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Top 7 : les pires rachats de club anglais

Le match Ineos vs Qatar pour le rachat de Manchester United n'augure rien de bon pour le football. Mais on a vu bien pire en Angleterre.

Auteur : Kevin Quigagne le 23 Mars 2023

 

C'est un fait : personne ne regrettera les Glazer à Man United. Toutefois, le duel du moment entre le controversé Jim Ratcliffe et un "fonds privé" qatarien pour reprendre les Red Devils, s'il peut ravir leurs supporters, est en droit d'alarmer les autres. Retour sur des canons du genre.

[N.B. : tous les montants indiqués dans l'article sont en livres sterling]

 

Chesterfield FC, les faussaires

Mars 2000, Darren Brown, vingt-neuf ans, rachète Chesterfield FC (D3) pour 850 000 livres. Son apport personnel n'est que de 27.000, les fonds proviennent de prêts sécurisés sur les actifs du club et au nom de sa société de conseil, modestement appelée "UK Sports Group".

Brown se présente comme un "businessman qui bâtit un empire sportif". Vu qu'il bossait il y a peu à British Gas puis comme vendeur de photocopieurs, on s'interroge. Mais son ascension séduit. En 1999, les présidents des endettés Sheffield Steelers et Hull Thunder (hockey sur glace) qu'il a comme clients, subjugués par son bagout, l'ont même propulsé aux commandes. Il a aussi des billes dans le basket, aux Sheffield Sharks.

 

 

Une fois dans la place, Brown claque comme un matelot bourré en permission. En 2001, les comptes jusque-là sains (balance positive de 300.000 livres) virent au rouge écarlate : 1,9 million de déficit. Grâce à une double comptabilité, il renfloue ses deux sociétés et finance un train de vie fastueux. Même sa tondeuse coûte un bras (2.500 livres).

Brown s'appuie sur deux associés infiltrés véreux, Michael Bacon et le comptable Andy Marples, pour avancer ses pions à coups de fausses factures, de détournements et d'endettements risqués. Tout est fake, y compris les contrats de joueurs.

Les opérations de prêts et transferts sont douteuses et le stade, feu Saltergate, est à deux doigts d'y passer (un dirigeant empêchera in extremis sa vente). Un antre historique, avec ses tribunes en bois baignant encore dans le jus des années 1930. Il sera notamment utilisé dans le film culte The Damned United.

Lorsque le château de cartes s'écroule, c'est la cata. Les joueurs ne sont plus payés et les chèques aux créanciers s'avèrent être du même matériau que les tribunes. En mars 2001, Brown démissionne et un redressement judiciaire arrive en mai, un retrait de 9 points et une amende pour violations diverses à la clé.

Chesterfield FC doit par ailleurs répondre de 90 infractions relevées par la fédé anglaise. Et pour couronner le tout, Brown s'étant assis sur la législation, deux tribunes non aux normes de sécurité sont partiellement fermées pendant dix-huit mois par les instances, occasionnant un sérieux manque à gagner.

Le CFC est repris à 78% par la Chesterfield Football Supporters Society qui le sauve de la liquidation. C'est le premier fait d'armes du fraîchement créé Supporters Direct qui s'est investi dans ce sauvetage.

Aucun entraîneur n'étant assez fou pour venir dans cette pétaudière, le directoire, composé de supporters, nomme manager à l'intersaison... le kiné du club, l'ex pro Dave Rushbury, qui les maintiendra en D3 en alignant du jeune (dont son fils de dix-huit ans). Quant à Brown, la brigade financière lui tombe dessus et il écopera de quatre ans ferme en 2005.

 

York City, The Batchelor x Top Gear

En mars 2002, John Batchelor reprend ce ventre-mouiste de D4, qui a connu son âge d'or dans les années 1970-1990 en D3, ponctué d'un bref passage en D2. Le cadre est prestigieux. York, superbe ville touristique de 200.000 habitants, a le potentiel pour attirer des investisseurs. Le chantier s'annonce coûteux, tout étant à développer ou construire, mais Batchelor s'engage à transformer le club.

Son pedigree n'est pas sans intriguer. Il a longtemps été représentant en papier toilette et a fondé le parti politique anti-système déjanté "Common Sense Sick of Politicians" (Le Bon Sens en a Marre des Politiciens). Il s'est même présenté sous cette étiquette aux General Elections (parlementaires) de 1997 à Blackburn, où il a fait campagne habillé en pilote automobile (362 voix), sa passion.

Il deviendra d'ailleurs pilote professionnel de rallye en 1999 et changera son nom à l'état civil en "John Top Gear". Mais pourquoi pas se dit-on, cet excentrique injectera du turbo-glamour dans ce club provincial.

Au diable les sceptiques et autres jaloux, les supporters sont sur un nuage et en redemandent. Batchelor laisse entendre qu'il est blindé et affiche une ambition de "global player" qui flatte l'ego des 4.000 fidèles de Bootham Crescent.

Il promet un stade flambant neuf de 15.000 places et un contrat de sponsoring à sept chiffres. Car grâce à lui, fanfaronne-t-il, "le club bénéficiera d'une exposition médiatique dont rêveraient les clubs de Premier League". Léger hic : Batchelor est fauché. Il a utilisé des prêts fictifs pour racheter York. Les dettes, elles, sont bien réelles.

