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Une défaite, mais pour qui?

Jean-Patrick Sacdefiel a perdu le match retour contre Denis Balbir. La Cour d'appel de Metz a reconnu les Cahiers coupables "d'injures publiques" et les a condamnés à verser 3.000 euros au plaignant. Une jurisprudence dangereuse pour la liberté de la presse.
Auteur : Jérôme Latta et Manuel Mary le 18 Nov 2009

 

Après la relaxe prononcée en première instance par le tribunal correctionnel de Metz (lire "Relaxe, Take It Easy"), les Cahiers du football ont été jugés coupables d'injures publiques à l'encontre du plaignant, Denis Balbir, par la Cour d'appel de cette même ville. Laquelle nous a aussi condamnés à verser 3.000 euros à l'animateur d'Orange TV (1). Une décision qui nous a (et quelques autres spécialistes avec nous) pour le moins stupéfiés compte tenu à la fois de l'objet de la plainte – une chronique de Jean-Patrick Sacdefiel parue dans le numéro 39 du journal (lire "L'affaire Sacdefiel") – et des motifs invoqués.

Denis Balbir, qui n'avait initialement pas pris la peine de chercher une explication avec nous, préférant porter l'affaire en justice puis faire appel du premier jugement, semble récompensé d'une intransigeance qui l'a même dispensé de se présenter aux deux audiences... pourtant fixées à Metz comme étant sa ville de résidence. L'histoire démontre qu'en portant devant un tribunal une non-affaire qui n'avait rien à faire là, on peut tout de même remporter une victoire à la loterie judiciaire, aussi peu glorieuse et ubuesque soit-elle.


Distingué confrère
Pire, ses conséquences juridiques (lire ci-dessous) risquent d'être particulièrement dommageables pour la liberté de la presse et la liberté d'expression: toute personne contrariée par un article pourra en effet invoquer cette jurisprudence qui autorise le juge à déterminer ce qui est "absolument nécessaire" et ce qui ne l'est pas dans un article de presse... Il s'agissait pourtant, dans notre affaire, de la rubrique la plus satirique d'un journal satirique, d'un sketch mettant en scène un personnage fictif "atrabilaire et misanthrope" dont les "opinions" exprimées sont par définition outrancières et ne sauraient être assimilées à celles des Cahiers... Imaginez combien d'autres articles pourront être menacés à l'avenir.

Ironie: c'est un journaliste, en attaquant un journal indépendant professant souvent sa non-appartenance à la corporation, qui est parvenu à ce brillant résultat. Dans sa coupable chronique, Jean-Patrick Sacdefiel prétendait notamment que le garçon ne s'était distingué au sein de sa profession que par ses célèbres hurlements au micro des retransmissions télévisées. Voilà au moins un deuxième motif d'entrer dans les annales.

extrait_sacdefiel.jpg
La page 5 du #39 des Cahiers du football (détail).

Pas de belle
L'enjeu est cependant très sérieux, bien au-delà de notre simple cas, et il justifie un recours en cassation... Malheureusement, cette procédure est très coûteuse, et les Cahiers ne peuvent pas l'assumer par les temps qui courent – sans parler de l'énergie et du temps à dépenser pour s'engager dans une telle démarche. Par conséquent, sauf cas improbable d'un "mécène" – personne ou organisation qui estimerait que ce jugement ne peut décemment être laissé sans suite – nous proposant son assistance technique et financière, nous renoncerons à ce recours, non sans regrets.

Quant à Jean-Patrick Sacdefiel, il continuera à exister (2) au gré de notre inspiration. Car nous voulons continuer à croire que personne ne peut sérieusement prendre ombrage de ses chroniques, et encore moins décider de porter sa vexation devant la justice.

Nous remercions une nouvelle fois les lecteurs et les journalistes qui nous ont accordé un précieux soutien en produisant des attestations destinées aux juges, ainsi que notre avocat, qui n'a pas ménagé ses efforts.

(1) 1.500 euros au titre des dommages et intérêts et 1.500 de frais de justice.
(2) C'est une image, Denis.



"Absolument nécessaire"?
Liberté d'expression, d'accord... à condition que ce soit nécessaire. Voici, en substance, le raisonnement suivi par la Cour d'appel de Metz, dans son arrêt du 3 juillet 2009 par lequel elle a condamné les Cahiers du football pour injures publiques à l'encontre de Denis Balbir. En première instance, le Tribunal Correctionnel avait relaxé le journal, retenant le caractère humoristique de la chronique Sacdefiel incriminée, et l'absence de volonté de nuire à l'animateur, au terme d'une analyse factuelle et juridique sans faille. La Cour d'appel, saisie par Denis Balbir, n'a pas adhéré à cette réflexion.

