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"Les intellectuels et le football" : liaisons dangereuses, essai fatal

Dans un court essai, Marc Perelman dresse l\'édifiant panorama des discours bêtifiants tenus par certains intellectuels français suite aux victoires des Bleus en 1998 et 2000. Mais ce travail critique est discrédité par une vision univoque et une certaine méconnaissance de son sujet…

Auteur : Nico Paul le 11 Sept 2002

 

 

La rentrée scolaire et universitaire sonne le glas des lectures de plage: abandonnez votre biographie de Marcel Desailly et passez à la vitesse supérieure… Pour se faire, rien de mieux que cet essai de Marc Perelman — professeur à Paris X-Nanterre — sorti une première fois en 2000, récemment corrigé et augmenté à l’occasion du Mondial nippo-coréen : Les intellectuels et le football… Ce court écrit présente une vision résolument critique du monde du football et du sport en général. Si l’auteur ne bénéficie pas des clémences médiatiques (et pour cause: on imagine mal Thierry Roland inviter sur son plateau un universitaire, architecte et philosophe…), sa renommée dans la discipline est aujourd’hui établie. L’homme n’a pas pour habitude de traiter le sujet avec nuance: il déteste le sport en général et le football en particulier. La critique est souvent juste, mais aussi souvent caricaturale, mais elle présente en tout cas le mérite de susciter la réflexion.

 

 

Critique de la déraison footbalistique

Sous-titré "Montée de tous les maux et recul de la pensée", Les intellectuels et le football, annonce la couleur dès la première page. Il faut dire que depuis le sacre Bleu un soir d’été 1998, journalistes, écrivains, et autres penseurs hexagonaux ont donné dans la surenchère pour mettre en relief l’événement. Au fil des pages, on prend ainsi plaisir à se gausser avec Marc Perelman du discours convenu et somme toute simpliste d’une partie de l’intelligentsia de notre pays sur l’évènement mondial, et, deux ans plus tard, sur l’Euro 2000. Jean-Luc Godard, Jean-Marie Colombani (directeur de la publication du journal Le Monde), la gauche plurielle autant que l’extrême-gauche: chacun en prend ainsi pour son grade. Marc Perelman appuie là où cela fait mal en rappelant par exemple quelques envolées lyriques de bas étage du "philosophe" Alain Finkelkraut. L’auteur n’oublie pas non plus d’égratigner (de balafrer plutôt) le sociologue Edgar Morin, parti abusivement dans des comparaisons entre création artistique et football… Quant à Pierre Zarka, on s’étonne avec l’auteur de lire de sa plume de journaliste de l’Humanité que l’engouement suscité par le Mondial "peut permettre (…) d’endiguer la marée de l’argent"…

 

Si la critique est bien sentie, elle n’est pourtant pas d’une portée fulgurante. Curieux paradoxe: l’ouvrage accorde plus d’intérêt au rappel des thèses défendues depuis plus de quarante ans par ce que l’auteur appelle un courant politique permanent de la critique radicale du sport, qu'à la dénonciation des intellectuels annoncée par le titre. Sa dénonciation de la place disproportionnée qui est faite au sport dans la vie des gens en général, et des jeunes en particulier, semble en effet particulièrement pertinente, concernant une société dans laquelle les bureaux de vote se vident pendant que les stades se remplissent ("Le football est désormais assimilé à une revendication sociale ou à un droit par ceux qui n’ont plus que cela pour s’exprimer", p.14). Ses prises de positions sur le parallèle réalisé, dans une campagne publicitaire de SOS Racisme, entre l’expulsion de Marcel Desailly en finale de Coupe du Monde et celles des sans-papiers, apparaissent légitimes au regard de la maladresse et du caractère peu opportun de l’initiative de l’association. Et comment ne pas acquiescer quand il reproche au foot d’être "le Capital sous la forme de la fête", et aux joueurs de se faire les artisans de ce nouvel ordre mondial ("Les footballeurs ne sont pas prisonniers du mur de l’argent" p.23).