Pour mieux marketer le club à l'international (!), Batchelor le rebaptise "York City Soccer Club"et floque le nouveau blaze barré sur les produits dérivés. Il est également persuadé qu'un design Nascar drapeau à damier sur une manche du maillot rehaussera le profil "multisport" du minot.

Une liquette d'emblée surnommée the Y front shirt. "Y Front", c'est aussi le terme anglais désignant le slip kangourou... À l'intersaison 2002, Batchelor parade fièrement l'horreur en voiture de course dans les rues de la ville. La totale.

 

 

Son but secret : faire main basse sur le stade, situé près du centre-ville. Un mois à peine après son arrivée, il conclut un deal avec le promoteur immobilier Persimmon qui donne son accord de principe pour acquérir le site pour 3,5 millions. Les plans prévoient la construction de 93 unités d'habitation. Persimmon verse un acompte, dont une partie ira directement dans les poches de Batchelor.

Mais les dettes explosent (1,8 million, avec doublement prévu d'ici juin 2003 si rien n'est fait) et le directoire ne voit toujours rien venir. Sauf un redressement judiciaire, qui tombe juste avant Noël 2002.

Des supporters lancent une campagne anti Batchelor et il reçoit une dizaine de menaces de mort. L'heure est grave, on parle d'extinction du club. L'illuminé est viré en février 2003, non sans avoir empoché 120.000 livres, et York City entame sa sortie de route. La D5 l'année suivante, puis la D6 de 2017 à 2022. On apprendra ensuite que Batchelor (ci-dessous) aura tenté de reprendre en tout huit clubs des divisions inférieures.

En 2004, ses exactions en série (ainsi que celles de Darren Brown à Chesterfield) pousseront les instances à introduire le critère "Fit and proper person test" (appelé "Owners' and Directors' Test" depuis 2011) dans le processus d'acquisition de club, censé garantir des propriétaires et dirigeant intègres. Un type si malhonnête que nombre de journalistes doutèrent de sa mort, en 2010.

 

Doncaster Rovers, le château de cartes

En 1993, l'homme d'affaires Ken Richardson acquiert Doncaster Rovers (D4) via un montage de sociétés écrans basées sur l'île de Man. Il traîne une réputation de magouilleur dans le monde du tiercé. Dix ans auparavant, il a été au cœur du plus grand scandale britannique de paris hippiques et fut banni du milieu pour vingt-cinq ans en 1984. Pour s'occuper, il a jeté son dévolu sur le football. En 1990, il a repris, et coulé, le petit club prometteur de Bridlington Town.

Richardson est peu recommandable, mais les supporters sont conquis : il leur promet la Premier League. Il assure avoir les fonds et l'appui de riches backers (financiers). Il tente d'entrée de racheter le stade de Belle Vue, propriété de la ville. Il dit vouloir le raser pour en reconstruire un nouveau.

En réalité, il compte empocher une partie des bénéfices de la revente du site à un promoteur. La municipalité flaire l'embrouille et s'y oppose. Qu'à cela ne tienne, Richardson essaye en douce de vendre Belle Vue !

Dans la nuit du 28 au 29 juin 1995, une partie de la tribune principale prend mystérieusement feu. Un incendie criminel commis à l'évidence par des Pieds Nickelés, qui ont laissé des traces compromettantes.

 

 

Les pompiers retrouvent sur les lieux un téléphone mobile appartenant à un certain Alan Kristiansen, un ancien soldat SAS lié à Richardson. Un gros finaud, payé 10.000 livres, qui laissera le message "Le boulot est fait" sur le répondeur de Richardson, qui ne l'avait même pas effacé.

Les meilleurs joueurs décampent et Rovers comptera quatre managers lors de la saison 1997-1998, dont Mark Weaver, à l'expérience footballistique discutable puisqu'elle se limite à la gestion de la boutique du club de Stockport County. De toute manière, Richardson décide de tout et sélectionne lui-même l'équipe, qui file tout droit vers la non-League (divisions, alors amateurs, situées sous la Football League - D2-D4).

Les supporters protestent et certains squattent la pelouse en plein match. Pour la dernière rencontre de la saison, ils organisent une marche funéraire "en mémoire de leur club disparu"et déposent des gerbes au pied du Town End, le kop de Belle Vue. Un bugliste joue le poignant Last Post, l'équivalent de la sonnerie aux morts dans le Commonwealth.

Rovers finit la saison avec sept professionnels et est tellement ruiné que Sheffield United doit leur prêter des tenues. Certains matches attirent des chambrées à trois chiffres, alors que la moyenne des saisons précédentes était de 2.500, et 5.000 quinze ans plus tôt (également en D4).

Le 2 mai 1998, pour la première fois depuis 75 ans, Doncaster Rovers est relégué en non-League, affichant le record de défaites en Football League (34) et une différence de buts de -83 ! La télévision sort deux documentaires sur la lamentable saga (They Think It's All Roverset Trading Places).

