaient pas leur équipe avec le reste de la tribune. Sacré différence avec les plus anciens, qui n'avaient pas Facebook ou Instagram quand ils ont commencé. "Avant, tu y allais par passion, déclare l'hôte. Tu avais un idéal ultra. Le sportif passait après. Tu représentais Nice ou le Comté. Et pas seulement avec un pull ou un t-shirt."

 

L'obscurité a commencé à se pointer depuis de longues minutes, mais Biba continue d'énumérer des liens de fraternité qu'il n'a retrouvés "nulle part". De ces déplacements où "il se passe toujours des trucs". De ces mecs qu'il voit depuis vingt ans "mais qu'au stade". La tribune, c'est leur village. Et qu'importe les changements de stade ou les interdictions de s'y rendre, tout ça ne risque pas de changer. 

 


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