 

 

De la caricature grotesque à la mise en cause de personnes

Pour autant, si ces aspects révèlent une analyse pertinente des enjeux idéologiques du football, l’auteur se perd parfois dans des déclarations particulièrement hasardeuses. Ce qui lui fait finalement un piètre point commun avec les penseurs qu’il dénonce dans son essai. Le problème avec les brûlots de ce type, c’est qu’à vouloir s’acharner sur sa victime on finit par frapper trop, trop fort, et surtout trop souvent à côté. A de nombreuses reprises, l’auteur fait ainsi montre d’une méconnaissance totale du football, qui fait perdre en crédibilité à son étude. C’est d’abord la victoire des Bleus qui est jugée douteuse ("La victoire de l’Equipe de France sur celle de Ronaldo dans des conditions qui resteront curieuses pour le connaisseur", p.12… Notons qu’en l’occurrence, ce sont plutôt les novices et les gogos gobeurs de pub qui imaginaient les Sud-américains aisément vainqueurs).

 

C’est ensuite la technicité du football qui est remise en question. Quiconque a déjà évolué sur une pelouse ne pourra s’empêcher de lâcher un sourire en lisant ces quelques lignes "Le grand savoir-faire [du football] se résume à frapper dans la balle pour la mettre au fond des filets et éviter de prendre trop de coups" (p.19). Tout au long du texte, on est aussi étonné de la véhémence de l’auteur qui confine parfois à l’aveuglement. La vision qu’il se fait des amateurs de ballon rond est souvent plus bête que la bêtise qu'il entend dénoncer. Florilège : "le football s’est substitué à Le Pen, car il est l’autre expression bestiale, celle du ventre, des tripes, de l’animalité la plus brutale" (p.15); "[les supporters] s’agglutinent devant les écrans géants pour assister mieux qu’à la télévision à leur "victoire" et la fêter comme il se doit (beuveries et éructations collectives, pathologies caractérielles de la fête" (p.18). Enfin et surtout, l’auteur dénonce des pratiques qui lui semblent scandaleuses mais ne se prive pas de l’usage de procédés nauséabonds. Le recours systématique à la mise en cause de personnes (les uns traités de "staliniens", les autres de "gnomes de la pensée"…) en est un bon exemple. Mais ce n’est rien comparé aux déclarations sur le viol subi par une lanceuse de marteau par ses collègues masculins il y a quelques années: "Cinglant recul de la pensée critique qui prend fait et cause pour des sportives effectivement mises à mal par d’autres sportifs mais dont l’intérêt pour ce sport indique un déficit d’intelligence inquiétant" (p.8)… Sans commentaires…

 

 

Finalement, si ce petit texte exaspère souvent, il présente l’avantage de susciter le débat sur nos pratiques critiques concernant le football et nos présupposés en la matière. Il est bon également de compléter la lecture par son ouvrage précédent, co-écrit avec Jean-Marie Brohm, sorti en 1998 et intitulé Le football, une peste émotionnelle (joliment sous-titré: "planète des singes, fête des animaux."). Si certains thèmes s’avèrent communs avec Les intellectuels et le football, l’analyse est plus approfondie sur la critique du sport en tant que telle. Une longue comparaison entre art et football vaut également de prendre le temps de lire ces quelques pages. Pour conclure, on ne pourra manquer de souligner l’hommage involontaire que rend Marc Perelman aux Cahiers du football. En préambule de son essai, celui ci déclare ainsi "On pourrait en outre être étonné (…) que les anti-mondialisations (Attac entre autre), si performants, dans les luttes de terrain n’aient pas encore repéré le football comme le principal vecteur de ce contre quoi ils s’exaspèrent…". Nous ne pouvons que lui conseiller de lire les rubriques politiques et économiques sur nos pages…

 