L'humiliation est complète. Les enquêteurs décrivent Richardson comme "le genre de type qui marcherait sur un enfant de deux ans pour ramasser une pièce de deux pence". Il prendra quatre ans de prison en janvier 1999.

 

Leeds United, very bad dream

En 1997, le businessman du cru Peter Ridsdale, depuis dix ans au directoire, reprend un Leeds United entraîné par George Graham. La talentueuse ossature (Martyn, Kelly, Haaland, Harte, Bowyer, Kewell, Hasselbaink...) permet aux Whites de finir 5e de Premier League en 1998.

Joli, mais le médiatique Ridsdale veut revivre les frissons de la glorieuse ère du United de Don Revie. Graham démissionne et son adjoint, l'ambitieux David O'Leary, est nommé.

 

 

De 1999 à 2001, les jeunes pousses de Leeds éblouissent l'Europe et atteignent les demi-finales en C3 et C1. Tout le monde s'extasie devant ces surdoués qui réinstallent Leeds dans l'élite européenne. "We are living the dream", déclare fameusement Ridsdale.

Sauf que le rêve est bâti sur du sable. Le club, archi-endetté, n'est évalué qu'à 12 millions en bourse mais côté dépenses c'est open bar. Presque 100 millions sont claqués sur une quinzaine de joueurs. Le club loue soixante-dix voitures de société pour un coût annuel de 600.000 livres et le directoire se déplace en jet privé.

Les émoluments des dirigeants et les contrats offerts sont stratosphériques. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, Ridsdale se verse un salaire hors primes de 650.000 livres par an. Pour financer la mégaleedsmanie, l'inventif Ridsdale a contracté un énorme prêt de 60 millions, basé sur d'hypothétiques recettes futures. Il faut se qualifier tous les ans en Ligue des champions et sortir des poules, sinon...

D'autant plus que Ridsdale est généreux et les rushes d'adrénaline lui ont grillé quelques ampoules. Il n'est pas surnommé "Father Christmas" dans le milieu pour rien. L'anecdote est entrée dans la légende. En octobre 2001, quand Leon Angel (l'agent de Seth Johnson) s'en va négocier le salaire de son protégé dans le bureau de Ridsdale, célèbre pour ses objets de luxe et poissons rouges "porte-bonheur" à 250 boules, il a un beau maximum hebdo en tête : 13.000 livres.

Un montant qu'il hésite à demander tant il est élevé pour un jeune qui en touche 5.000 à Derby County. Angel n'aura pas à l'ouvrir. "Écoute Leon", embraye Ridsdale l'air embêté, "désolé mais je ne peux pas t'offrir plus que 30.000 par semaine". Angel est tellement scié qu'il donne l'impression d'être déçu. "OK, OK", corrige de suite Papa Noël, "alors 37.000, mais pas un penny de plus." [1]

En 2002, Leeds termine 5e et rate la vitale qualif. Panique et hémorragie à bord. Rio Ferdinand est vendu 30 millions à l'ennemi Manchester United. Suivent les récemment arrivés Robbie Keane et Fowler, puis Dacourt, Kewell, Bowyer, Woodgate... 

Une guerre ouverte éclate entre Ridsdale et O'Leary qui enrage de voir partir ses meilleurs éléments. L'Irlandais est limogé et l'interlope Terry Venables débarque. Un choix étonnant, "El Tel" ayant depuis longtemps perdu son mojo, mais idoine vu par l'absurde prisme local. Leeds évite de peu la descente, Venables se brouille avec Ridsdale et est remercié après seulement huit mois. Ridsdale s'éclipse.

Peter Reid, viré de Sunderland à l'automne, raboule en mars 2003. L'équipe se délite et Reid est éjecté en novembre. En mars 2004, Leeds est placé en redressement judiciaire avec des dettes de 127 millions, record britannique pulvérisé. Deux mois plus tard, c'est la relégation en D2.

En novembre, le club doit vendre la paire Elland Road-centre d'entraînement de Thorp Arch pour des clopeanuts (12,4 millions), via un arrangement cession-bail avec un promoteur qui sous-loue le tout une fortune... à Leeds United (Elland Road sera racheté en 2017 pour 20 millions).

En mai 2007, Leeds est de nouveau placé en redressement et, lesté de 10 points de pénalité, descend en D3. Début août, la Football League, soutenue par l'écrasante majorité des 71 autres clubs lors d'un vote (64 à 5), fait démarrer Leeds en D3 à -15 points pour irrégularités liées à l'insolvabilité.

Sans ce fardeau, le manager Gus Poyet aurait fait remonter les Whites... Le sort s'acharne et l'expression "Doing a Leeds" entre dans le jargon footballistique. Marcelo Bielsa leur fera retrouver la Premier League en 2020.

 

Portsmouth FC, les années folles

Raconter par le menu le long dévissage de "Pompey", débuté en Premier League au milieu des années 2000 et conclu en 2013 par le crash en D4, serait fastidieux et étourdissant. Trop de propriétaires louches, de magouilles et de tourbillons. Concentrons-nous sur quelques faits saillants couronnant l'ensemble de l'œuvre d'un collectif hors pair.

