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Les arbitres français ne sifflent pas plus que les autres

Contrairement au poncif en vigueur, les arbitres de L1 sifflent moins de fautes et donnent moins de cartons que leurs confrères du top 5 européen – Anglais exceptés. Les chiffres.

Auteur : Jérôme Latta le 14 Fev 2014

 

 

C'est un des lieux communs les plus souvent assénés sur les plateaux de télévision, un présupposé indiscutable et indiscuté, une vérité qui va tellement de soi que personne ne l'a jamais vérifiée: pourquoi s'en donner la peine, alors que tout le monde s'accorde sur elle pour alimenter le sempiternel procès des arbitres français? Ces derniers, donc, "sifflent trop", ils nuisent au jeu par leurs interventions trop nombreuses et leur manque de discernement.
 

Il n'était pourtant pas très difficile de confronter cette idée reçue (grand classique du Canal Football Club notamment) avec la réalité, à l'heure où la production de statistiques est abondante. La société Opta nous a aimablement procuré une donnée simple: le nombre de fautes sifflées par match dans les cinq grands championnats européens, au cours des quatre dernières saisons.

 

Statistiques fautes sifflées championnats européens

 

Le premier constat est qu'à l'exception de la Premier League, qui présente des moyennes exceptionnellement basses, cet indicateur varie assez peu avec un delta de trois fautes entre les quatre autres championnats. Le second réside dans le fait que la Ligue 1 est... le deuxième championnat où l'on siffle le moins de fautes (28). Ceci depuis deux saisons: la tendance est à la baisse partout, mais cette baisse est particulièrement marquée en France. Or, la Direction nationale de l'arbitrage a justement passé, depuis trois ans, la consigne de moins intervenir dans le jeu. Souvent décriée, on constate que la DNA a en l'espèce mené une politique suivie d'effets... mais pas de reconnaissance de la part de nos experts médiatiques.


Si, donc, la Premier League semble illustrer la rengaine "En Angleterre, c'est jamais sifflé", la surprise vient de ce que la Bundesliga est la compétition dans laquelle les arbitres interviennent le plus souvent. En d'autres termes, les deux championnats souvent considérés comme les plus spectaculaires montrent des pratiques arbitrales complètement opposées sous cet angle...

 

Statistiques cartons jaunes cartons rouges championnats européens

 

Un autre indicateur – d'interventionnisme ou de sévérité – peut être consulté: celui du nombre d'avertissements et d'expulsions signifiés. Au classement des cartons jaunes, les arbitres français arrivent derniers cette saison avec 3,2 par match, à distance de la Liga (5) et de la Serie A (4,8), dans les eaux de la Premier League. La Ligue 1 est avec la Bundesliga, le championnat dans lequel il "faut faire" le plus de fautes (environ 16) pour voir un carton jaune. Constat inverse pour la Premier League, dans laquelle une dizaine suffisent.


Pour les cartons rouges, la Ligue 1 se place plutôt dans le haut du classement, avec 0,24 expulsions par match, à égalité avec la Liga et en deçà de la Serie A (2,6). Le ratio rouges / jaunes est le plus élevé en France: 1 pour 13, à l'opposé de l'Angleterre (1 pour 23) – où, comme les fautes, le nombre d'exclusions est remarquablement faible. En proportion des avertissements, on peut donc dire que nos arbitres ont la détente plus facile sur les expulsions, sans pour autant se distinguer en valeur absolue.
 


Siffleurs et persifleurs

Pour bien faire, il faudrait interroger tous les autres déterminants de l'intervention des arbitres: l'engagement physique, l'intensité du jeu, le comportement des joueurs, leur respect relatif des décisions arbitrales. Mais aussi la "composition" des fautes sifflées et les proportions des différentes natures de celles-ci: brutalités, antijeu, contestations, hors-jeu, etc. Il reste que ces données suffisent à démentir l'image d'agents de la circulation et d'excités du sifflet collée aux arbitres français avec une belle constance sur presque toutes les antennes.