Un critère dangereux
Bien que reconnaissant le "contexte humoristique" de l'article, la Cour a estimé que trois des termes reprochés par le commentateur constituaient des attaques personnelles, et donc des injures, à son égard. Trois termes seulement, certes, sur les huit qu'invoquait M. Balbir. Trois de trop, toutefois. Car au-delà de l'interprétation – certainement contestable mais forcément subjective – du caractère injurieux ou non des propos employés, c'est la logique retenue qui étonne et interpelle.
Les conseillers de la Cour ont en effet estimé que, si la liberté d'expression permet certes d'écrire "des articles ou chroniques satiriques dans des journaux à l'égard de particuliers" (nous voici rassurés),  les termes employés n'étaient "pas absolument nécessaires pour constituer un article satirique à l'égard d'un particulier ou d'un journaliste".

Or, un tel critère n'est pas seulement surprenant: il est dangereux. Au visa de la liberté d'expression, un juge pourrait donc s'arroger le droit discrétionnaire de décider si tel ou tel terme est nécessaire – et, s'il ne l'est pas, de le condamner. Or aucun terme, dans aucun article, n'est "absolument nécessaire"! Il est toujours possible de lui substituer un autre mot, plus poli, moins critique, moins polémique... ou moins drôle.

Jurisprudence Balbir
La libre expression postule un choix, un certain arbitraire dans les propos du journaliste. C'est le principe fondamental de la liberté de la presse. Dans ces conditions, on imagine la portée d'un tel attendu de principe, et les dégâts que causerait son application générale dans le domaine de la presse humoristique, ou plus largement des médias d'opinion. Qualifier un homme politique de menteur, de démagogue, ou de couard, est-ce "absolument nécessaire"? Certes non, on peut toujours leur préférer des mots plus tendres: versatile, populaire, réfléchi. La même idée, en plus gentil.

Le critère de l'absolue nécessité d'un terme, pour juger de sa légalité en matière de presse, n'est-il pas la négation même de la liberté de brocarder, de blâmer, d'écrire, en définitive? La Cour d'appel a-t-elle mesuré l'impact de cette condition, en l'appliquant  pour qualifier d'injurieux des propos qui grattaient les oreilles chastes mais qui, dans un contexte sarcastique, n'avaient rien d'attaques malveillantes? Il est évident que cette "jurisprudence Balbir", entendue comme l'obligation faite aux journalistes satiriques de n'employer que des termes nécessaires, aurait des effets dévastateurs si elle faisait florès.

La Cour aurait-elle commis une erreur de droit? Espérons que ce terme soit absolument nécessaire pour qualifier son arrêt.

Réactions

  • aurélie le 21/11/2009 à 06h40
    je suis écœurée comme beaucoup.


    il y a pas moyen de faire cracher pieroni (qui lui vous a vraiment insulté dans la presse) pour payer les frais de justice et les domages et intérêts de l'autre ?




    Oui, je sais, c'est bas mais bon......ça m'a foutu un coup au moral cette annonce.

  • Portnaouac le 21/11/2009 à 13h39
    cocobeloeil
    samedi 21 novembre 2009 - 01h19

    ---------------

    Ce qui est difficile, quand on veut te rédiger une réponse, ce n'est absolument pas de savoir quoi te répondre, mais plutôt de déterminer par où commencer tant il semble y avoir de choses à dire.

    Du coup, de crainte de finir par rédiger un pavé, je vais limiter mon propos à quelques aspects principaux, le reste ne présentant finalement que peu d'intérêt.

    Peut-être ne l'as tu pas remarqué, mais l'article auquel nous réagissons, c'est celui relatif à l'arrêt de la cour d'appel de Metz et qui, eu égard à sa motivation, s'inquiète de ses conséquences éventuelles sur la liberté de la presse ; l'article relatif à l'arrêt des CdF papier est un autre article, dans lequel il est précisé que, certes le résultat de la CA Metz n'a rien arrangé, mais surtout que c'est la conjonction de plusieurs évènements défavorables qui ont conduit Dame Rédac' à se saborder.

    A aucun moment, je n'ai lu que la position était défendue selon laquelle la disparition des CdF était un coup porté par la CA Metz à la liberté de la presse ; Dame Rédac n'a jamais prétendu cela et elle a parfaitement raison ; c'est d'ailleurs certainement la raison pour laquelle deux articles ont été rédigés, certes publiés concomitamment mais traitant, l'un des conséquences éventuelles de l'arrêt sur la liberté de la presse, l'autre de la décision d'arrêter la publication et de l'influence de l'arrêt sur cette décision.

    Dans tes posts, je n'ai pas perçu ce distinguo et j'ai même plutôt l'impression que tu opères une confusion entre les intérêts en présence devant la CA Metz (Les Editions du 12 Juillet et le plaignant) et la portée de la décision sur un plan plus général (la liberté de la presse).