Tout commence grosso modo en janvier 2006, quand Milan Mandaric refourgue le mal portant à Alexandre Gaydamak. Son daron, le milliardaire russo-franco-israélien Arcady Gaydamak, tire sans doute les ficelles. Un personnage sulfureux, alors résidant moscovite, bien connu de la justice française.

Grâce au flot non-stop de vedettes surpayées (Defoe, Crouch, Kanu, Kranjcar, Muntari, Sol Campbell, Glen Johnson, Lassana Diarra, etc.), Harry Redknapp arrive à maintenir Pompey, puis à le hisser dans le top 10 en 2007 et 2008, avec en prime la FA Cup et quelques performances remarquées en C3.

L'intense va-et-vient fait ressembler Pompey à un hall de gare : 77 joueurs recrutés entre décembre 2005 et l'été 2008 et autant d'évacués. Il se dit que Redknapp, parfois chafouin, toucherait quelques sucreries sur certains "mouvements" et que des virements, non déclarés au fisc, seraient effectués offshore.

De viles calomnies, bien sûr, et le tribunal acquittera l'ami Harry d'évasion fiscale en 2012, lors d'un cocasse procès où il sera notamment question d'un compte bancaire monégasque, par lequel auraient transité des rétrocommissions, ouvert... au nom de sa chienne Rosie.

Octobre 2008, Harry rompt son contrat à 4,2 millions l'année pour filer à Tottenham. On assiste alors à une exotique valse de propriétaires domiciliés aux Îles Vierges britanniques ou ailleurs et qui semblent se repasser le club. Noël 2009, la stat suivante amuse : Portsmouth compte plus de proprios depuis le début de saison (4) que de victoires (3) ! L'opacité est telle que les instances ne savent plus à qui s'adresser [2]...

L'inévitable redressement judiciaire de février 2010 est violent : 123 millions de dettes, 450 créanciers et un retrait de 9 points. Le club doit même respectivement 40.000 et 697 livres à une école et à la Scout Association de Guernesey (Redknapp essayait-il de passer son brevet de chef louveteau ?).

Le personnel n'est plus payé et la Haute Cour de Londres envisage la liquidation. Ironiquement, le sponsor principal est Jobsite... En mai, c'est la descente en D2 puis en février 2012 un nouveau combo redressement judiciaire-retrait de points (10) plombe la saison. Direction la D3, avec de nouveau 10 unités sucrées en avril 2013, ce qui plonge Pompey en D4.

 

 

Le Pompey Supporters' Trust parvient à racheter et sauver le club en collectant 2,5 millions, qui remboursent en partie les créanciers. En 2017, on touche aux limites du "fan-owned club"et le Trust doit le revendre à un fonds d'investissement états-unien. Portsmouth, aujourd'hui pensionnaire de D3, ne s'est jamais remis de ses Années Folles.

 

Exeter City, malgré Michael Jackson

Mai 2002, le septuagénaire Ivor Doble, président-propriétaire d'Exeter City (D4), cherche un repreneur pour son club de toujours. Un habitant du coin est intéressé : Uri Geller, le plieur de petites cuillères. Il débarque accompagné de son fils de vingt et un ans (Daniel), ainsi que Mike Lewis et John Russell, un duo qui traîne de robustes casseroles. What could possibly go wrong ?

Un journaliste BBC s'étonne de voir Geller autant s'investir à Exeter et lui demande ce qu'il connaît du foot. "Absolument rien, mais j'adore Exeter City !", lui répond tout excité le paramentaliste psychokinésique. Les supporters sont encore moins rassurés quand ils apprennent que Lewis et Russell voudraient démolir une partie du stade et vendre le reste du terrain à un promoteur immobilier...

Le "projet" est pour le moins flou. Les Geller veulent "créer un engouement mondial autour d'Exeter City" et Uri promet qu'il rencontrera les supporters, "les inspirera et leur expliquera comment soutenir les Grecians avec leur corps et esprit".

La situation financière est désespérée, les dettes s'élèvent à 2 millions. Certains mois, le syndicat des joueurs doit payer une partie des salaires de l'effectif. Mais un soutien de marque viendra bientôt booster le karma, et aussi les coffres espère-t-on, du malade : Michael Jackson.

Le 14 juin, le pote de Geller débarque à St James' Park, le stade d'Exeter City. La soirée est placée sous le signe caritatif, notamment celui, incongru, du "soutien aux enfants atteints du Sida et aux Africains dans leur combat contre le Sida et la malaria". Jackson est entouré de gamins malades ("I want some sick kids from hospitals", avait-il exigé de Geller).

 

 

L'illusionniste David Blaine a également été convié au Barnum, ainsi que la chanteuse Patti Boulaye, star de pubs pour savon au Nigéria et groupie de Margaret Thatcher, qui entonnera un gospel... Devant 10.000 spectateurs médusés, Jackson et Uri Geller hurlent "We love Exeter so much !" et enchaînent les déclas flippantes.

Geller : "Nous reprenons le club par respect [pour les habitants]. Michael Jackson fera connaître Exeter à l'international. Dès aujourd'hui, Michael peut légalement jouer un rôle clé au directoire du club, y compris voter sur les décisions majeures concernant l'effectif. Il pourra aussi assister aux matches à domicile et effectuer les déplacements avec les joueurs." 

