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Quand Ubu rencontre Kafka, ou la justice jusqu’à l’absurde

Les interdictions de déplacement de supporters et les interdictions administratives de stade relèvent d'une application arbitraire du droit par les juges et les autorités, dans l'indifférence générale. La liberté de supporter son club n'est toujours pas défendable.

Auteur : Pierre Barthélemy le 29 Avr 2014

 

 
En matière de police administrative, celle qui vise à prévenir les troubles à l’ordre public, les pouvoirs publics disposent d’une très importante liberté d’action, fondée à la fois sur des textes particulièrement permissifs et sur une jurisprudence au terme de laquelle le juge s’est borné à ne sanctionner que les illégalités les plus manifestes, laissant à l’administration une large marge d’appréciation. En théorie, la tâche est donc ardue pour obtenir la sanction des abus des pouvoirs publics. En pratique, cela se révèle encore plus complexe avec l’accumulation de décisions hâtives, erratiques ou ubuesques.

 


 


Des supporters presque sans recours

Concernant les déplacements de supporters, le code du sport permet au ministre de l’Intérieur ou aux préfets de prendre des arrêtés interdisant le déplacement de personnes "se prévalant de la qualité de supporter d'une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d'une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d'occasionner des troubles graves pour l'ordre public". Les recours contre ces arrêtés sont d’autant plus complexes à mettre en œuvre qu’ils sont souvent publiés le vendredi pour un match le dimanche. Un tel délai, presque abusif, interdit aux supporters et à leurs avocats d’engager efficacement les recours appropriés.
 

Pour contester ces arrêtés, les supporters ne peuvent donc compter que sur le référé-liberté, seul recours permettant d’obtenir une décision en quarante-huit heures. Malheureusement, un tel recours n’est recevable que si deux conditions – interprétées de manière restrictive – sont remplies. Il s’agit de démontrer, d’une part, le caractère urgent du recours, et d’autre part, l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
 

Longtemps, le juge administratif a considéré que se rendre au stade n’était pas un corollaire de la liberté d’aller et venir mais un simple "loisir" indigne de son office. Dès lors, les pouvoirs publics se sont permis de coupables largesses entre arrêtés interdisant tout un département aux supporters du club visiteur (Rennes–PSG) et arrêtés interdisant le déplacement aux seuls membres d’associations de supporters dissoutes, même munis de billets.
 


Le Conseil d'État ignoré

Deux décisions sont venues réguler ces atteintes grossières mais pas anodines (méconnaître un arrêté expose à de l’emprisonnement) aux droits des supporters. D’abord, le tribunal administratif de Rennes a suspendu l’arrêté interdisant l’accès à tout le département aux supporters parisiens en ce qu’il excédait les alentours du stade. Puis le Conseil d’État a enjoint au préfet de ne pas mettre à exécution ce même arrêté car il excédait manifestement ce qui est nécessaire à la sauvegarde de l’ordre public et parce qu’il se fondait exclusivement sur l’appartenance à une association, sans tenir compte du comportement des intéressés.
 

Les juges administratifs n’ont donné aucune suite à cette décision du Conseil d’État, et les préfets ont continué, sur instructions politiques, d’abuser d’arrêtés bâclés. Ainsi le tribunal administratif de Toulouse a-t-il considéré de manière lapidaire qu’aucune atteinte manifestement illégale à la liberté d’aller et venir de ces supporters n’était caractérisée. Celui de Lyon a même refusé de se prononcer au motif que "les dispositions de l’arrêté […] ne visent pas les personnes qui appartiennent à une association de supporters» alors même que l’arrêté disposait que «l’accès au stade […] est interdit […] aux personnes ayant appartenu à une association ou à un groupement de fait de supporters du PSG dissous". Quand Ubu juge, y a-t-il vraiment justice? Que reste-t-il aux supporters lorsque des décisions discrétionnaires ne peuvent souffrir la contradiction devant un tribunal?