    Si l'intention de la CA Metz avait été de couler les CdF, ils les auraient condamnés à des dommages-intérêts beaucoup plus élevés, de quoi vraiment mettre une société en difficultés (le plaignant réclamait 50.000€, la cour en avait la possibilité) ; le même raisonnement doit être suivi en ce qui concerne ton soupçon de connivence entre le plaignant et le rédacteur de l'arrêt et c'est ce que je m'évertue à te dire en soulignant que 3.000€ ne couvrent même pas les frais de procédure du plaignant ; si l'explication de cet arrêt était une supposée connivence, pourquoi s'être arrêté en si bon chemin ?

    Donc, ma conclusion sur cet arrêt, c'est que le rédacteur n'en avait rien à f##tre que la procédure concerne tel ou tel (et donc la société éditrice des CdF) ; sa décision n'est rien d'autre qu'une décision juridique et dont la motivation apparaît inopportune à un certain nombre d'observateurs ; c'était là, à mon sens, l'objet de l'article : dépasser le simple cadre des personnes en cause dans la procédure pour examiner ses conséquences sur la presse et sa liberté d'expression.

    Pour le reste, et en particulier ma supposée satisfaction de voir Dame Rédac' condamnée (cf "l'os à ronger") je te laisse le soin de penser ce que tu veux, ça ne me dérange pas.

  • In Gone We Trust le 21/11/2009 à 13h46
    @cocobeloeil :

    En appel, comme en 1ère instance, la décision est collégiale. Il faudrait donc que les 3 juges décident, comme ça, de donner raison à Balbir parce qu'ils le connaissent tous, et que dans le cas contraire ils auraient forcément relaxé les Cahiers ?

    Le droit de la presse est extrêmement complexe à critiquer, à argumenter, et surtout à juger. Nous sommes tout sauf objectifs ici, il faut bien l'avouer. Et rappelle toi que la demande initiale de Balbir était quand même de 50 000€.

    Alors avant de crier à la justice pourrie de notre pays corrompu, prend le temps de te mettre à la place des juges, qui sont en présence d'une affaire touchant à la liberté d'expression, ce qui signifie qu'elle est tout sauf simple à juger. Où est la liberté, où est la limite ?

    Enfin, la sanction prononcée par une décision n'est pas censée prendre en compte la situation de l'auteur de l'infraction : entre un riche et un pauvre qui commettent tous les deux la même infraction, la sanction doit être la même. On appelle ça l'égalité devant la justice, et c'est un droit constitutionnel.
    Bien sûr que pour les Cahiers ou pour l'Equipe, 3000€ ça n'a pas le même impact. Mais n'oublions pas que la véritable peine prononcée n'est "que" de 1500€, et non 3000.

    Je connais la justice de mon pays, et peu importe la façon dont les médias et les politiques la présentent, elle a toute ma confiance, en règle générale. Cette décision ne fait pas plus plaisir qu'à toi, mais je pense que si les Cahiers ont été condamnés, c'est aussi -peut être- parce qu'ils ont franchi une limite.

    En revanche, ce que je ne pardonne pas, et que je désapprouve pour rester poli, c'est l'attitude de Balbir.

  • cocobeloeil le 21/11/2009 à 15h07
    Bien le merci pour tous ces renseignements qui éclairent et débroussaillent quelque peu les méandres parfois obscurs.
    portnaouac, tu vois tout va mieux quand on prend le temps d'expliquer les choses tranquillement et patiemment.
    C'était pas la peine pour ça de s'énerver outre mesure. là était la signification de mon message te concernant (cf l'os à ronger) et en aucun cas ta position quant à la condamnation des cahiers.
    De quel droit me serai-je permis d'ailleurs?

    Je signifiais juste par là que tu t'étais jeté sur mon post comme un loup affamé, mais bon hein, il faut des fois savoir lire entre les lignes....

    Sinon encore merci pour les détails des procédures, ce qui me permet d'ailleurs de rester sur mes "positions", et effectivement je ne crois pas (et de moins en moins) dans une justice parfaitement neutre et égalitaire dans notre pays. Sans en arriver toute fois à dire que tout est pourri blablabla......

    Au moins une chose apparait certaine à tout le monde, c'est l'attitude déplorable du gominé. On est d'accord là dessus, c'est déja pas mal.
    Rassurant en tous les cas.....

  • Beau gosse chiant le 26/11/2009 à 16h39
    Alors donc en France, on peut insulter impunément dans la vraie vie, mais pas virtuellement dans le cadre d'une satire :

    "Chapron débouté par le tribunal
    Le tribunal correctionnel de Caen a déclaré nulles les citations à l'encontre de trois prévenus, dont le président de Valenciennes, Francis Decourrière, poursuivis par Tony Chapron pour propos diffamatoires. L'arbitre de L1 avait déposé plainte après le match Valenciennes-Bordeaux du 13 mai 2009 contre le président du club nordiste, le capitaine de l'équipe Rafael Schmitz et le journal L'Equipe qui avait repris les propos injurieux du président valenciennois. " (source : kiplé.fr)

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