Jackson est en transe. Il exhorte les spectateurs de se donner la main, se dire qu'ils s'aiment et qu'ensemble ils peuvent changer le monde et vaincre le racisme. Sa conclusion est délirante : "Nous pouvons aider le monde à vivre sans peur. C'est notre seul espoir ! Sans espoir, nous sommes perdus ! Je vois l'Israël ! Je vois l'Espagne !"

Las, ces incantations mystiques ne règlent ni les problèmes de trésorerie ni ceux de l'attaque en berne. Les recrues profitent de l'ambiance peace & love pour gratter des salaires sympas. Tel l'ex international Lee Sharpe, rétribué généreusement au match joué. Paul Gascoigne, approché, a décliné l'invitation.

Malgré les promesses répétées d'Uri Geller "d'utiliser ses pouvoirs paranormaux pour faire maintenir Exeter", le club finit avant-dernier et tombe en non-League (D5) pour la première fois en 80 ans, avant l'inévitable placement en redressement judiciaire. Les dettes ont doublé (4,5 millions) et les créanciers crient au scandale.

Le tandem Russell-Lewis et Uri Geller sont accusés de malversations diverses. "John Russell et Mike Lewis ont failli détruire Exeter City", écrira David Conn dans le Guardian en 2007, peu avant leur procès. Russell, le "cerveau financier" de l'affaire, écopera de 21 mois de prison.

Comme d'hab', il incombera à la collectivité et aux supporters de réparer les dégâts. L'Exeter City Supporters' Trust sauvera le club de la disparition.

 

Darlington FC, panique en cuisine

Été 1999, le milliardaire et ex-perceur de coffres forts George Reynolds rachète Darlington FC et ses cinq millions de dettes. "Darlo" est un moribond de D4 où les affluences dépassent rarement les 3.000. Un phénomène, ce Reynolds. Grâce à un certain génie et des méthodes peu orthodoxes, l'ancien taulard a fait fortune dans la production industrielle d'aggloméré-stratifié pour cuisines.

Il promet la Premier League pour 2005 et fait construire un stade de 26.000 places avec ascenseurs et escalators pour supporters, robinets plaqués or, urinoirs hi-tech, marbre et boiseries fines à l'étage. Consulté, son ami Uri Geller trouve l'idée géniale. Forcément.

 

 

Des noms ronflants sont annoncés, dont Faustino Asprilla et l'incontournable Gascoigne, qui préfèrera la Chine. Au final, seuls quelques journeymen des divisions inférieures rappliquent, attirés par les mirobolants salaires offerts.

L'équipe piétine, les affluences ne décollent pas (les spectateurs sont regroupés au centre d'une tribune du démesuré Reynolds Arena) et les dettes explosent. L'ambiance est invivable. Le sanguin Reynolds insulte ses entraîneurs et harcèle les journalistes jusqu'à chez eux. Sa femme, bombardée attachée de presse, pourrit publiquement tout le monde et accuse les joueurs de laisser filer les matches.

Quand le redressement judiciaire arrive fatalement fin 2003, les dettes atteignent les 20 millions ! Darlington est vendu à un consortium et Reynolds démissionne, non sans avoir frauduleusement retiré 500.000 livres en liquide (l'argent des repreneurs) à la banque du club. La police, alertée, trouvera le magot dans sa voiture.

Direction le tribunal pour Reynolds (il écopera de trois ans pour blanchiment d'argent et fraude fiscale) et les entrailles de la non-League pour Darlo qui se chopera deux autres redressements judiciaires, en 2009 et 2012.

Selon un refrain tristement connu, le club sera sauvé de la disparition par le Darlington Rescue Group, créé par les supporters. Tombés jusqu'en D9, les Quakers végètent aujourd'hui en D6, loin du faste du Reynolds Arena.

 

[1] Ridsdale démentira et se contredira par la suite, sans jamais révéler le salaire hebdomadaire offert à Seth Johnson. Il a évoqué le chiffre de 7.000 livres puis un salaire "au moins inférieur de 10.000 livres par rapport aux chiffres sortis dans la presse". Donc, 27.000 quand même, soit le double du maximum visé par l'agent. Interrogé, ce dernier est resté vague ("On avait une somme en tête et on a négocié. Et je vous assure qu'on n'a pas obtenu tout ce qu'on voulait. C'était une négo banale en somme.").

[2] Suite à cette affaire, et sous la pression du gouvernement travailliste, la Premier League renforcera sensiblement les critères du "fit and proper person test" à l'été 2009. Le Fair-play financier sera introduit en 2011. Portsmouth est le dernier club de PL a avoir été placé en redressement judiciaire.

 

Réactions

  • Tonton Danijel le 23/03/2023 à 15h07
    Amusant article. Je me demande ce que Michael Jackson est allé faire dans la galère d'Exeter (surtout qu'il supporte l'OGC Nice), bon, après, cela a l'air d'être son genre de se faire embarquer par des charlatans.