Les intellectuels et le football, Marc Perelman, Les Editions de la Passion, 2002 (3e édition), 5€
Le football, une peste émotionnelle
, Jean-Marie Brohm et Marc Perelman, Les Editions de la Passion, 2002 (2e édition), 5€.
Note additionnelle
Marc Perelman s'est également signalé par la publication en janvier 98 (au moment de l'inauguration du Stade de France) du Stade Barbare aux éditions "Les petits libres". Bien plus efficacement que les stades auxquels il prête cette propriété, il y réduit déjà les spectateurs de football à une masse informe désindividualisée et à des stéréotypes éculés. Au contraire de Christian Bromberger — auquel on peut certes reprocher le caractère apolitique de ses analyses (1) — Perelman nie toute diversité, toute distance des spectateurs au spectacle, de même qu'il ignore totalement le "contenu" du spectacle, le jeu lui-même. A l'en croire, en sortant d'un match, nous ne serions plus que des abrutis lobotomisés et des nazis en puissance. Ses écrits s'apparentent ainsi le plus souvent à une pure projection de fantasmes sur une réalité absolument pas investie par l'enquête. La critique des idéologies du sport de masse et du football professionnel mérite nettement plus d'efforts que l'insertion d'adjectifs comme "totalitaire", "régressif", "morbide", "réifié", "hystérique" dans des sentences qui en disent plus sur leur auteur que sur son objet d'étude. J.A.

(1) Le match de football, Ethnologie d'une passion partisane à Marseille, Naples et Turin, Christian Bromberger, Maison Des Sciences De L'homme, 1995.

Réactions

  • Resist le 11/09/2002 à 14h13
    on a toujours opposé l'esprit au muscle et on a toujours mal vu les rats de bibliothèques se transformer en althérophiles ou des sportifs se risquer à réfléchir (ce qui n'empêche pas de douter quand on écoute certains quand même:-). mais c'est, en règle générale, l'image reçue et ressortie réguliè lien devrait opposer à ces opportunistes de l'ambiguité les camus, ambrose, et autres céline qui aimaient le sport en général et le foot en particulier sans se sentir diminués. camus disait que "tt ce qu'il savait de la moralité et des obligations des hommes, il le devait au foot".

    pardon pour le message perso la rédac:-) je suis ravie, mais ravie de vous relire...

  • MajorFatal le 11/09/2002 à 16h51
    Pour surenchérir sur Resist, tout personne ayant vu le match de philosophes Grèce-Allemagne, organisé par les Monthy Python, sait que beaucoup de philosophes pratiquent assidument le foot, même si c'est à leur manière...
    ;-)

  • Le Plan le 11/09/2002 à 17h28
    Ahh Major, merci de m'avoir fait rire de bon matin rien qu'a l'evocation du match des philosophes Grece - Allemagne !!!!!

  • Moser le 11/09/2002 à 20h27
    Ce type veut-il se faire un nom, si oui son combat est un peu misérable sauf si on considère que le foot est l'opium du peuple..
    A moins que cela ne vienne d'un trauma genre : un footballeur inculte qui lui pique sa nana que ses allégories platoniciennes n'ont pas fait frémir..( difficile à croire quand même)
    Il y a sûrement d'autres essais critiques sur le sport et le foot en particulier (leur trop grande importance, leurs dérives, leur récupération) en plus nuancés et moins règlement de comptes.
    Remarquez, quand on lit la réaction de Wenger à propos du message transmis par T.Henry après son dernier but, on a de quoi se poser des questions :
    "C'est bien. C'est un moment que les spectateurs attendent, ils veulent voir ce qu'il y a écrit, cela fait travailler les méninges, et je ne vois pas pourquoi cela serait puni tant qu'il n'y a pas de mauvaises choses inscrites sur le maillot".

    PS à Le Plan : c'est quoi cette tendance de dénigrement systématique de Zidane sur les CDF depuis qqes jours ?
    Avant c'était le meilleur maintenant c'est un tocard qui n'a jamais rien prouvé ? : No entiendo !!!


