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Une jeunesse à toute vitesse

Déracinement, responsabilités précoces, sacrifices, incertitudes… Les futurs pros vivent une singulière jeunesse. Plusieurs ont accepté de nous la raconter.

Auteur : Clément Le Foll le 10 Sept 2019

 

 

L'adage est connu: en suivant l'aléatoire, exigeant et très sélectif parcours de formation, les footballeurs "sacrifient leur jeunesse" – sans toujours trouver au bout la récompense d'une carrière professionnelle.

 

Pour le dossier "enfance" du numéro 3 de notre revue, nous avons demandé à quelques-un(e)s de ces pros de raconter cette période et ses conséquences. Voici la version longue de ces entretiens. Illustration Éric Giriat.

 

 

 


« Tout ce qui te fait passer de l’enfance à l’âge adulte, on le faisait à ma place »
Mathias Coureur, 31 ans, milieu offensif du Seongnam Football Club (Corée du Sud). Né à Fort-de-France, en Martinique, formé au Havre AC.

 

J’ai commencé le football en Martinique à trois ans. J’allais jouer avec mon oncle et ses potes. Quand je reviens à Fort-de-France, on me rappelle encore que je pleurais quand il ne voulait pas que je joue avec eux. J’ai ensuite rejoint la métropole et mon premier club, Sucy-en-Brie, à cinq ans. À partir de ce moment, j’ai toujours voulu être pro. Je n’avais pas de plan B, j’allais à l’école car je n’avais pas le choix et je ne me voyais pas assis derrière un bureau.

 

À douze ans, j’ai intégré le centre de formation du Havre. C’était un rêve, mais j’étais encore un bébé! Ma famille me manquait et je cherchais plus à me faire des copains pour être rassuré qu’autre chose...

 

Au centre de formation, j’ai toujours eu tout ce que je voulais. Je mangeais à ma faim, j’avais juste à demander si je voulais un rendez-vous médical. Mais est-ce que ça m’a rendu service ? Tout ce qui te fait normalement passer de l’enfance à l’âge adulte, on le faisait à ma place. J’étais couvé et je pense que je suis passé à côté d’une partie de ma jeunesse.

 

Le contrecoup, je l’ai paradoxalement vécu vers dix-huit ans, à ma sortie du centre de formation. J’étais un assisté! Je ne savais pas prendre un rendez-vous chez le médecin, faire une lettre de motivation sans fautes d’orthographe ou trouver mon numéro de sécurité sociale.

 

J’ai commencé à jouer à Créteil et j’ai galéré à faire ma licence! On me demandait de faire des photos d’identité, d’obtenir un certificat médical... Je ne savais pas comment faire. Au centre de formation, le médecin venait directement. C’est ma mère qui m’a aidé dans ces démarches. Toutes ces choses de la vie que tu apprends au fil de ta jeunesse auprès de tes proches, elles me sont tombées dessus à la majorité.

 

 


« Ce sont mes parents qui ont fait les sacrifices »
Sébastien Renouard, 34 ans. Ancien attaquant du FC Metz, Angers SCO et Stade lavallois. Né à Nancy, formé au FC Metz.

 

Mon enfance, c’est celle d’un fils d’agriculteur très épanoui qui grandit dans un village de cent âmes en Meurthe-et-Moselle. Je jouais dans le club de Blénod avec mes copains. Dès dix ans, les grands clubs du coin comme le FC Metz, l’AS Nancy-Lorraine et le RC Strasbourg ont voulu me recruter.

 

En tant que gamin, j’ai surtout vécu des moments de bonheur indescriptibles. Quand j’avais onze ans, Jean-Pierre Goujard, qui entraînait au FC Metz est venu me chercher pour m’intégrer à son équipe. On a gagné le Mondial pupilles de Plomelin, une sorte de championnat du monde pour les équipes françaises avec la Juventus, Arsenal. J’ai terminé meilleur buteur et joué la finale devant 5.000 spectateurs en inscrivant un doublé face à Lyon. Ça fait partie des moments qui m’ont forgé.

 

Au collège, j’ai beaucoup changé d’établissement et c’était compliqué de trouver des repères pendant ce passage de l’enfance à l’adolescence. En 6e j’étais à Blénod, puis en 5e je suis revenu à Thiaucourt, à côté de mon village. Enfin, en 4e et 3e, j’étais en internat au centre de formation à la Madine et au collège à Saint-Mihiel dans la Meuse, puisque je venais de rejoindre le FC Metz.