    Pour Leeds, je comprends mieux la disparition du club après sa demie-finale de C1...

  • OLpeth le 23/03/2023 à 15h16
    On peut pas rivaliser en France, hats off !

  • Tonton Danijel le 25/03/2023 à 08h29
    Hold my beer.

    (Bon, c'était pas à ce point, mais entre RMO et les Japonais d'Index, on a eu notre lot d'escrocs).

  • Hydresec le 26/03/2023 à 11h29
    Article succulent, bravo ! J'aimerais que la dégringolade du SCO soit racontée avec la même verve que celle que Kevin Quigagne a mise dans cet article. On en rirait, ce qui serait toujours ça de pris.

  • Mangeur Vasqué le 26/03/2023 à 23h44
    J'ai suivi de loin la triste déliquescence du SCO lien, c'est affligeant (malversations ou plutôt incompétence/mauvaise gestion, ou "accident" lié à la faillite de Mediapro ? Ou un mix ?).

    L’effroyable laxisme dans le foot anglais jusqu’à l’apparition du “ lien Fit and proper person test” en 2004 (renforcé en 2009 suite au carnage Portsmouth FC, comme le précise l’annotation # 2 sous l’article), tend à expliquer pourquoi tant d’escrocs ont pu sévir si aisément pendant longtemps.

    Je crois que la DNCG, créée en 1984, est (ou était en tout cas, pré-2009) beaucoup plus regardante et stricte que les instances anglaises, ce qui explique la différence entre les deux pays. En Angleterre, c’est la Football League et la Premier League qui jouent le rôle de gendarme financier et avant 2009 et le renforcement des critères du “fit and proper test person” pour les acquéreurs et dirigeants (en PL en tout cas, la FL ne suivit pas), il régnait un grand laisser-aller (pas mal de zones d’ombres subsistent cependant, surtout en FL où les critères sont moins stricts).

    Le football anglais a aussi toujours beaucoup plus attiré les entrepreneurs et capitaines d'industrie que la France, c’est l’une des raisons du formidable essor des clubs. Dans le lot, pas mal de margoulins et d’incompétents évidemment. Et puis en France, en général les municipalités ont davantage un droit de regard dans la gouvernance des clubs (de taille moyenne disons), souvent car le stade leur appartient et, sous la D1, des subventions sont ou étaient versées.

    Cet article lien de janvier 2010 répertoriait par exemple les faillites/redressements judiciaires et CVA (company voluntary arrangement/agreement lien) de clubs professionnels anglais de 1984 à 2009, quantité impressionnante (liste non exhaustive, + de 60 redressements en 25 ans. On remarque un pic entre 2001 et 2003 : ça correspond à la faillite d’ITV Digital, elle fit mal aux clubs des divisions inférieures – beaucoup de clubs s’endettèrent lourdement car ils tablaient sur les recettes ITV, et cela poussa certains à imaginer des solutions "alternatives" disons ; les Cahiers avaient parlé du fiasco ITV Digital lien) :

    Complete list of football clubs that have entered administration or a CVA in the last 25 years*:

    Charlton 1984
    Middlesbrough 1986
    Tranmere 1987
    Newport County 1989
    Walsall 1990
    Northampton 1992
    Kettering 1992
    Aldershot 1992
    Maidstone 1992
    Hartlepool 1994
    Barnet 1994
    Exeter 1994, 2003
    Gillingham 1995
    Doncaster 1997
    Millwall 1997
    Bournemouth 1997, 2008
    Darlington 1997, 2009
    Chester 1998, 2009
    Hereford 1998
    Portsmouth 1999, 2010
    Crystal Palace 1999, 2010
    Oxford Utd 1999
    Barrow 1999
    Swindon 2000, 2002
    Scarborough 2000
    Hull 2001
    QPR 2001
    Chesterfield 2001
    Leicester 2002
    Barnsley 2002
    Carlisle 2002
    Notts County 2002
    Bury 2002
    Bradford 2002
    Port Vale 2002
    Lincoln City 2002
    Swansea City 2002
    York 2002
    Halifax Town 2002, 2008
    Derby 2003
    Ipswich 2003
    Huddersfield 2003
    Oldham 2003
    MK Dons 2003
    Wimbledon 2003
    Wrexham 2004
    Cambridge 2005
    Crawley Town 2006
    Rotherham 2006, 2008
    Leeds United 2007
    Boston United 2007
    Southampton 2008
    Luton 2008
    Stockport 2009
    Salisbury 2009

  • Pier Feuil Scifo le 27/03/2023 à 20h18
    Excellent article, merci.
    Je crois qu'on a récupéré le regen de John Batchelor à l'OL...

  • Mangeur Vasqué le 27/03/2023 à 22h38
    Étrange en effet ce Textor. Il est en phase d'apprentissage chez vous lien, ça devrait vous rassurer... Textor serait derrière le limogeage un peu curieux de Patrick Vieira à Palace, surtout pour le remplacer par le "déjà deux fois retraité" Roy Hodgson (75 ans). Enfin, calendrier favorable pour Palace dans le "run-in" (en gros les 10 derniers matchs, ils ne rencontrent quasiment que des mal-classés comme eux) et ils récupèrent leur meilleur joueur et buteur, l'attaquant Wilfried Zaha (blessé de début février à la semaine dernière). Ils ont donc toutes les cartes en main pour se maintenir. En théorie.