  • Le Plan le 12/09/2002 à 18h55
    Il s'agit d''une coincidence Moser.

    D'une part j'en ai ras la casquette de voir que l'equipe de france actuelle ne concoit rien sans Zidane.

    D'autre part je me souviens de la coupe du monde 98 de Zidane, et je voulais rappeller que si Ronaldo a loupe sa finale de coupe du monde (et encore, je suis pas sur que ROnaldo ait ete le plus mauvais bresilien ce soir la), Zidane a quand meme loupe tous les autres matchs.

    Cela n'a rien a voir avec son DVD, ses pin's parlant sur TF1 ou le fait qu'il joue au Real Madrid.

  • loustic is back le 13/09/2002 à 17h12
    Je suis d'accord avec Le Plan sur Zidane actuellement !
    Actuellement, Zidane en EDF est loin d'être transcendant.
    Il a été exceptionnel en 2000, invisible sauf pour la finale en 1998.

  • ferruciodenis le 13/09/2002 à 21h07
    réaction

    Harvest a tout compris à la prose de l'intellectuel :))

    Sinon, Jean-Marie Brohm a soutenu sa thèse en 1976. Titre: sociologie du sport. Grande influence marxiste, et étude plutôt complète et érudite, autant sur les phénomènes de foules, que sur le culte de la performance, l'homme-machine, l'organisation de compétitions sportives par les régimes autoritaires...
    C'est toujours instructif. Son plus grand défaut serait peut-être d'être l'un des seuls ouvrages recensable sur le sport en tant que fait social. Il y a matière pourtant.

  • Moser le 14/09/2002 à 00h25
    Loustic tu charries, Zidane est avant tout meneur de jeu et le nombre de passes et de lancement de jeu qu'il provoque à chaque match sont énormes. Alors bien sur un Rivaldo, qui n'a rien gagné en Club est surement plus spectaculaire mais à mon avis tous les entraîneurs prennent Zidane sans hésiter s'il avaient le choix

  • leo le 14/09/2002 à 11h35
    En clubs, Rivaldo a été 5 fois champion ( 2 fois avec Barcelone, dont un doublé Coupe-Championnat) et 3 fois avec Palmeiras. Zidane a gagné 2 scudettos avec la Juve et la LdC avec le Real Madrid.
    Sur le choix des entraîneurs, je ne suis pas si sur que toi, Moser. Entre un joueur qui est un grand meneur de jeu, qui peut faire des bonnes passes décisives et bien orienter le jeu et un joueur qui lorsqu'il est à moins de 30 mêtres des buts adverses est capables de marquer à tout moment (tant en action de jeu que sur coup-franc) ou lui aussi de donner un caviar, je crois que le choix est plus difficile que tu ne le penses.

  • Enzo El Principe le 18/09/2002 à 17h10
    COMMENT NE PAS PARLER DE FOOT
    (Umberto Eco, 1992)