On a souligné récemment la contradiction qu'il y avait, d'un côté à vouloir protéger les joueurs et à s'outrager à chaque blessure grave contre les "bouchers" qui sévissent sur les terrains pour, de l'autre, stigmatiser un interventionnisme excessif. Arbitrer est une tâche complexe, qui consiste à chercher un compromis jamais complètement idéal, en particulier entre les nécessités contradictoires de la sévérité et de la "psychologie": en d'autres termes, il s'agit de lâcher la bride au jeu tout en tenant les rencontres pour les empêcher de dégénérer. Le débat sur l'arbitrage devrait s'intéresser à cette complexité. Et aux faits plutôt qu'aux préjugés.

 

Merci à Opta et Julien Momont.
Lire aussi : "Six idées fausses sur les règles".

 

Réactions

  • pantelic le 14/02/2014 à 12h01
    Le mieux possible en termes d'arbitrage (pour des matchs de qualité), ce sont des arbitres qui sifflent peu mais sont très sévères. Un joueur qui prend un jaune pour antijeu est un joueur qui ne cassera pas une nouvelle action.

    Pas étonnant que la PL soit le meilleur championnat de ce point de vue là, on le ressent en le voyant.

    EN ligue 1, les arbitres sont trop "indulgents" niveau carton, ce qui d'apres les commentateurs est souvent une formidable preuve de psychologie mais qui détruit ( ça et les pertes de temps-discussions de 2h) le jeu.

  • SuperColleter le 14/02/2014 à 12h09
    @Fabraf
    J'aimerais bien voir le nombre de coups francs sifflés par les arbitres anglais, allemands, etc. en champions league, donc des matches de clubs non issus de leurs pays, histoire de voir s'ils sifflent plus/moins/pareil. Si les chiffres sont les mêmes, ça voudrait dire que l'UEFA ne base pas son classement sur ce critère.
    En France, pour en avoir quelques échos, on en est à reprocher à des arbitres (de CFA, certes mais c'est la même Direction nationale et ce sont les arbitres de L1 de demain)après des matches sans problème de ne pas s'être assez montré. On veut (en tout cas voulait l'an dernier) des personnages, genre Colina, ce qui nous a donné des Chapron. Si la France et l'UEFA/FIFA demande des choses différentes aux arbitres, pas besoin d'aller chercher très loin pour expliquer leur absence à la CDM.
    Voilà voilà.

  • A la gloire de Coco Michel le 14/02/2014 à 12h52
    Pour certains l'absence de trio arbitral français à la WC est révélateur du mauvais niveau des arbitres français.
    Pourtant il y a toujours eu un trio français depuis la WC 1974. Y avait-il moins de polémiques entre 1974 et 2010? Je ne pense pas.

    Et Lannoy a arbitré une demi-finale du dernier Euro, pas mal pour un gros nullos. Indépendamment du niveau de l'arbitrage français, selon la presse l'absence de Lannoy de la liste de la WC 2014 tiendrait davantage de sa blessure fin 2012, du bon niveau de ses concurrents (comment ?! Les estrangers ont le droit d'être meilleurs que nous ?!), voire de la lutte interne au sein de la DTN arbitrage.

  • Doc Emett Brown le 14/02/2014 à 13h00
    Très inintéressant cet article. Mais d'où vient cette impression que les arbitres étrangers sifflent moins ? Uniquement des matches de PL ?

    La question est à creuser et, comme c'est dit dans l'article, il faudrait maintenant avoir des stats plus poussées, nous permettant de savoir ce qui est sifflé exactement. Et c'est vrai que la question du temps de jeu effectif est intéressante aussi.

    Sinon, petit HS, on peut lire dans l'article "le nombre de fautes sifflées par match dans les cinq grands championnats européens" (ce qui fait écho à un tweet que je vous ai envoyé hier). Je vous signale que la L1 est sixième à l'indice UEFA, que ce n'est pas la première saison, que ça ne va pas s'arranger tout de suite, et que ça risque même d'empirer.

  • syle le 14/02/2014 à 13h16
    En tout cas, ces stats illustrent bien ke fait que la Premier League fait exception par rapport au rsste du football européen.
    Ce qui me conforte dans l'idée que comparer une faute sifflée en L1 avec une faute sifflée ou pas en Premier League n'a pas beaucoup de sens.