    Oui, donc Textor aurait fait virer Vieira (à 7 heures du mat' par un bref coup de fil juste avant l'entraînement...), via le président du club Steve Parish. Parish, également co-proprio du club avec Textor, mais ce dernier possède presque la moitié des billes (deux de ses "sidekicks" USiens ont le reste, 36 %) et avec lequel Textor est déjà bien brouillé lien.

    John Batchelor était vraiment un personnage incroyable. J’allais voir York City à l’occasion (en D4) quand j’étudiais dans cette fabuleuse ville médiévale many moons ago (une décennie avant l’arrivée de Batchelor) et à chaque fois que je retourne à York, des supps Minstermen me parlent de lui, même s’ils étaient trop jeunes pour s’en rappeler vraiment. Il dégoûte autant qu’il fascine.

    Il avait aussi changé son nom en John B&Q lien quand il a persuadé le Leroy-Merlin britannique de le sponsoriser en 2001 pour ses courses autos (British Touring Car Championship).

    lien "WACKY touring car driver John Batchelor secured a £100,000 sponsorship deal - by changing his name to Mr B&Q! "

    La faute à cette fichue crise du quadra-quinqua : "John added: I got into a mid-life crisis three years ago, I packed in my job and set up a team. I used to sell toilet roll on an international scale. I spent many years on the road as a sales rep speeding along in my car and just found I could do it."

    Après, changer son nom en Angleterre n'est ni difficile ni coûteux, tu peux faire ça toi-même en ligne pour 20 £, le double si tu passes par une société spécialisée (encore plus si tu passes par un "solicitor", notaire dans ce contexte). Ça se fait par “deed poll”, par acte notarié unilateral. (Le “deed poll” est un document légal qui prouve le changement de nom, tu renonces donc totalement à ton ancien nom. Y’a plusieurs types de “deed polls” mais n’entrons pas dans les détails. “Deed” en “legalese” comme on dit = acte – acte notarié, juridique, authentique, etc.) Le changement de nom le + connu dans le foot anglais est incontestablement John Portsmouth Football Club Westwood lien.

    Par contre, le reste est contraignant et cher (faire changer tous les papiers, passeport, nom sur les diplômes/qualifications professionnelles, documents voiture, maison, titres de propriété, etc.). Un ancien collègue à moi dans les 1990s, m'a avoué un jour avoir changé de nom dans les années 1980. La raison : son frère était "trop connu" là où il vivait alors et il avait préféré ne pas porter ce nom qui l'aurait, selon lui, immédiatement (défavorablement) identifié comme étant le frangin. Il ne m'a jamais dit ni qui était son frère, ni ce qu'il avait fait et j’ai jamais cherché à savoir.

    Batchelor a dû bien fêter son nouveau nom en tout cas car avant de faire mouche avec B&Q, il avait contacté plus de 800 entreprises pour se trouver un sponsor. Il était tellement douteux que personne ne voulait voir son nom associé à ce taré de première. Son wiki: “He entered the British Touring Car Championship in 2001 and after asking over 800 companies for financial support he persuaded B&Q, the DIY megastore, to join him before the start of the season and also changed his name to John B&Q to help him gain lien

    Après Batchelor et son “York City Soccer Club”, le stade (Bootham Crescent) fut renommé “Kit Kat Crescent” (de 2005 à 2010) lien après un deal avec Nestlé...

    York City a joué son dernier match dans son antre historique de Bootham Crescent mai 2021, clip down Memory Lane : lien.. Persimmon, premier constructeur britannique de maisons et apparts (et basé à York), a racheté ce site de 1.7 hectares pour 7 millions et y fait actuellement construire une centaine d’unités d’habitation, probablement des T2-T3 de 50 m2 qu'ils vendront 400 boules.

    Persimmon prévoit d'incorporer une section “football heritage” dans ce nouveau lotissement, comme souvent dans ces cas-là. En l’occurrence, on trouvera un “memorial garden”, avec rond central et drapeau de corner, et aussi avec un morceau de la tribune mythique du stade, la Popular Stand lien (qui contenait la “gantry”, basique cabine pour les caméras TV), tribune latérale chère aux locaux puisque qu’elle servit d’abri anti-aérien pendant la Seconde guerre mondiale, avec son pendant en face, la Main Stand. Les sièges en bois de la Main Stand ont été vendus en 2021. C’etait alors les plus vieux du pays, ils dataient de 1932 (comme ceux de Saltergate à Chesterfield mentionné dans l’article mais Saltergate fut détruit avant, fermé en 2010 et rasé l’année suivante). Vendus avec tout le reste, même les projecteurs lien

  • Mangeur Vasqué le 27/03/2023 à 23h27
    Stade KitKat car gros héritage chocolat à York, l’usine Rowntree’s en particulier, employeur historique racheté par Nestlé dans les années 1980s. Héritage social fascinant.