 

Ce sont mes parents qui ont fait le plus gros sacrifice. Quand vous vivez à Bouillonville, à quarante-cinq minutes de voiture de Metz, qu’il y a cinq entraînements par semaine et que vos parents font les allers-retours après une journée de boulot de dix heures pour faire en sorte que vous soyez heureux…. Aujourd’hui, je ferai pareil pour mes enfants, mais je n’oublierai jamais ce qu’ils ont fait pour moi.

 

 


« Quand tu es footballeur, tu grandis beaucoup plus vite »
Romain Thomas, 31 ans, défenseur central du Angers SCO. Né à Landerneau, formé au Stade brestois.

 

J’ai commencé le football à six ans, à Landerneau. À l’époque, mon père s’occupait des équipes du club. J’étais déjà un acharné, je jouais sans cesse avec des copains et mon frère. À treize ans, j’ai rejoint le club phare de la région, le Stade brestois, qui n’avait pas de centre de formation, à l’époque. Cette période m’a définitivement fait sortir de l’enfance. C’est à ce début de mon adolescence que j’estime avoir fait le plus de sacrifices.

 

Quand je jouais à Landerneau, il y avait une sorte d’insouciance, le football était source de plaisir. Au centre de formation, tout est plus structuré et, plus les années passent, plus l’individualisme prime. Tu pars tôt de chez toi, tu apprends les valeurs de la vie et tu es financièrement autonome plus tôt.

 

Les footballeurs rencontrent leurs femmes et ont des enfants jeunes parce qu'ils sont amenés à devenir adultes plus tôt. J’ai vu des coéquipiers mis sous pression par leurs parents, qui allaient directement voir le coach pour avoir un compte-rendu après chaque match.

 

Je me souviens que j’avais demandé à mes parents un scooter pour pouvoir rejoindre mes copains après l’école. Quand ils ont su que j'intégrais Brest, ils ont refusé: « Tu n’auras pas le temps de l’utiliser ».

 

 


« J’ai été remercié à seize ans, et ma vraie jeunesse a commencé. »
Pierre Lees-Melou, 26 ans, milieu offensif de l'OGC Nice. Né à Langon, partiellement formé aux Girondins de Bordeaux.

 

J’ai commencé le football dans mon village natal, à Saint-Pierre-de-Mons. À neuf ans, je jouais à Langon et on m’a proposé un essai avec les Girondins de Bordeaux. J’ai signé là-bas à dix ans. Intégrer le centre de formation de Bordeaux est mon principal sacrifice, puisque je me suis privé de la "vraie vie".

 

À partir de quatorze ans, je vivais sur place. Je savais déjà que la marche était trop haute, que je ne serais jamais professionnel – je n’avais pas terminé ma croissance, j’étais très petit. J’ai été remercié à seize ans, et ma vraie jeunesse a commencé.

 

J’ai rejoint un lycée public où il y avait des centaines d’élèves. Je n’en connaissais que deux. J’avais la sensation d’avoir été coupé du monde. Je découvrais ça avec un regard d’enfant alors que j’étais déjà adolescent. Aux Girondins, nous étions une classe de sept élèves, tu étais obligé de te tenir à carreau. Là, tu te retrouves à trente, tu peux discuter pendant les cours, aller manger un fast-food un mercredi soir, jouer à la console chez tes potes.

 

J’ai aussi redécouvert le football plaisir en retrouvant le club de mon enfance, Langon: trois entraînements par semaine, des terrains pas forcément top, une ambiance collégiale. Je vivais ma vie à fond en jouant la coupe Gambardella en U19, et en division d’honneur avec les seniors.

 

 


« On était face à nos responsabilités »
Matias et Calvin Ferreira, 22 ans, frères jumeaux évoluant au Red Star. Nés aux Lilas, formés à l’INF Cleirefontaine puis au FC Sochaux.

 

Matias. Notre premier souvenir en commun avec le football, c’était une détection pour le Red Star à sept ans. Il y avait une centaine de joueurs et Mathias et moi avons été sélectionnés.

 

Calvin. Ce qui est compliqué quand tu es un jeune joueur, c’est qu’il faut être prêt à quitter ta famille, tes proches et tes habitudes. C’est ce qui nous est arrivé à treize ans, quand on a intégré Clairefontaine.

 

M. Nous sommes nés et avons grandi à Saint-Ouen, on a tous nos proches et nos souvenirs ici. Nous avons toujours joué au Red Star, notre père entraîne les U11 et U15B, et notre frère cadet Hugo joue avec les U17.

 

C. On a quitté ce cocon et plongé dans l’inconnu alors qu’on était encore très jeunes. On était face à nos responsabilités. Surtout qu’il y avait de très bons joueurs dans notre promotion: Amine Harit, Christopher Nkunku, Florian Ayé et Allan Saint-Maximin.