    Donc, c'est bien ça : le sempiternel...
    - Arsène, ça serait sifflé, ça, en Angleterre ?
    - Non
    ...ben on s'en cogne complet.

  • fabraf le 14/02/2014 à 14h18
    A la gloire de Coco Michel
    aujourd'hui à 12h52

    Pour certains l'absence de trio arbitral français à la WC est révélateur du mauvais niveau des arbitres français.

    - - - - -
    Je pense qu'il faut arrêter d'être caricatural et de se fermer les yeux : oui, il y a bien un problème du niveau des arbitres français ! La preuve ? Aucun d'eux ne sera présent à la CdM.

    Maintenant, nous avons deux solutions :
    - jouer les incompris : on est trop bons mais les autres ne le voient pas. Et puis c'est magouille et compagnie à l'UEFA
    - essayer d'en comprendre les raisons pour augmenter ce niveau

    Jamais vous ne lirez de mon clavier un dézinguage d'un arbitre en particulier (vous pouvez faire une recherche : je suis inscrit depuis 2006). Je ne critique jamais un arbitre sur un prétendu coup de sifflet ou non. Sincèrement que telle faute ou tel hors-jeu soit sifflée ou non m'importe peu (voire carrément pas). Je considère que l'arbitre est un aléa comme la pelouse, le vent, la température, l'heure du match...

    En revanche, j'ai l'impression que le rythme des matchs en général est moins élevé qu'en Espagne ou qu'en Allemagne, qu'il y a plus de temps morts causés par les arrêts du jeu. En résumé que le fameux temps de jeu effectif n'est pas très élevé par rapport aux autres championnats (dont le Portugal).

    Or ce temps est géré par l'arbitre. Force est de constater que les arbitres provenant de championnat où ce rythme semble plus élevé seront tous présent à la CdM. Par conséquent, oui je considère qu'il y a un problème au niveau de notre DNA !

  • OLpeth le 14/02/2014 à 14h24
    J'applaudis la démarche mais c'est comme pisser dans un violon, même avec des faits, les éditocrates sportifs ne changeront pas d'avis. Lézarbitrysontnulépicétou.
    Mais je serais quand même super curieux de voir les réactions de Duga-Ménès et consorts à ce papier factuel.

  • fabraf le 14/02/2014 à 14h43
    Et j'ajoute pour encore relativiser les chiffres donnés, qu'il faut également prendre en compte les "no-call" (comme on dit en basket). Il s'agit également de décisions où l'arbitre décide de ne pas siffler.

    Alors ce chiffre sera difficile à mesurer mais il doit faire partie intégrante (avec le temps de jeu effectif) des stats donnés par l'article si on veut réellement avoir une vision complète du nombre de décisions prises par match.

    Livrer la stat du nombre de fautes sifflés brute n'a, à mon sens, pas grand intérêt en soi et surtout ne permet de ne tirer aucune conclusion !

  • visant le 14/02/2014 à 15h53
    fabraf
    aujourd'hui à 11h04

    visant
    aujourd'hui à 10h34

    Tu as vraiment pris mon interprétation CFCiste au sérieux?
    Les bras m'en tombent.

  • C. Moa le 14/02/2014 à 15h58
    Petite remarque avant de commencer : je crois qu'un rouge direct en Angleterre entraîne une suspension de 3 matchs minimum.



    Bon, je passe en mode bipolaire (visiblement comme Doc Emett Brown, aujourd'hui à 13h00, "Très INintéressant cet article").

    Merci pour cet article donc, c'est bien d'aborder le sujet et de tordre le cou à une idée reçue. C'est impressionnant de voir la similarité entre les championnats sur quelque chose d'aussi "aléatoire" que le nombre d'interventions d'un arbitre.

    Mais j'ai l'impression qu'on propose un sujet de thèse : "regarde c'est pas mal, si on fouille BEAUCOUP plus on aura vraiment des indicateurs intéressants".

    Voilà, je trouve ça léger dans plusieurs domaines et c'est dommage (fautes vs. hors-jeu, 2 jaunes vs. rouge direct, avantage laissé par l'arbitre, etc). Si quelqu'un se lance dans un décorticage plus poussé - qui demandera certes un énorme boulot - je serai ravi de le lire !

La revue des Cahiers du football