 

Des contradictions indignes d'un État de droit

Les interdictions administratives individuelles de stade telles que prévues depuis 2006 (loi relative… au terrorisme) visent des individus dont le comportement à l'occasion de manifestations sportives laisse à penser qu’ils constituent une menace pour l'ordre public. Contrairement aux interdictions judiciaires, ces arrêtés s’appliquent sans droit à un procès contradictoire préalable et, en pratique, sur la seule foi des craintes des pouvoirs publics pour la sauvegarde de l’ordre public et à leur seule discrétion.


Contre ces interdictions, les supporters disposent de trois recours. En plus du référé-liberté, ils peuvent solliciter du juge des référés qu’il suspende en urgence une décision dont la légalité souffre d’un doute sérieux. Enfin, le recours au fond, plus facile d’accès, est hélas parfaitement inutile puisqu’il intervient plusieurs années après l’échéance de l’interdiction contestée.
 

Concernant les deux recours en urgence, il n’existe aucune visibilité juridictionnelle. En effet, pour une même interdiction, les tribunaux tranchent d’une manière différente: absence d’urgence (Amiens), d’atteinte à une liberté fondamentale (Cergy-Pontoise), d’atteinte grave et manifestement illégale (Paris, Melun)… Ces contradictions répétées et malheureuses sont d’autant plus indignes d’un État de droit que les arrêtés contestés sont purement discrétionnaires et le recours à la cassation du Conseil d’État très onéreux en raison du monopole des avocats au Conseil (qui peut dépenser 5.000 euros pour espérer obtenir la suspension d’une interdiction de trois mois?).
 


L'IAS, sanction autonome et arbitraire

L’actualité met ces dysfonctionnements en exergue avec les dizaines d’interdictions de stade prononcées contre des supporters parisiens. Sans aucun élément de preuve et en ne respectant la procédure que pour la moitié d’entre eux, les services préfectoraux ont prononcé des interdictions de stade de mois mois, illégales. Ces dernières, qui devraient faire l’objet de mesures individuelles font l’objet d’une même rédaction pour tous: la Préfecture de police de Paris a même justifié ces arrêtés collectifs en admettant être incapable de démontrer les comportements des différents individus lors de la rencontre à Amiens. En creux, elle concède donc qu’elle n’a pas de preuve. Elle concède aussi qu’elle n’a visé que quelques dizaines de supporters sur les trois-cents présents. Bref, des décisions aussi arbitraires que discriminatoires.
 

Pour prononcer ces interdictions, la préfecture aura par ailleurs attendu… quatre mois, dénaturant ainsi le sens de ces mesures d’urgence, censées préserver l’ordre public dans l’attente d’une intervention du juge. L’interdiction administrative de stade est alors devenue une sanction autonome et arbitraire alors même qu’elle ne peut se justifier qu’en tant que mesure de prévention.
 

Il est inquiétant de constater que la croissance des abus des pouvoirs publics en matière de droits et libertés des supporters ne trouve pour écho que les errances ou les démissions du juge administratif, garant de la légalité des décisions de l’administration et de la cohérence de l’interprétation du droit. Confortés par des médias soit complaisants, soit interdits devant l’obscurité technique du droit, les pouvoirs publics se transforment en organe répressif sans pour autant garantir de manière plus efficiente la sauvegarde de l’ordre public.

 

Réactions

  • KL le 29/04/2014 à 20h18
    "Les juges administratifs n’ont donné aucune suite à cette décision du Conseil d’État, et les préfets ont continué, sur instructions politiques, d’abuser d’arrêtés bâclés."
    ---
    S'il est effectivement possible pour des juges administratifs et des préfets de tout simplement ignorer les décisions du Conseil d'Etat, à quoi sert-il? C'est un problème qui semble aller bien au-delà des libertés des supporters, c'est un problème de fonctionnement de la justice.

  • Chantôminho le 05/05/2014 à 09h31
    Il est possible de saisir le Conseil d'Etat en cassation pour qu'il sanctionne les errements des tribunaux administratifs.
    Mais d'une part, il intervient après la rencontre (le zèle dont a bénéficié le Ministère de l'Intérieur dans l'affaire Dieudonné étant la seule exception connue en 200 ans) ; d'autre part, cela exige de prendre un avocat au Conseil dont le coût se situe entre 3.000 et 5.000 euros, barrière infranchissable.

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