    Je n'ai rien contre le foot. Je ne vais pas au stade pour les mêmes raisons qui font que je n'irais jamais dormir la nuit dans les passages souterrains de la Gare Centrale de Milan (ou me balader à Central Park àNew York après six heures du soir), mais il m'arrive de regarder un beau match à la télé, avec intérêt et plaisir car je reconnais et apprécie tous les mérites de ce noble jeu. Je ne hais pas le foot. Je hais les passionnés de foot.
    Comprenez-moi bien. Je nourris envers les tifosi un sentiment identique à celui des partisans de la Ligue Lombarde envers les immigrés extra-communautaires : "Je ne suis pas raciste, à condition qu'ils restent chez eux." Par chez eux, j'entends leur lieu de réunion en semaine (bar, famille, club) et les stades le dimanche où je me fiche de ce qu'il peut arriver, où ce n'est pas plus mal si les hooligans déboulent, car la lecture de ces faits divers me divertit, et puisque ce sont des jeux du cirque, autant que le sang coule.
    Je n'aime pas le tifoso parce qu'il a une caractéristique étrange : il ne comprend pas pourquoi vous ne l'êtes pas, et s'obstine à vous parler comme si vous l'étiez. Pour bien faire comprendre ce que je veux dire, je vous donne un exemple. Je joue de la flûte à bec (de plus en plus mal, à en croire une déclaration publique de Luciano Berio, et je suis ravi de me savoir suivi avec tant d'attention par un Grand Maître). Supposons maintenant que je sois dans un train et que, pour engager la conversation, je demande au voyageur assis enface de moi :
    - "Avez-vous écouté le dernier C.D. de Frans Brüggen ?
    - Pardon ?
    - La Pavane Lachryme. À mon avis, le début est trop lent.
    - Excusez-moi, je ne comprends pas.
    - Je parle de Van Eyck, voyons ! (en articulant) le Blockflöte.
    - Oh, vous savez, moi... Ça se joue avec un archet ?
    - Ah, je vois, vous ne...
    - Je ne...
    - Comme c'est curieux. Mais savez-vous que pour une Coolsma faite à la main il faut attendre trois ans ? À ce compte-là, mieux vaut une Moeck en ébène. C'est la meilleure de toutes celles qu'on trouve dans le commerce. C'est Rampal lui-même qui me l'a dit. Au fait, vous êtes déjà allé jusqu'à la cinquième variation de Derdre Doen Daphne d 'Over ?
    - J'en sais rien, moi je vais à Parme...
    - Ah, j'y suis, vous ne jouez que de l'alto. C'est en effet plus satisfaisant. À propos, j'ai découvert une sonate de Loeillet qui...
    - L'oeil quoi ?
    - Je voudrais bien vous y voir dans les fantaisies de Telemann. Vous vous en sortez ? Vous n'allez pas me dire que vous utilisez le doigté allemand ?
    - Vous savez, moi, les Allemands... Leur BMW est sans doute une grande voiture et je la respecte, mais...
    - J'ai compris. Vous pratiquez le doigté baroque. Très juste. Prenez ceux de Saint Martin in the Fields... "
    Voilà. Je ne sais si j'ai bien rendu l'idée, mais je crois que vous approuveriez mon malheureux compagnon de voyage s'il se suspendait au signal d'alarme. Eh bien, ça se passe exactement comme ça avec les tifosi. Le pire, ce sont les chauffeurs de taxi :
    - "Vous avez vu Vialli ?
    - Non, il a dû passer pendant que je n'étais pas là."
    - "Vous regardez le match, ce soir ?
    - Non, je dois travailler sur le livre Z de la Métaphysique, vous savez, le Stagirite.
    - Bon. Regardez et vous m'en direz des nouvelles. Pour moi, Van Basten pourrait être le Maradona des années 90, vous croyez pas ? Mais enfin bon, faut pas non plus perdre de vue Hagi."
    Inutile d' essayer de l' interrompre, autant parler à un mur. Ce n'est pas qu'il se fiche complètement du fait que je m'en fiche complètement. C'est qu'il ne peut concevoir que quelqu'un puisse s'en ficher complètement. Il ne le concevrait même pas si j'avais trois yeux et deux antennes plantées sur les écailles vertes de mon occiput. Il n'a aucune notion de la diversité, de la variété et de l'incomparabilité des Mondes Possibles.
    J'ai donné l'exemple du chauffeur de taxi, mais c'est pareil avec un interlocuteur appartenant aux classes dominantes. À l'instar de l'ulcère, ça frappe aussi bien le riche que le pauvre. Il est toutefois curieux que des êtres si clairement convaincus de l'égalité des hommes soient prêts à aller casser la gueule au premier tifoso de la province voisine. Ce chauvinisme oecuménique m'arrache des cris d'admiration. C'est comme si les partisans de la Ligue s'écriaient : "Laissez venir à nous les Africains. On va pouvoir leur régler leur compte."

La revue des Cahiers du football