    Les frères Henry et Joseph Rowntree (des philanthropes quakers) sont des personnages historiques célèbres outre-Manche, des réformateurs sociaux souvent décrits comme des employeurs modèles, les tenants d’un capitalisme social et innovateur pour l’époque. Joseph Rowntree en particulier a fondé tout un tas de “charities” pour aider les plus défavorisés, dont la Joseph Rowntree Foundation lien

    lien (“In 1904, aged 68, Joseph Rowntree established three organisations each with its own distinct purpose: the Joseph Rowntree Charitable Trust, the Village Trust (now the Joseph Rowntree Foundation) and the Joseph Rowntree Social Services Trust Ltd (JRSST) which, in 1990, became The Joseph Rowntree Reform Trust Ltd (JRRT)”.

    Tout comme l’autre grand du chocolat en Angleterre, la famille Cadbury à Birmingham lien, à la même époque (19è siècle).

    En bref, les Frères Cadbury (George et Richard, également des Quakers philanthropes) avaient une grosse chocolaterie dans le centre de Birmingham et quand elle devint trop petite, vers 1875 ils en firent construire une nouvelle dans un hameau situé à 6 kms du centre de B’ham lien.

    Y’avait plus de place et ça permettait de s’agrandir à l'avenir (z’étaient ambitieux), et aussi d’offrir plus d’espace, une meilleure hygiène (eau en particulier) et un meilleur cadre de vie à leurs employés, au lieu de moisir dans la pollution et la misère urbaine d’une métropole victorienne. C’était évidemment inhabituel en pleine révolution industrielle que des employeurs se soucient autant du bien-être de leurs ouvriers.

    Le ruisseau du coin s’appelle le Bourn et ils ajoutèrent “ville” pour faire plus français et un peu se bigger up. Ce hameau acquit donc le nom de Bournville lien. Inhabituel mais certains gros propriétaires et industriels (mines, latifondiaires, etc.) faisaient de même. Les Échos sur cette curiosité qu'est Bournville lien

    Dans les deux régions où j’ai habité en Angleterre, Yorkshire et North East, y’a pas mal de (superbes) petits villages appelés des “estate villages” (villages à l’intérieur d’un domaine), où les industriels logeaient leurs employés. Leurs descendants continuent cette tradition de “villages privés” lien.

    Y’a plusieurs "estate villages" dans le North East, au nord et à l’ouest de Newcastle surtout. Ils appartiennent souvent au Duc et à la Duchesse du Northumberland (qui crèchent au château-fort d’Alnwick, là où les deux premiers films Harry Potter ont été tournés). Important rôle de l’église aussi (autrefois) dans l’établissement de ces “estate villages”. Leur particularité est que les habitants ne peuvent que louer leurs superbes maisons (achats permis parfois mais c’est l’exception). On reconnaît souvent ces villages d’emblée à leur belle uniformité (architecture souvent identique ou similaire, même couleur de porte d’entrée, etc.). Le petit “estate village” de Blanchland, à 30 kms au sud-ouest de Newcastle (pas loin du Mur d’Hadrien), est célèbre et superbe (admirablement préservé, on y tourne des séries, films, etc.).

    La Cadbury Factory inspira Roal Dahl pour écrire “Charlie And The Chocolate Factory”. L’usine avait besoin de jeunes goûteurs et prenait des élèves d’écoles privées des Midlands pour goûter, et dans les années 1930 Dahl se porta volontaire. C’est devenu le Cadbury World lien, une attraction touristique pour familles, enfants et groupes scolaires.

    Nestlé a toujours une usine de production à York, là où sont (étaient ?) produits les KitKats. Je connais une Française qui y bosse, enfin bossait, dans l’unité de production Nestlé de Newcastle.

    Car depuis le Brexit, la production Nestlé s'est écroulé en Angleterre… Les directions de grosses boîtes comme Nestlé ne veulent pas se mêler de politique donc ils ne disent pas que c’est à cause du Brexit mais c’est un secret de polichinelle. La belle unité de production de Newcastle, qui comptait environ 650 employés, a d’abord réduit d’un quart juste après le referendum de 2016 et elle désormais est sur le point de fermer, dans quelques mois lien (perte de 474 emplois, délocalisation en Europe de l’Est, et un peu dans l’unité de production d’Halifax, West Yorkshire).

    L’unité de production de York a aussi perdu une bonne centaine d’emplois et devrait graduellement fermer ou tourner avec peu de monde. Jusqu’à fin 2021 (donc le début effectif du Brexit, la période de transition ayant couru jusqu’à fin 2020), Nestlé parlait encore d’investir 20 millions £ à York.

  • Pier Feuil Scifo le 28/03/2023 à 09h14
    Merci pour ces compléments et infos. Super intéressant. Tristoune pour le tissu industriel et social de ces contrées en revanche.

  • Tricky le 28/03/2023 à 12h57
    Ville sublime, York, effectivement.

    Au passage, un peu surpris que tu n'aies pas mentionné la deuxième lame du rasoir qui a tranché la jugulaire du LUFC, l'inénarrable (et proprement atroce) Kenneth 'It's the civil servants who are destroying the country anyway' Bates (celui qui avait également vendu Chelsea à Abramovich).

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