 

M. Ça fait bizarre, même si Clairefontaine n’était pas le bout du monde. Avoir Mathias avec moi, ça m’a permis de ne pas être trop dépaysé et d’avoir un point de repère. On savait qu’on pouvait se reposer l’un sur l’autre quand on avait un problème, qu’on avait pas assez de temps de jeu, par exemple.

 

C. C’est un exemple relatif à un événement qui m’est arrivé plus tard, mais quand nous avons signé à Paços de Ferreira, à 18 ans, je me suis fait une rupture des ligaments croisés. Heureusement que Matias était là pour me soutenir.

 

 


« Je préférais jouer dans la rue »
Ouleymata Sarr, 23 ans, attaquante des Girondins de Bordeaux, internationale française depuis 2017. Née à Cambrai, formée au Évreux FC 27 puis au Paris Saint-Germain.

 

J’ai commencé le football à huit ans, dans la ville de mon enfance, Évreux. Ce sont mes deux frères, passionnés de ballon rond, qui m’ont mis le pied à l’étrier. J’ai joué pour deux petits clubs de la ville. Il y a une étape qui a été clé dans mon parcours et qui n’existera jamais dans celui d’un jeune footballeur.

 

J’étais l'attaquante dans une équipe mixte, je m'entendais super bien avec les autres joueurs. J'avais évidemment un peu d'appréhension au départ, comme j’étais la seule fille, mais j'ai été très bien intégrée, surtout que certains joueurs étaient dans la même école que moi. Je les considérais vraiment comme des amis.

 

Sauf qu’à partir de quatorze ans, une jeune joueuse ne peut plus évoluer en mixte et doit intégrer une équipe féminine. Je n’en avais pas envie! J’ai coupé le football en club pendant près de deux ans. Je jouais dans la rue avec des garçons, ça m'intéressait plus.

 

Je ne pense donc pas avoir fait de sacrifices pour le football, car j’y suis revenue par un total hasard. Un jour, j'ai croisé Mathieu Bodmer dans la rue [ancien joueur professionnel passé par Lille, L'OL et le PSG]. Il est originaire d’Évreux et présidait le Évreux FC 27. Il m’a demandé si ça m'intéresserait de reprendre le football. Après discussion avec mes frères, j’ai accepté. C’est seulement à ce moment que j’ai joué pour la première fois dans une équipe intégralement féminine. Deux ans plus tard, je réussissais une détection pour intégrer le PSG.

 

 

Retrouver le dossier "enfance" dans notre numéro 3, en librairie ou à commander.

 

 

Réactions

  • Hydresec le 12/09/2019 à 13h00
    Un article super intéressant (x 1517). Entre ceux qui estiment avoir grandi très (trop) vite et ceux qui avaient l'impression d'être des bébés sortis du centre de formation, difficile trouver de véritables points communs entre ces parcours différents. Même si la notion de "sacrifice" et de perte de repères par rapport au monde hors centre de formation reviennent souvent. Le témoignage d'une "star" du ballon rond, objet d'enjeux financiers précoces, aurait pu avantageusement compléter le tableau - je suppose que le ressenti doit être encore différent de ceux qui ont été rapportés dans l'article.

  • dugamaniac le 12/09/2019 à 21h56
    Les filles pro actuelles racontent souvent, comme ici, que la mixité ne leur posait pas de problème et qu'elles appréciaient même ça.

    Personne ne semble en tenir compte alors que j'ai l'impression de le lire à chaque fois, au lieu de ça on cherche absolument à organiser un foot féminin à côté du foot masculin, même chez les jeunes , en réunissant toute les petites filles dans la même équipe qui du coup se retrouvent parfois dépourvus d'adversaires.
    Alors que visiblement chez les enfants, on pourrait très bien les faire jouer ensemble sans problème.

  • FPZ le 13/09/2019 à 08h50
    C'est déjà le cas non ?
    Au moins jusqu'en U13 il le semble.

  • dugamaniac le 13/09/2019 à 11h46
    Jusqu'à maintenant oui parce qu'il n'y avait souvent pas assez de petites filles pour constituer des équipes.
    Mais il y a une volonté, qui me semble forte, de les regrouper en équipe exclusivement féminine le plus vite possible.

    Moi sans connaitre bien le truc, j'aurai pu penser que la mixité était une difficulté. Mais je lis et j'entends à chaque fois le contraire finalement.
    C'est dommage de ne pas écouter et de vouloir organiser à l'inverse.

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