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Riquelme, fin du bal

Passe en retraite – S'il faut saluer Juan Román Riquelme, souvent présenté comme un joueur obsolète dans un football qui ne tolère plus les dilettantes, on préférera à l'oraison funèbre l'éloge du footballeur en danseur.

Auteur : Philippe Gargov le 4 Fev 2015

 

 

Juan Román Riquelme s’en est allé, et cette fois, cela semble définitif. Tout ou presque a été dit pour accompagner la retraite du maître à jouer argentin. On a parlé de Riquelme le footballeur, le tacticien, le marcheur ou le maestro. Mais on a moins parlé de Riquelme le danseur. Pourtant, mieux qu’aucun joueur de cette génération, Riquelme illustrait la proximité qui lie la danse et le football, au grand dam des détracteurs d’entrechats. L’occasion d’une métaphore filée, pour explorer les silencieuses chorégraphies qui se jouent sur un terrain de football.

 

 

 


Le tango de la vieille garde

Tout commence avec la mélodie d’un tango syncopé, forcément. Comme l’a écrit Julio Cortazar, “les Argentins ont un idiome, un manière d'être que le tango traduit musicalement”. Riquelme, lui, le traduisait chaque semaine en touchers de ballon, aurait pu ajouter l’écrivain s’il avait vécu quelques années supplémentaires. Il n’en fallait pas davantage pour que ses adorateurs n’entremêlent les deux, associant les gestes du numéro 10 aux notes d’El Firulete, un classique de la discothèque argentine, dans sa version instrumentale, ou dans sa version chantée par Julio Sosa.


 

 

D’autres vidéos du même acabit sont légion, aux titres toujours explicites tels que “Riquelme bailando por un tango”. À chaque fois, le même sentiment d’un accord parfait entre l’image et l’habillage sonore, loin des compiles eurodance auxquels les Youtubeurs nous ont habitués. Une concordance des sens qui ne trompe pas: lorsqu’il joue, Riquelme ne se contente pas de ses membres inférieurs; c’est tout son corps qui se met en mouvement, depuis les hanches jusqu’à son cou trapu, emportant le défenseur adverse dans ce ballet déroutant qui a fait la légende du joueur de Boca.

 


L’art de marcher

Mais l’Argentin n’a pas le monopole du tango. La métaphore file jusqu’en Espagne, où les journalistes d’AS avaient comparé Karim Benzema à “un danseur de tango, œillet entre les dents”, à la suite d'une prestation pleine de grâce contre l’Athletic Bilbao, en novembre 2012. On pourrait s’étonner de voir le Français encensé en des termes si spécifiques. Mais là encore, rien que de très logique pour qui se plaît à apprécier le buteur madrilène. C’est le chorégraphe Philippe Découflé qui en parle peut-être le mieux, au détour d’un entretien à So Foot: “Ce qui me marque chez les footballeurs, c’est l’importance du flegme: on voit bien, chez les joueurs comme Benzema par exemple, que ça joue ailleurs, cette gestion de la vitesse et des décélérations.


On a souvent loué les capacités d’accélération des footballeurs proto-modernes que sont Ronaldo, Messi et leurs consorts. Mais on oublie souvent trop vite l’importance de la lenteur dans un football qui ne sait que s’impatienter. Les Argentins l’ont bien compris: il suffit de citer Javier Pastore ou Lucho Gonzalez, autres danseurs émérites nichés dans l’ombre de Riquelme. Ce n’est pas sans raison que la “figure” la plus importante, dans le tango, n’est autre que la marche: “el arte del caminar”, ou l’art de marcher en rythme avec la musique, le corps lancinant mais les muscles parfaitement éveillés. Les amateurs de Berbatov ou Pastore peuvent chaque semaine en témoigner, marcher sur le pré est un art nécessaire.

 


Ballerines à crampons

La métaphore rejoint ainsi la Ligue 1, où sévissent ces deux-là, et nous emmène jusqu’à Robert Duverne, toujours cité chez So Foot: “L’avenir du corps des footballeurs passe par celui des danseurs”, aurait ainsi déclaré le préparateur physique dont on connaît le sens du tempo. Une métaphore salvatrice, à l’heure où les liens entre les disciplines sportives dévoilent d’insoupçonnées vertus. Venant d’un homme dont le métier est précisément d’aider les joueurs à muscler leur jeu, la formule a de quoi surprendre… mais prend évidemment tout son sens, à l’aune des exemples ci-dessus.


Pourtant, cela ne suffit pas aux défenseurs d’un football viril qui ne saurait se laisser submerger par la poésie de la danse, jugée trop élégante sûrement. Ainsi Francis Gillot, à l’époque entraîneur de Bordeaux, s’était-il emporté contre le manque d’agressivité de ses joueurs: “Il n’y a pas 36 solutions: au lieu de jouer en ballerines, ils mettront les crampons.” De même lorsque Djibril Cissé, dans un tweet en défense de son club insulaire: “si vs pouvez pas gerer la pression allez faire de la dance le foot est un sport d hommes”. Les termes du débat sont posés, binaires: d’un côté des danseuses, forcément des femmelettes, et de l’autre des footballeurs que l’on suppose virils, rustres et durs sur l’homme.

 


Chorégraphies corporelles

Las! Djibril Cissé, Francis Gillot et tous les autres, que l’on pourrait énumérer, ont tort de réduire la danse à cela. Parce que Riquelme, parce que Garrincha (dont le recrutement à Botafogo s’est fait sur un pas de danse, après que Nilton Santos eut déclaré ceci: “Il m’a fait danser. J’ai demandé qu’on l’engage et qu’on le mette dans l’équipe titulaire. Je ne voulais plus jamais jouer contre lui.”), parce que tous les autres joueurs dont l’art du football dépasse le seul jeu de pied. Plutôt que de crier à la virilité, les footballeurs devraient peut-être pratiquer le pas-de-biche entre deux entraînements – en constatant au passage la violence, la rigueur et la technique que la danse exige des corps de ceux qui la pratiquent pour qu'ils expriment un peu de grâce.


Après tout, Ibrahimovic est devenu ce qu’il est en pratiquant le taekwondo, autre forme de chorégraphie corporelle qui lui a conféré ses célèbres talents d’équilibriste. Pourquoi un footballeur ne pourrait-il pas, de même, développer sa gestuelle à travers le tango, le zouk, ou les sauts de chats de Noureev? Si seulement… Car à chaque fois que l’on traite un footballeur de danseuse, c’est l’élégance qu’on enterre un peu plus.

 


Un tango a d’ailleurs été composé en l’honneur de Riquelme, qui le compare au peintre Benito Quinquela, autre légende de Boca.
 

Réactions

  • Ba Zenga le 04/02/2015 à 13h49
    Cool, la PER sur Riquelme! Approche intéressante, j'ai bien aimé. Merci.

  • what_a_metz le 05/02/2015 à 11h48
    Robert Duverne est toujours en activité. A Metz, certes, mais tout de même...

  • Jizzkov le 05/02/2015 à 20h09
    what_a_metz
    aujourd'hui à 11h48

    Robert Duverne est toujours en activité. A Metz, certes, mais tout de même...

    --

    Ah, Metz est toujours en activité ?!
    (merci, je corrige !)

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